Sommet européen : pas mal, mais peut mieux faire...

Par Sophie Rolland  |   |  730  mots
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Euphoriques, les marchés ont voulu croire qu'une issue à la crise de la dette en zone euro avait été trouvée lors du sommet des 28 et 29 juin. De nombreuses questions continuent néanmoins à se poser.

"Comme à chaque sommet les marchés financiers réagissent positivement, sans même se rendre compte que rien dans ses conclusions n'améliore la situation précaire et dangereusement instable des économies de la périphérie". Le commentaire des économistes de Natixis est sans appel. Après l'euphorie boursière de ce vendredi, les inquiétudes pourraient bien refaire surface.

Un soulagement : l'assouplissement du plan d'assistance aux banques espagnoles

De fait, le seul point des accords unanimement salué est l'assouplissement du plan d'assistance financière pour le secteur bancaire espagnol. Le capital pourra être injecté directement dans les cajas et ainsi, ne viendra pas alourdir la dette de l'Etat. De plus, les prêts consentis ne seront pas "senior" (c'est à dire prioritaires en cas de faillite) par rapport aux prêts accordés par les autres créanciers, notamment obligataires. "Le premier assouplissement est conditionnel au fait que soit établi rapidement un mécanisme de supervision unifié des banques impliquant la BCE - rapidement voulant dire avant la fin de l'année 2012 !", remarque Bruno Cavalier, économiste chez Oddo. Le deuxième tient au fait que les fonds seront d'abord fournis par l'EFSF (qui n'a jamais eu de statut de séniorité), puis transférés à l'ESM (qui rependra donc les conditions du prêt de l'EFSF). Dans ces conditions - et Angela Merkel a lourdement insisté sur ce point - la dérogation au statut de créancier privilégié de Mécanisme européen de stabilité (MES) ne s'appliquera qu'à l'aide aux banques espagnoles. Point très positif : cette avancée permettra de considérablement affaiblir le lien entre banques et état.

Plusieurs "engagements" et "déclarations d'intention" encourageants

Outre la possibilité donnée au MES de recapitaliser directement les banques, les déclarations d'intention relatives à la constitution d'une supervision bancaire européenne et à la publication rapide d'une feuille de route sur les prochaines étapes de la construction européenne, ainsi que l'engagement pris d'utiliser de façon plus flexible l'EFSF et le MES en cas de besoin critique de financement des Etats européens sont bien sûr encourageants.

Un certain nombre de questions en suspens

De nombreuses questions restent toutefois en suspens. Les économistes de Natixis, Patrick Artus, Sylvain Broyer et Nathalie Dezeure, détaillent dans une note les domaines où des avancées ont été obtenues, ainsi que les problèmes soulevés.

1 - " Le pacte sur la croissance mobilisera en vérité bien moins d'argent qu'il n'est annoncé officiellement", signalement les économistes pour qui la moitié des 120 milliards d'euros évoqués correspond à une augmentation de capital de la BEI de 10 milliards, qui augmenterait sa capacité de financement... de 60 milliards. S'ajoutent 55 milliards milliards d'euros de fonds structurels européens disponibles à horizon 2013 mais pas encore alloués. Enfin, 5 milliards seront lancés sous forme de « project bonds » pour financer des investissements dans le domaine de l'énergie, des transports et des infrastructures (en fait, surtout des financements privés type PPP). "Au total il n'y aurait donc au mieux que 15 milliards d'euros de nouveaux moyens injectés dans l'économie", indiquent les économistes.

2 - Les prochaines étapes de la construction européenne ont été fixées par une déclaration d'intention , comme cela avait été réclamé par la BCE. "La réponse apportée est pour le moins balbutiante, puisqu'aucun élément concret ne jette les bases d'une union fiscale, condition sine qua non à la viabilité de la zone monétaire européenne", déplorent les économistes de Natixis.

3 - Une déclaration d'intention prévoit la mise en place rapide d'une supervision bancaire européenne, qui impliquerait la BCE. Aujourd'hui sur les 17 pays membres de la zone euro, 14 autorités bancaires sont organisées dans le giron des banques centrales nationales, rappellent les économistes. La supervision est le premier volet d'une union bancaire. La garantie des dépôts et une structure commune de défaisance sont les deux autres. La date de la fin de l'année est évoquée pour réaliser le premier volet. Reste à savoir quand seront franchies les étapes suivantes...

4 - Enfin, plus de flexiblité doit être donnée au FESF et au MES pour le financement des dettes publiques européennes. "La déclaration est très vague", relèvent les économistes, pour qui "les travaux de l'Eurogroupe devraient apporter les précisions nécessaires d'ici le 9 juillet".