Le foot, nouvel indicateur macro-économique

Par Didier Burg, L'Echo  |   |  639  mots
La banque ABN Amro estime qu'une victoire de la France à l'Euro 2012 serait le meilleur scénario pour requinquer la confiance des investisseurs dans la zone euro. Copyright Reuters.
Avec son étude "Soccernomics", la banque ABN Amro prédit l'atténuation des craintes face à l'euro si un pays où circule la monnaie unique gagne.

 La planète foot a de beaux jours devant elle. Outre les enjeux sportifs et médiatiques, les matchs de foot deviennent des indicateurs macro-économiques. Troisième événement sportif le plus suivi dans le monde après les Jeux Olympiques et la Coupe de football Fifa, l'Euro 2012 qui va se jouer en Ukraine et en Pologne du 8 juin au 1er juillet, en fournit l'exemple le plus probant. 

Se transformant en bookmakers des temps modernes, les économistes de la banque néerlandaise ABN Amro viennent de faire des pronostics sur l'impact économique pour la zone euro d'une victoire emportée par l'un des pays où circule la monnaie unique. Selon eux, une victoire de la France s'avère le meilleur scénario pour requinquer la confiance des investisseurs, comme l'indique leur étude de huit pages.

L'argument est limpide. Au sein de la zone euro, la France est désormais le pays sur le point de franchir la ligne rouge. Si l'équipe nationale française gagne, l'impact psychologique sera tel que la crainte de contagion aux pays forts de la zone devrait s'atténuer ipso facto. Une victoire de l'équipe allemande ou néerlandaise serait un pis-aller. 

Au contraire, ABN Amro estime qu'il serait "malvenu" que le tournoi soit remporté par le Danemark, le Royaume-Uni ou la Suède, pays où l'euro n'a pas cours. "Une telle victoire encouragerait les euro-septiques", rapporte l'étude "Soccernomics" de la banque amstellodamoise qui convient dans son introduction que "ce rapport n'est pas plus fondé sur des mathématiques avancées que sur une science exacte". À preuve, la préférence affichée des économistes sportifs de la banque amstellodamoise pour voir les Pays-Bas s'emparer de la coupe de l'Euro 2012 comme en 1988.

Redorer l'image des pays du sud de l'Europe

Sur le terrain, la réalité sportive risque cependant d'être loin des pronostics anticipés par les auteurs de "Soccernomics". La France n'est en effet qu'au 16e rang dans le classement Fifa alors que l'Allemagne et les Pays-Bas sont respectivement au 2e et 4e rang, d'après les données collectées par ABN Amro. À l'aune des prestations sportives des équipes en lice, l'Allemagne a les meilleures chances d'emporter le titre de champion de l'Euro 2012. L'étude ne manque d'ailleurs pas de rappeler que les économistes de la banque avaient prédit la victoire de l'Espagne lors de l'édition 2010 de ce tournoi.

En outre, il apparaît que la moitié des équipes finalistes de l'Euro 2012 est issue de pays ayant maille à partir avec les agences de notation américaines. De fait, depuis 2004, les trois pays les plus mal en point de la zone euro, Espagne, Grèce et Italie, ont toujours gagné les tournois de foot les plus en vue de la planète. 

À partir de ce constat, ABN Amro donne un certain crédit à la thèse selon laquelle l'état pitoyable des finances publiques des pays du Sud de l'Europe s'explique par des facteurs socioculturels qui transparaissent dans leurs performances sportives. Pour gommer cette image, l'UEFA a d'ailleurs récemment promis que les clubs de football espagnols paieraient au plus vite leurs arriérés d'impôts au fisc. "C'est une bonne chose que ces clubs contribuent même symboliquement au rétablissement des finances publiques", note l'étude.

Donnant de l'eau au moulin des conclusions d'ABN Amro, la Banque centrale européenne a de son côté publié une étude édifiante en février dernier sur l'impact boursier des rencontres de football. En moyenne, le volume des échanges en Bourse chute de moitié dans un pays le jour où se déroule un match impliquant l'équipe nationale. "Le football est la chose la plus importante parmi les choses sans importance", avance en forme d'explication la note macro-économique "semi-sérieuse" publiée par ABN Amro.