Sarkozy demande aux enseignants de ne pas avoir "peur du changement"

En visite dans un collège de la Haute-Garonne, le chef de l'Etat a plaidé pour "une éducation nationale à la carte" et jugé "impossible" une augmentation du nombre d'enseignants "compte tenu" des déficits.
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Si d'aventure certains, par excès de naïveté, rêvaient encore de créations de postes de l'Education nationale, Nicolas Sarkozy les a ramenés sur terre ce jeudi. Lors d'un déplacement sur la prévention de l'échec scolaire au collège Jean Monnet de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), le chef de l'Etat a tenu aux enseignants présents ce langage : "je voudrais faire comprendre que tout ne se résout pas par des problèmes de quantité, qu'il y a un problème de qualité aussi, que face à la massification, la société française a fait le choix d'augmenter le nombre de postes. C'était sans doute nécessaire, il ne m'appartient pas de juger. Mais réfléchissez : compte tenu des déficits, des problèmes que nous avons, on ne peut pas faire le choix à la fois d'augmenter sans cesse le nombre et en même temps d'augmenter la rémunération des statuts."

Si les syndicats d'enseignants ne cessent de demander ces augmentations d'effectifs, c'est parce que depuis 2007, pour réduire les déficits publics, l'Etat ne cesse de supprimer des postes en vertu de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Soit en tout, si l'on inclut les 16.000 suppressions de postes prévues à la rentrée 2011, 65.000 suppressions de postes en cinq ans. Les syndicats, mauvais résultats de la France en matière éducative à l'appui (enquête PISA de l'OCDE parue en décembre dernier), crient donc à la destruction du système éducatif, d'autant que parallèlement, le nombre d'élèves augmente.

Communes rurales

Depuis le début de l'année, les recteurs sont de fait en train de trouver les recettes pour supprimer 8.967 postes dans le primaire (qui intègrent la résorption de 5.600 "surnombres") et 4.800 postes dans le secondaire. Selon le schéma d'emploi 2011-2013 (pas question de le suspendre en 2012, contrairement à ce qu'a évoqué le secrétaire d'Etat à la Fonction publique, Georges Tron, début avril, il incombe en effet désormais aux académies d'activer les leviers qui correspondent le mieux à leurs "besoins" (déscolarisation des moins de trois ans, augmentation des effectifs par classe, suppression d'options au lycée...).

Très souvent, notamment dans les communes rurales où l'on compte parfois 11,3 élèves par professeur en primaire, contre 23,4 en moyenne pour la France, cela se traduit par des suppressions de classes. Des collèges non situés en zones d'éducation prioritaire, on augmente aussi les effectifs par classe sachant que 10.000 d'entre eux ont des classes inférieures à 19 élèves. D'où les nombreux mouvements de protestation actuels, certains professeurs se retrouvant avec des classes à quatre niveaux et certaines communes craignant à terme la perte de leur école. Dans le secondaire, certains établissements regroupent leurs options, ce qui peut allonger les temps de transports pour certains élèves. Dimanche dernier, l'association des maires ruraux de France, réunis en assemblée générale, a d'ailleurs adopté une motion à l'unanimité rappelant qu'en "milieu rural, les suppressions de postes sont souvent synonymes de fermetures d'écoles et de désertification" et demandant au gouvernement de "revoir sa copie d'urgence".

1,41 milliard d'euros pour les "heures sup"

Face aux critiques de baisse de qualité de l'enseignement, le gouvernement n'est pas à court d'arguments et estime avoir encore des marges d'économies puisque l'on compte encore 45.267 enseignants de plus par rapport à 1990, alors que le nombre d'élèves est inférieur de 604.300 élèves, et que le pic d'effectifs enseignants atteints il y a dix ans n'avait pas permis d'améliorer les résultats scolaires. Malgré tout, la pilule ne passe pas, d'autant que les revalorisations de traitement concédées aux débuts de carrière en 2010 (une sorte de contrepartie à l'allongement des études à bac + 5) ont été nettement moins élevées qu'escompté.

A l'évidence, la politique d'heures supplémentaires (pendant coûteux de la réduction du nombre de fonctionnaires), dont l'enveloppe passe en 2011 de 1,25 à 1,41 milliard d'euros, censée améliorer le quotidien des enseignants, ne répond pas à leurs demandes d'amélioration des conditions de travail. "C'est un métier magnifique dont on a besoin. J'ai conscience que les conditions ont profondément changé, que vous avez encore la passion mais aussi beaucoup de déceptions, que vos initiatives ne sont pas valorisées, a convenu Nicolas Sarkozy, plaidant pour "une éducation nationale à la carte", afin de répondre au mieux aux besoins différenciés des élèves. "En même temps, j'aimerais vous convaincre qu'il ne faut pas avoir peur du changement, que vous êtes au fond l'avant-garde de ce changement. Les élèves que vous avez changent, nos méthodes doivent changer [...] On aura d'autres rendez-vous, je serai très présent", a-t-il promis aux enseignants. Il lui reste un an pour les convaincre.

Commentaires 4
à écrit le 15/04/2011 à 3:29
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peut-être que tout simplement les profs veulent travailler dans des conditions normales. Qui pourrait faire un cours avec 35 -36 élèves par classe, avec les portables/mp3/iphone...et des élèves souvent immatures et , impolis ?

le 15/04/2011 à 7:16
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Vous avez raison. En même temps, comment se fait-il qu'avec un effectif plus important et plus de budget, l'EN française donne moins de résultats que celle de nombreux pays voisins ? Il n'y a qu'à voir comment se déroule un cours dans les autres pays...

à écrit le 14/04/2011 à 18:21
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Avec les enseignents, il n'y a rien à faire, quoi que l'on fasse, quoi que l'on dise, il ne sont jamais d'accord. Ce sont des authentiques gauchos!!!

à écrit le 14/04/2011 à 17:46
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Il a raison: on ne peut pas baisser l'ISF et embaucher des enseignants. Faut choisir. En plus, imaginez des élèves à la tête bien faite, sur qu'ils ne voteraient pas Sarko. Et puis pensez donc, en 1850 y'avait encore dix fois moins d'enseignats, alo...

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