L'économie française à l'arrêt d'ici la fin de l'année

Par Sara Sampaio  |   |  862  mots
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L'année 2011 avait commencé en fanfare, avec 0,9% de progression du PIB. Elle se terminera avec une stagnation de la croissance.

L'année 2011, qui avait si bien commencé (+0,9% de croissance en France), va mal se terminer avec une croissance zéro au quatrième trimestre, selon les prévisions de l'Insee publiées jeudi. Comment en est-on arrivé là ?

L'économie mondiale a subi une série de chocs : au printemps, "le séisme au Japon et à la hausse du prix des matières premières", rappelle Sandrine Duchêne, responsable du département conjoncture de l'Insee. La dégradation de l'activité du deuxième trimestre était alors prévue. En revanche, la récupération de l'économie attendue dans la foulée n'a jamais eu lieu... Car à l'été, un "choc d'incertitude" sur les niveaux des dettes souveraines est venu d'Europe, "renforcé, à la mi-août, d'indicateurs décevants sur l'économie américaine".

La suite est connue : chute des marchés boursiers et dégradation de la confiance. En d'autres termes, "l'état de grâce durant lequel la crise des dettes n'avait pas d'impact sur l'économie réelle est terminé", estime Natacha Valla, économiste chez Goldman Sachs.

0,0% de croissance au deuxième et au quatrième trimestre

Alors que le commerce mondial se contracte au deuxième trimestre, pour la première fois depuis début 2009, annonce l'Insee, la France n'échappe pas au marasme. Sa croissance stagnera au deuxième trimestre, réagira au troisième (+0,3%) et retombera au dernier (croissance à zéro). Sur l'année, sa croissance a été révisée par l'Insee de 2,1% à 1,7%.

La demande intérieure contribuerait à hauteur de 1,2 point à cette croissance, et la constitution des stocks, à hauteur de 0,9 point. En revanche, et comme en 2009, le commerce extérieur amputerait la croissance de 0,4 point, notamment en raison de l'affaiblissement des échanges avec les partenaires européens. Enfin, l'acquis de croissance pour 2012 (ce que sa croissance serait en 2012 si aucune progression du PIB n'était enregistrée tout au long de l'année, juste sous l'effet d'entraînement de l'activité de 2011) est très faible : 0,2%.

Par ailleurs, le léger sursaut du troisième trimestre n'est en réalité qu'un" rebond technique de la consommation", venant "rattraper" un deuxième trimestre calamiteux. Au printemps, les achats d'automobiles ont en effet reculé en raison de la fin de la prime à la casse tandis que les dépenses en énergie baissaient grâce aux températures clémentes du mois d'avril.

Craintes sur l'investissement des entreprises

Désormais, les deux moteurs de la croissance, l'investissement des entreprises et l'emploi semblent se gripper. Selon une enquête de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) diffusée mercredi, 59% des entrepreneurs considèrent que "la crise financière en cours est susceptible de remettre en cause des projets d'investissements". Le taux d'utilisation des capacités de production, encore faible en France (83% en juillet, 2 points sous sa moyenne de long terme) ne pousse pas non plus à l'investissement. Selon l'Insee, l'investissement des sociétés non financières ralentira peu à peu en 2011, progressant de seulement 0,1% au dernier trimestre, après avoir augmenté de 1,9% au premier.

Reste une interrogation sur un resserrement éventuel du crédit, dont on n'aperçoit pour l'instant "aucun signe tangible", souligne l'Insee. Mais "un grippage des canaux de financement de l'économie" n'est pas non plus "exclu", indique l'institut, notamment parce que des tensions sont apparues sur le marché interbancaire européen cet été, tensions qui ne se sont pas encore étendues au marché privé du crédit.

Peu de créations d'emploi...

"Si les entreprises renoncent à leurs plans d'investissement, il vont aussi renoncer aux embauches", prévient Natacha Valla. Ainsi, le dernier moteur de la croissance, la consommation des ménages, pourrait à son tour se gripper...

Déjà, les prévisions de créations d'emplois pour la France sont basses : seuls 24.000 emplois seraient créés au second semestre, après 112.000 au premier. Pour l'Insee, les emplois aidés éviteront une dégradation trop importante du chômage, puisque sur les 400.000 budgétés, un certain nombre n'a pas encore été consommé. Le chômage restera tout de même à un niveau élevé : 9,2% à fin 2011.

... et peu de gains de pouvoir d'achat

Les ménages français n'auront pas grand-chose à attendre du côté de leur pouvoir d'achat. Leurs revenus globaux vont pourtant augmenter, du fait de l'accélération de la masse salariale. L'instauration de la "prime dividendes" (versée aux salariés des entreprises qui font des bénéfices) soutiendra aussi les salaires.

Toutefois, les impôts augmenteront également... en raison du rebond des revenus en 2010 et de la suppression de certaines niches fiscales. De plus, l'inflation ne se modérera pas avant la fin de l'année. Elle atteindra un pic à 2,5% en octobre, se concentrant sur les produits alimentaires, tandis que les prix des produits énergétiques devraient baisser. Ainsi, une bonne partie des gains de salaires sera rognée par la hausse des prix. Au final, le pouvoir d'achat progresserait de 1,3% en 2011 après 0,8% en 2010.

L'inflation aura enfin pour conséquence de provoquer une revalorisation du Smic, que l'Insee attend en décembre. Mais cette hausse n'aura qu'un impact limité sur les revenus de 2011, puisqu'elle ne jouera que sur un mois.