Luc Chatel s'attaque au harcèlement à l'école

Par Clarisse Jay  |   |  848  mots
Le ministre de l'Education nationale veut refaire de l'école "un lieu d'humanité".
Le ministre de l'Education a annoncé ce lundi une série d'outils pour mieux prévenir le harcèlement à l'école. Un plan jugé "léger" par les syndicats, qui lui reprochent de multiplier les plans de communication.

Assises, conseils, comités, expérimentations font depuis plusieurs mois partie de la panoplie de communication de Luc Chatel. Ce lundi, dans la droite ligne des Etats généraux de la sécurité à l'école qui se sont tenus en avril 2010, le ministre de l'Education nationale a annoncé ce lundi en ouverture des Assises nationales sur le harcèlement à l'école une série de propositions qu'il entend "mettre en ?uvre dès la rentrée prochaine".

Ces propositions s'inspirent du rapport que lui a remis récemment Eric Debarbieux, président de l'Observatoire international de la violence à l'école. "Comment, dans ce lieu de transmission, de compréhension, d'ouverture, n'a-t-on pu appréhender les violences répétées dont étaient victimes certains élèves ? Comment, dans ce lieu de formation obligatoire, n'a-t-on pas pu, ne peut-on pas assurer la sécurité de ses principaux intéressés face à cette oppression constante qu'est le harcèlement ?", a interrogé en préambule Luc Chatel.

Selon le rapport Debarbieux, le nombre de victimes de harcèlement (verbal ou symbolique) est de 14% dans le primaire. Le harcèlement physique toucherait quant à lui un élève sur dix. Un phénomène qui touche "tous les établissements, quelle que soit leur sociologie", a souligné le ministre pour lequel "l'enjeu est donc capital". A cet égard, le pédopsychiatre Marcel Rufo a évoqué la perte d'estime de soi qui peut en découler, très dommageable à long terme pour les victimes.

Quatre axes

Plus qu'un véritable plan, Luc Chatel a détaillé une série d'outils en quatre axes devant permettre au milieu scolaire de mieux "appréhender cette souffrance". Outre l'intégration du harcèlement dans la nomenclature de l'enquête Sivis (Système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire), les études de victimation seront pérennisées "à une fréquence régulière, tous les deux ans" (les prochaines seront menées en 2013) et un guide sera mis à disposition des équipes éducatives (chefs d'établissement, enseignants, surveillants, infirmières scolaires) à l'automne. Une campagne d'information nationale va également être lancée à l'attention des enfants et des parents et le sujet devra être débattu au sein des instances de dialogue existantes (comités de la vie lycéenne notamment). Un site Internet consacré au sujet et un numéro d'appel unique verront parallèlement le jour. Axe crucial, la formation des personnels va être renforcée sur ce thème et les enseignants devront traiter de la lutte contre le harcèlement dans le cadre de l'éducation sociale et civique.

Trois expérimentations vont aussi être menées sur la formation de la problématique du harcèlement entre pairs, la médiation entre pairs lycéens et collégiens et l'élaboration d'outils pédagogiques. Luc Chatel, précisant que les "équipes de formateurs sur la tenue de classe sont aujourd'hui opérationnelles", a rappelé que, dans le cadre des ajustements prévus de la réforme de la formation des enseignants ("masterisation") la formation initiale des enseignants serait améliorée en ce sens. Depuis l'été 2010, le gouvernement ne cache pas son intention d'amender cette réforme, critiquée de toutes parts pour son manque d'enseignements pédagogiques et de pratique. Eric Debarbieux n'a d'ailleurs pas le gouvernement ce lundi, évoquant une "salve anti-pédagogistes" catastrophique. Luc Chatel et Valérie Pécresse, à l'Enseignement supérieur, doivent d'ailleurs faire des annonces à ce sujet dans les prochaines semaines, concernant notamment les stages des étudiants et le dialogue que devront mettre en place universités (chargées de mettre en ?uvre les master enseignement) et recteurs.

Enfin, concernant les "cas de harcèlement avérés", les commissions éducatives qui seront mises en place à la rentrée prochaine dans le cadre de la réforme des procédures et sanctions disciplinaires seront chargées de leur traitement.

"Léger"

Des mesures jugées "légères" par Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa : "ces Assises permettent de prendre conscience du problème et de libérer la parole mais aucune modalité n'est précisée." A l'heure où l'Education paie lourd son tribu à la politique de restrictions budgétaires de l'Etat (16.000 suppressions de postes par an), il n'est pas sûr que ces annonces, pleines de bon sens, soient à même de contenter la communauté éducative. Si Luc Chatel a tenu à préciser ce lundi que l'enjeu du harcèlement "ne relève pas de la question des postes", les enseignants, déçus par les revalorisations salariales consenties en 2010, et autres personnels éducatifs sont très critiques face à la politique menée par le ministre depuis plusieurs mois.

Politique qui consiste, selon eux, à ouvrir de nombreux seconds fronts de communication (harcèlement, sécurité, rythmes scolaires, sport, apprentissage des langues...) qui passent souvent par l'organisation de grandes conférences, l'installation de comités et de conseils divers et la remise de rapports alors que dans le même temps, les emplois fondent et le nombre d'élèves en difficulté augmente.