Suppressions de postes : Nicolas Sarkozy tente d'apaiser la grogne des enseignants

Par Clarisse Jay  |   |  861  mots
Plus de 65.000 postes d'enseignants auront été supprimés entre 2007 et la rentrée 2011.
Poursuivant les suppressions de postes, le chef de l'Etat a promis lors de ses vœux au monde de l'éducation d'améliorer la réforme de la formation et la rémunération des enseignants.

Etait-ce une façon de diluer les sujets qui fâchent ? En 2009, l'éducation d'un côté, l'enseignement supérieur et la recherche de l'autre avaient chacun eu droit à ses voeux. En 2010, le chef de l'Etat les réunissait à Saclay. Cette année, il a fait au Grand Palais un "package" éducation-mondes de la connaissance et de la culture...
Nicolas Sarkozy n'en a pas moins abordé le sujet explosif des suppressions de postes (plus de 65.000 depuis 2007) qui a valu à ses voeux d'être boycottés par la plupart des syndicats d'enseignants (FSU, Sgen-CFDT, Unsa Education, CGT, Solidaires). "L'éducation est malmenée. L'étude Pisa de l'OCDE, qui a mis en évidence un nombre croissant d'élèves en difficulté, aurait dû être un électrochoc. Au lieu de cela, alors que le monde est de plus en plus en concurrence, on poursuit les suppressions de postes !", dénonce Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa. Ironie du calendrier, mercredi matin, le ministre de l'Education nationale, faisait une communication en Conseil des ministres sur le repérage des "décrocheurs", ces 120.000 à 150.000 jeunes de 16 à 18 ans qui sortent du système éducatif chaque année sans diplôme...

Faire mieux avec moins

Nicolas Sarkozy connaît les critiques récurrentes sur les suppressions de postes. Mais pas question de voir pour lui de voir la Maison Education, premier employeur et premier budget de l'Etat, déroger à la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. D'autant que, a-t-il précisé, "depuis le début des années 90, il y a 600.000 enfants de moins et 45.000 enseignants de plus"... et les résultats scolaires ne se sont pas améliorés pour autant. Cet argument est répété à l'envi par le gouvernement depuis des mois. Mais, rétorquent les syndicats, il y a 20 ans, moins d'élèves poursuivaient leurs études après la classe de troisième... Quoiqu'il en soit, le mot d'ordre étant de faire mieux avec moins, Nicolas Sarkozy leur demandé ce mercredi de réfléchir non en quantité, "mais en qualité". En vertu de quoi il a promis une amélioration de la réforme de la formation des enseignants, cette fameuse "masterisation" (car le niveau requis a été porté au niveau master) qui vient d'entrer en application et fort critiquée pour le peu de place qu'elle fait à la pratique (les enseignants débutants prennent tout de suite à quasi plein temps une classe en responsabilité). Il a aussi évoqué une amélioration de leur rémunération, ouvrant donc la perspective d'un effort supérieur à celui jusqu'alors consenti par Luc Chatel, qui a limité les revalorisation aux débuts de carrière.

Grogne dans les académies

Mais cela ne devrait pas suffire à apaiser la grogne des enseignants qui ont programmé de longue date une journée d'action ce 22 janvier. Après la publication des 16.000 suppressions de postes (8.967 dans le primaire et 4.800 dans le secondaire) par académie prévues pour la rentrée 2011 (La Tribune du 23 décembre 2010), les recteurs, auxquels cette tâche revient désormais, sont en train de procéder aux répartitions. D'après les premières tendances recueillies par les syndicats, les recteurs tentent autant que faire se peut de ne pas supprimer de classes dans le primaire. Résultat, ils taillent dans les intervenants en langues, les Rased (réseaux d'aide aux élèves en difficulté), les conseillers pédagogiques et réduisent la scolarisation des moins de 3 ans (déjà tombée de 37 % en 2001 à 13 % aujourd'hui). Dans le secondaire, où 15.600 élèves de plus son attendus au collège, les effectifs par classes sont augmentés, parfois de 20 %, des options supprimées, des filières mutualisées notamment dans les lycées professionnels, ou encore les dotations horaires revues à la baisse. "Les recteurs s'assoient parfois sur la réforme du lycée", ironise Christian Chevalier, qui précise que dans certains cas, les volumes horaires fixés pour la nouvelle classe de seconde ne sont pas respectés. Les volants de remplaçants sont aussi souvent réduits. Les comités techniques paritaires académiques (CTPA) chargés d'entériner la répartition des suppressions de postes, qui se déroulent en ce moment, sont donc généralement boycottés par les syndicats. Comme à Créteil, où sont dénoncés 571 suppressions de postes alors que 8.000 élèves de plus sont accueillis ; à Versailles (493 postes en moins) où les syndicats dénoncent la mise en danger de l'éducation prioritaire ; à Toulouse , où le recteur souhaite supprimer les seuils d'ouverture et de fermeture de classes et pousser les petits établissements en zone rurale à se regrouper ; ou encore à Rennes où la carte et l'offre des options sont réduites dans les lycées... Du coup, le mécontentement monte chez les élus, y compris de la majorité. Selon les syndicats, il aurait été discrètement recommandé aux recteurs, de repousser leurs décisions après les élections cantonales de mars. Histoire de ne pas faire peser par ricochet de menace supplémentaire sur les sénatoriales, dont la moitié doit être renouvelé par les grands électeurs en septembre.