Réforme des retraites : la semaine s'annonce cruciale

Par latribune.fr  |   |  1539  mots
Ce lundi débutent les réunions entre gouvernement, organisations syndicales et patronales sur la future réforme des retraites. Le 14 avril, le Conseil d'orientation des retraites rendra également son dernier rapport sur les perspectives à long terme du système français tandis que la contestation syndicale se met en marche, avec un appel de FO à une journée de grève interprofessionnelle.

Le calendrier de la réforme des retraites s'accélère. Dès ce lundi, le 12 avril, débutent les rencontres entre gouvernement et partenaires sociaux. Organisées au ministère du Travail, elles "aborderont les objectifs" et "la méthode de concertation" du "rendez-vous 2010" sur les retraites, a indiqué Eric Woerth, nouveau ministre du Travail, qui doit mener à bien ce chantier. Puis, mercredi 14 avril, le COR (Conseil d'orientation des retraites) rendra son dernier rapport sur "l'actualisation des perspectives à long terme" du système français de retraite.

Nicolas Sarkozy avait fait la promesse, en mars dernier, d'adopter la réforme des retraites "dans les six mois". Mais l'agenda devrait être plus rapproché. Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, a ainsi indiqué ce lundi après un entretien avec le ministre du Travail Eric Woerth que la réforme des retraites fera l'objet d'un projet de loi examiné "début juillet" en conseil des ministres.

"Le ministre nous a confirmé le calendrier, avec un document d'orientation (comprenant) des options (sur les réformes possibles), sans qu'il y ait des choses précises, vers la mi-mai", a-t-il dit. Viendra ensuite "un projet plus détaillé vers la mi-juin, un passage en conseil des ministres début juillet pour une loi qui serait déposée en septembre".

Un dossier brûlant

Alors que la semaine va voir le débat sur les retraites s'intensifier avec ces rendez-vous clés, plusieurs dirigeants politiques et syndicaux se sont prononcés sur la question dimanche. Ainsi, lors de l'émission La Tribune - BFM TV - Dailymotion, Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat, a évoqué la création d'un prélèvement spécifique écornant le principe du bouclier fiscal pour financer la dette du système des retraites.

"S'il s'agit de donner le coup de collier qui évitera de transmettre à nos enfants et petits enfants une dette dont nous sommes les seuls responsables, il faudra sans doute aller au prorata des revenus, au-delà du bouclier fiscal. Pour absorber la 'bosse', il faudra sans doute un prélèvement". Même s'il faut faire "sauter" ponctuellement le bouclier fiscal. "Il y a une dette accumulée par des générations, la nôtre, et nous n'avons pas moralement le droit de la transmettre sans faire une part d'efforts".

De son côté, le député PS du Doubs Pierre Moscovici a lancé : "tout doit être examiné en mettant à plat le système, pas seulement en disant, comme le gouvernement, que nous sommes en situation de crise, que les ressources sont limitées" lors du Grand Rendez-vous Europe 1/Le Parisien/Aujourd'hui en France. "C'est un carcan que le gouvernement veut imposer sur les retraites . Si c'est comme ça qu'il mène les discussions, il va au devant de très sévères désillusions, parce que ce seront toujours les mêmes qui payent, et ils payent sans raison". Il a indiqué que le PS va faire ses propres propositions dans les prochaines semaines. Un groupe de travail sur le sujet doit en effet se réunir le 20 avril sous la présidence de sa première secrétaire, Martine Aubry. Mais "nous restons attachés à la retraite à 60 ans comme âge légal de départ", a-t-il souligné.

Le secrétaire d'Etat à la Fonction publique Georges Tron a estimé pour sa part sur radio J que la retraite des fonctionnaires, calculée sur la base des six derniers mois travaillés, est souvent présentée comme plus avantageuse que celle du secteur privé, basée sur les 25 meilleures années : "c'est un des sujets de référence, ce n'est pas forcément LE sujet de référence", a expliqué GeorgesTron. "C'est un sujet qu'on ne peut pas enlever de la discussion globale, c'est une évidence, mais on ne peut pas pour autant en faire un préalable".

Laurence Parisot contre le départ à 60 ans

La présidente du Medef, Laurence Parisot, a, elle, lancé dimanche : "bouger les bornes d'âge change complètement la donne" lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro. A ses yeux, le déficit du régime général d'assurance-retraite atteindra "100 milliards d'euros d'ici 2050" si rien n'est fait pour réformer le système. "Les scénarios de calcul du Conseil d'orientation des retraites (qui datent d'il y a deux ans) montrent que si on bouge cette borne à 62, 63 ans (...) ça change complètement et plus ou moins rapidement les espérances de retour à l'équilibre du régime général des retraites. Nous sommes un des derniers pays européens à ne pas avoir déplacé l'âge légal de 60 ans.Soixante ans c'est un symbole qui marque profondément la gauche (...) il faut sortir de ce tabou symbolique (...) S'accrocher à des symboles qui datent des années 80, ce serait complètement irréaliste (...) il faut rentrer dans le réel".

Nouveau sondage

Selon un sondage Harris Interactive pour RTL diffusé dimanche, à  la question "quelle est selon vous la nécessité de réformer le système des retraites en France", 80% des personnes interrogées répondent "tout à fait ou plutôt nécessaire" contre 18% qui choisissent "plutôt pas nécessaire ou pas du tout nécessaire". 1% des sondés ne répond pas. Mais pour leur retraite personnelle, une minorité de 43% se déclare prête à cotiser plus longtemps que ce qui est prévu actuellement contre une majorité de 56% qui y est opposée. 1% ne répondent pas. 

A la question "pensez-vous qu'il faille reculer l'âge de départ" (60 ans actuellement): 60% des Français répondent "non", contre 39% "oui", et 1% qui ne se prononcent pas. Et sur la nécessité ou non d'un régime unique de retraites pour les salariés du privé et du public, 82% des personnes interrogées y sont favorables contre 17% défavorables.

La fonction publique également concernée

Par ailleurs, les députés ont adopté jeudi dernier les dispositions que le gouvernement a récemment ajoutées sur le dialogue social dans la fonction publique, qui incluent une disposition sur le régime de retraite des 300.000 personnels infirmiers et paramédicaux de l'hôpital public.

Cette réforme prévoit qu'infirmiers et paramédicaux devront individuellement choisir, à partir de juin, soit une meilleure rémunération - environ 2.000 euros nets en plus par an - assortie d'un départ à la retraite à partir de 60 ans, soit  le maintien de leur droit à la retraite à partir de 55 ans, mais avec une revalorisation bien moindre. Les socialistes ont tenté de toutes leur force d'obtenir le retrait du dispositif, dénonçant "le troc", "le chantage" et "un passage en force qui augure mal des promesses de dialogue du gouvernement" sur la question des retraite .

Cette modification du régime des infirmiers a la particularité de s'inscrire non pas dans le cadre de la réforme des retraites, mais dans celui de la reconnaissance du diplôme d'infirmier au niveau licence, qui vaut aux professionnels de pouvroir passer de la catégorie B à la catégorie A de la fontion publique.

Cependant le régime des retraites des fonctionnaires sera bel et bien concerné par la réforme 2010. Dans un communiqué du 26 mars, Eric Woerth a rappelé "la nécessité d'une concertation approfondie" sur les problématiques liées à la réforme. "Les modalités de cette concertation seront annoncées prochainement", a également annoncé le ministre.

Appel à la grève

Côté syndical enfin, Jean-Claude Mailly (FO) a proposé le 7 avril à ses homologues syndicaux "un appel commun à 24 heures de grève interprofessionnelle, au moment opportun". Pour Jean-Claude Mailly, le gouvernement ne cherche pas d'autres solutions à la pérennité des régimes de retraites que l'allongement du temps de travail.  

Or les militants de FO sont "fermement opposés à tout allongement de la durée du travail quelle qu'en soit la forme (allongement de la durée de cotisation et/ou report du droit au départ à 60 ans)" et à toute "remise en cause" des régimes de retraite des fonctionnaires.

L'opinion publique continue elle aussi à voir cette réforme d'un mauvais oeil : 93% des Français restent défavorables à une diminution du niveau de leurs retraites et deux sur trois s'oposent au recul de l'âge de départ au-delà de 60 ans, selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche du 4 avril.

 

15 millions d'affiliés, pour une pension moyenne de 1.122 euros mensuels

Selon la Drees, le service statistiques des ministères sociaux, à fin 2008 :
- 15 millions de Français étaient affiliées à un régime de retraites, soit 500.000 de plus qu'en 2007
- le régime général des salariés du privé (Cnav) représente le régime le plus important en termes d'effectifs, avec 11,4 millions de bénéficiaires ; viennent ensuite les régimes des professions agricoles : les salariés (2 millions de retraités) et les exploitants (1,6 million), et enfin la Fonction publique d'État (1,6 million de retraités)
- la pension moyenne se montait à 1.122 euros par mois en moyenne en 2008, soit 2,4% de plus qu'en 2007
- le montant moyen de pension de droit direct des femmes reste nettement plus faible, avec 825 euros mensuels, que celui des hommes (1.426 euros en moyenne)