Les Français ne veulent pas prêter à la France

Par Julien Beauvieux  |   |  592  mots
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La Belgique puis l'Italie ont récemment mis en place des opérations d'appel aux épargnants pour acquérir de la dette publique, en pleine envolée des taux d'emprunt de Bruxelles et Rome. Les Français semblent, eux, peu enclins à voler au secours des finances publiques via un grand emprunt.

Ce lundi, c'était "BTP Day" en Italie. Non, non, pas la journée commémorant les truelles, le ciment et les maçons transalpins ! En pleine crise de défiance des dettes de la zone euro, et notamment des "Buoni del Tesoro Poliennali" italiens, les équivalents de nos "obligations assimilables au Trésor" françaises, les épargnants italiens étaient en réalité appelés ce lundi à acheter la dette de leur pays. Moyennant une exonération temporaire des commissions habituellement facturées par les banques sur les achats d'obligations sur le marché secondaire, les autorités espéraient ainsi encourager la solidarité financière des épargnants. Et conjurer le désamour des investisseurs pour la dette transalpine, qui a provoqué l'envolée préoccupante au-delà de 7% des taux d'intérêt payés par le Trésor italien.

A l'initiative de l'opération, l'Association des banques italiennes a reconnu que l'incitation était avant tout "symbolique" étant donné l'économie de quelques euros réalisée par l'épargnant sur son placement. Et qu'il s'agissait de montrer la "confiance que les Italiens ont en leur propre pays", pour aider "à améliorer le jugement global des marchés envers l'Italie".

Alors que des voix s'élèvent pour réclamer la renationalisation des dettes européennes, l'idée de faire appel à la solidarité nationale a fait son chemin ces derniers mois. La semaine dernière, le gouvernement belge, lui aussi confronté à une hausse brutale de ses coûts de financement sur le marché, a annoncé à grand renfort de publicité le lancement d'un emprunt ouvert à toute la population. Avec des taux d'intérêt compris entre 3,5% et 4,2% suivant la maturité des obligations, l'Agence de la dette belge ferait une économie significative de plus d'un point de pourcentage par rapport aux taux pratiqués sur les marchés financiers. Là encore, l'objectif serait avant tout de démontrer aux marchés l'unité de la population en pleine crise politique : malgré le succès de l'opération, un montant maximum de 1,2 milliard d'euros devrait être récolté au total, bien loin de la trentaine de milliards émise en 2011 par la Belgique.

Pour l'heure, aucune initiative de ce type ne semble sur le point de voir le jour en France. Bien que la pression des marchés soit montée d'un cran, comme en témoigne le bond à un record de plus de vingt ans de la prime de risque payée par Paris par rapport au taux d'emprunt allemand, la France se finance toujours à des taux extrêmement bas. En 2011, le taux d'emprunt moyen s'est pour l'heure établi à 2,78% selon l'Agence France Trésor, qui gère la dette française, contre 4,15% en moyenne entre 1998 et 2007. Il n'y a donc pas urgence sur le plan du financement, même si le contexte sur les marchés financiers change très vite.

Surtout, les Français semblent peu enclins à participer à un éventuel appel à l'épargne nationale. Selon un sondage réalisé par la société Harris Interactive, ils seraient seulement 6% à se déclarer "certainement" prêts à racheter une part de la dette du pays si on leur en donnait la possibilité, et 24% à souhaiter "probablement" y participer (cliquez ici pour accéder aux résultats). L'annonce d'un grand emprunt n'est donc probablement pas pour demain et la détention de la dette de l'Etat par les non-résidents (66,2 % selon les dernières statistiques) ne devrait pas évoluer significativement. D'autant qu'il est des réalités difficiles à contourner : dans leur ensemble, les Français dépensent plus qu'ils ne produisent .