Nadine Morano part en guerre contre l'illettrisme chez les salariés

Par Céline Jeancourt-Galignani  |   |  656  mots
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La ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle a lancé mardi la première journée nationale consacrée à la "lutte contre l'illettrisme dans l'emploi".

"Ce n?est pas parce qu?on est inculte qu?on n?est pas cultivable..." C?est en citant une réplique de Gérard Depardieu - venu lui-même témoigner en faveur de la lutte contre l?illettrisme - dans le film de Jean Becker "La Tête en friche", que Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, a ouvert la journée de mardi consacrée à cette initiative. Voulu par Nadine Morano, ministre chargée de l?apprentissage et de la formation professionnelle, l?évènement vise à mobiliser la société, du fait qu?aujourd?hui, en France, il y a "plus de 3 millions de personnes en âge de travailler - soit 8% des salariés et 15% des demandeurs d?emploi - qui connaissent des difficultés pour lire et écrire", relève la ministre.

Une mobilisation collective

Associé à l?Agence nationale de lutte contre l?illettrisme (ANLCI), son ministère cherche d?abord à "sensibiliser l?ensemble des acteurs économiques et sociaux". Partenaires sociaux, grandes entreprises, organismes collecteurs agréés (OPCA) chargés du financement des formations professionnelles et Pôle emploi ont donc été invités à participer aux tables rondes, afin de briser le tabou de l?illettrisme dans l?emploi et y apporter des solutions. Pour pouvoir ensuite "accompagner les entreprises et les organismes de formations dans le repérage" des gens illettrés et organiser la formation visant à combler leurs lacunes.

Différent de l?analphabétisme - le fait de ne pas avoir été scolarisé - l?illettrisme concerne ceux "qui ont mal appris ou désappris les connaissances de base". Il peut se révéler handicapant pour l?entreprise qui accueille un tel salarié (et ils sont six illettrés sur dix à avoir un emploi) : problème de respect des consignes de sécurité ou de normes de qualité, gestion du changement perturbée, manque d?autonomie, mobilité professionnelle réduite. En conséquence, une entreprise sur quatre considère que l?illettrisme est un frein à son évolution.

Cela dit, ces carences posent problème dans la vie professionnelle, mais elles sont également un poids dans la vie sociale et familiale : impossibilité de faire un chèque, de lire un menu au restaurant, d?examiner les bulletins scolaires de ses enfants? Une situation qui conduit à l?isolement, voire à "l?exclusion" de la personne concernée, déplore Nadine Morano, qui voit dans cette lutte "un levier d?insertion professionnelle" et un moyen d?ascension sociale. C?est pourquoi le Conseil d?orientation pour l?emploi a demandé au Premier ministre que la lutte contre l?illettrisme soit déclarée grande cause nationale 2012.

Des témoignages pour avancer

Pendant la journée, les professionnels confrontés à l?illettrisme ont partagé leurs expériences. Ainsi, Christine Albanel, directrice exécutive du groupe France Télécom-Orange, a présenté les initiatives développées par son entreprise. Rappelant que "le monde du numérique est celui de l?hyper écrit", elle a souligné l?action "d?Orange solidarité numérique", qui a mis en place des ateliers où salariés bénévoles et formateurs collaborent dans une trentaine de villes.

Le secrétaire général du groupe Carrefour, Pierre Alexandre Teulié a quant à lui insisté : "il ne faut pas faire de la philanthropie, il s?agit d?abord de formation professionnelle et de compétitivité de l?entreprise". Sur les 200 magasins du groupe, 54 proposent une formation visant à éradiquer l?illettrisme. "Afin de détecter sans stigmatiser, nous donnons des informations sur ce type de formation à tout le monde. Même des cadres ont demandé à suivre des cours de syntaxe...", a-t-il reconnu.

Cette année, a promis Nadine Morano, quelque 186 millions d?euros seront consacrés à l?amélioration des connaissances de base des salariés : 54 millions de l?Etat s?ajoutant aux 132 millions d?euros du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.