Les PME françaises font les frais d’une économie de plus en plus "low-cost"

Par Christine Lejoux  |   |  703  mots
Le nombre de PME dégageant un excédent brut d'exploitation négatif a bondi de près de 53% depuis 2008, à 2.525 en 2012, soit 17% des 15.000 sociétés étudiées par ATH. REUTERS.
Près de 20% des 15.000 PME étudiées par le cabinet ATH ont été déficitaires, en 2012. Et, pour celles qui sont encore profitables, leur bénéfice net a chuté de 18%, au cours des cinq dernières années.En cause, notamment : la course aux prix bas dans de nombreux secteurs.

L'emploi et la croissance proviennent essentiellement des PME. Mais pour combien de temps, encore ? L'association de cabinets d'audit ATH a publié, vendredi 15 novembre, une étude alarmante sur la situation financière de 15.000 PME non cotées en Bourse, un échantillon qui représente près de 8% des 200.000 petites et moyennes entreprises françaises recensées par l'Insee. Depuis la crise financière de 2008, l'excédent brut d'exploitation (EBE) - celui-là même que le gouvernement projetait de taxer - dégagé par les PME du panel ATH a chuté de 12,2% en moyenne, pour tomber à 482.000 euros, en moyenne toujours, en 2012.

Un plongeon qui débouche sur un EBE de 4,9% seulement, contre 6% en 2008. Un niveau si faible que "le moindre obstacle - comme la perte d'un client - peut devenir grave pour l'entreprise", prévient Philippe Blin, du cabinet d'audit Sefac, membre d'ATH. A noter que si la tendance est à la baisse dans tous les secteurs d'activité, elle est particulièrement violente pour les PME du BTP, qui ont vu leur excédent brut d'exploitation dévisser de 37%, au cours des cinq dernières années, à moins de 300.000 euros en moyenne en 2012.

 Près de 20% des PME étudiées par ATH ont été déficitaires, en 2012

Pis, le nombre de PME dégageant un EBE négatif a bondi de près de 53% depuis 2008, à 2.525 en 2012, soit 17% des 15.000 sociétés étudiées par ATH. Une proportion qui n'était encore que de 11%, il y a cinq ans. De la même façon, 18% des PME de l'échantillon ATH ont accusé une perte nette, l'an dernier, contre 13% seulement en 2008. Pour ces dernières, ce n'est même plus leur capacité à investir qui est en jeu, mais tout simplement leur survie, puisqu'elles perdent en moyenne 500.000 euros par an.

Et, pour les 82% de PME qui sont encore parvenues à dégager un bénéfice net, en 2012, celui-ci affiche une chute de 18% sur les cinq dernières années… D'où une marge nette ramenée de 3,20% en moyenne en 2008 à 2,44% l'an dernier.

"Ce niveau très faible pose problème pour le futur de certaines PME, car il est probablement insuffisant pour leur permettre d'investir, de surmonter une nouvelle période de crise, ou tout simplement de rémunérer leurs actionnaires ",

s'inquiète Philippe Mendès, du cabinet d'audit ACA, également membre de l'association ATH.

 Une rentabilité grevée par une économie de plus en plus "low-cost"

 Pourtant, "les PME ont fait des efforts très importants de gestion de leurs coûts, notamment en matière de salaires et de relations avec leurs sous-traitants", affirme Philippe Blin. De plus, à l'inverse de la rentabilité, le chiffre d'affaires des PME a augmenté, au cours des cinq dernières années, de 7%, pour atteindre 9,8 millions d'euros en moyenne, en 2012.

 Alors, pourquoi la rentabilité des PME dégringole-t-elle ?

"Les prix de vente se sont fortement dégradés, dans le contexte, notamment, d'une économie qui devient de plus en plus low-cost, qui se paupérise, où la négociation des prix par les clients est devenue systématique",

explique Philippe Blin. Et d'insister : "Avec Internet, nous nous sommes habitués à acheter moins cher. C'est notamment le cas des billets d'avion. Mais, derrière chaque voyage à prix cassé, il y a des PME qui voient leurs marges s'effondrer."

 Une trésorerie en hausse de 15% depuis 2008

Le bilan des PME présente néanmoins quelques signes encourageants. Leur besoin en fonds de roulement est demeuré stable, sur les cinq dernières années, à deux mois de chiffre d'affaires en moyenne. Au cours de la même période, leur trésorerie a augmenté de 15,4%, à 808.000 euros en moyenne, en 2012, et leur "gearing" (endettement rapporté aux fonds propres) a été ramené de 54% en 2008 à 49,7% l'an dernier.

 Mais s'agit-il réellement là de vraies bonnes nouvelles ?

"Ces évolutions reflètent une gestion de crise, une gestion très prudente de la part des patrons de PME, qui disposent de peu de visibilité sur leur activité et pilotent leur entreprise à vue depuis quatre ou cinq ans",

décrypte Philippe Blin. Qui, avec les autres auteurs de l'étude ATH, entend bien adresser celle-ci au ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et à Louis Gallois, Commissaire général à l'investissement.