Il voulait virer en tête la bouée du premier tour, comme le diraient les régatiers. Pari réussi pour le candidat PS, qui a rassemblé sur son nom près de 28.63% des suffrages exprimés, à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle. Ce bon score de François Hollande, bien supérieur à celui de son ex-compagne Ségolène Royal en 2007 (25,9%) place le président sortant, Nicolas Sarkozy, en position de challenger, dans la bataille pour le second tour. Car non seulement, le maire de Tulle distance d'un à deux points, selon les estimations, Nicolas Sarkozy ( 27,18%), mais la gauche regagne une grande partie du terrain perdu en 2007. Le score total de la gauche est proche de 44%, non loin de celui de 1981 au premier tour (46%), en dépit d'un résultat décevant pour Jean Luc Mélenchon (11,1%). Une déception pour l'ex ministre de François Mitterrand, qui finalement avantage François Hollande: nul ne pourra dire que le candidat PS est l'otage de Jean-Luc Mélenchon. "Si ces chiffres (du premier tour) sont confirmés, il faudrait que François Hollande, lors du débat face à Nicolas Sarkozy, s'effondre, pour qu'il puisse y avoir une inversion du rapport de force" estime Stéphane Rozès.

Hollande ne changera pas de cap
En outre, les enquêtes d'opinion portant sur le second tour, diffusées jusqu'à vendredi dernier, accordent au maire de Tulle des scores qui vont du confortable (54%) à l'inouï, ou presque, sous la cinquième république (57%). Charles de Gaulle avait engrangé 55,20% le 19 décembre 1965, pour la première élection du président de la république au suffrage universel depuis... 1848. Seul Georges Pompidou a dépassé ce score, en 1969, atteignant 58% des voix, mais en l'absence de candidat de gauche au second tour...
Comment parvenir à de tels scores? Quelle va être la stratégie de François Hollande? Le candidat PS n'a pas l'intention de dévier de son cap. Il joue la carte de l'anti-sarkozysme, du rejet du président sortant. Un rejet qui marque ce premier tour, sur lequel le président du conseil général de Corrèze entend capitaliser: il veut enfermer le débat dans le cadre d'un référendum pour ou contre Nicolas Sarkzoy. François Hollande se veut, à l'opposé du candidat sortant, un président "normal", se posant en rassembleur. "Je suis le candidat du rassemblement pour le changement", a déclaré l'ancien patron du PS. "Ce rassemblement doit être le plus large possible". Seule inflexion dans déclaration ce dimanche soir: il laisse entendre qu'il va prendre en compte la montée du vote protestataire, affirmant vouloir entendre la "France qui souffre du chômage, de la précarité, de l'insécurité". Car la surprise de la soirée a été, le score historique de Marine Le Pen.

 Résultat choc pour Marine Le Pen

Le France qui proteste s'est rappelée ce dimanche au bon souvenir de la classe politique. Contre toute attente, les sondeurs n'ayant jamais anticipé un tel résultat, le Front national a enregistré un score historique, Marine Le Pen réunissant sur son nom 17,90% des voix.  "Les Français se sont invités à la table des élites" a déclaré la candidate FN. Ce résultat choc de la candidate Front national marque l'échec de Nicolas Sarkozy, dans sa tentative d'attirer à lui les électeurs du FN. En 2007, l'ex maire de Neuilly avait fait chuter Jean-Marie Le Pen, à un peu plus de 10% des voix, loin derrière son score de 2002 (16,9%). En 2012, le président sortant n'a pas su contenir la vague FN, en dépit d'appels du pied répétés aux électeurs tentés par le vote extrême droite. Sans nul doute, ce résultat est à relier à une forte participation, là aussi beaucoup plus élevée qu'anticipé : elle a atteint 79,47%, soit l'un soit un des plus hauts scores de la cinquième république, après le record de 2007 (83,8%). Des électeurs disant vouloir s'abstenir ont sans nul doute accordé leur voix, in fine, à la candidate du Front national. Nicolas Sarkozy voudra sans aucun doute aller chercher ces voix, en droitisant encore ses positions... Le président sortant "va être tiraillé entre une campagne au centre et une campagne à droite" estime le politologue Stéphane Rozès, président de CAP (Conseil, analyse, prospective). "Il va être obligé de faire une campagne de l'entre-deux tours à droite et, du coup, il perd le centre".

 Un vent d'extrême droite en Europe

En terminant troisième de la présidentielle, le chef de file de l'extrême droite, Marine Le Pen, a atteint son objectif: s'imposer en quelques mois à la tête d'un parti au passé sulfureux qu'elle a "dédiabolisé" et amené à un niveau jamais vu. Dix ans après le fait d'armes de son père - une qualification surprise au 2e tour -, Marine Le Pen fait mieux en nombre d'électeurs, en en gagnant près de deux millions. Et recueille 7 points de plus que lui à l'élection en 2007 du président Nicolas Sarkozy. "Je lui ai passé le relais", a réagi à chaud Jean-Marie Le Pen.
A 43 ans, elle rejoint les femmes politiques qui font souffler un vent d'extrême droite en Europe, à l'instar de Pia Kjaersgaard, la présidente du Parti du peuple danois, ou de Krisztina Morvai, députée européenne sur la liste du parti nationaliste hongrois Jobbik. Marine Le Pen veut faire du Front national un parti "normal" qui peut gouverner et pas seulement un parti de contestation. Elle se veut le porte-parole des "invisibles", ces "oubliés", "déclassés", des classes moyennes et populaires qui se sentent de plus en plus délaissés. Ils pourraient représenter 40% de la population, selon certains sociologues. A coup sûr, l'heure est venue de la recomposition de la droite en cas de défaite de Nicolas Sarkozy...

Un échec pour François Bayrou

François Bayrou prend une véritable claque, il suffit de comparer son score de 2012 (9,13%) à celui de 2007 ( 18,6%) pour en prendre la mesure. C'est l'échec d'une stratégie centriste, et aussi une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy : les réserves de voix sont très basses pour le président sortant. Seuls un tiers des partisans de François Bayrou ont affirmé, selon les derniers sondages publiés avant le scrutin, vouloir voter pour Nicolas Sarkozy au second tour.

Les résultats* du premier tour pour la France entière (Source : Ministère de l'Intérieur)

En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des % exprimés peut ne pas être égale à 100,00%

* Sous réserve de la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel.