Des quotas de femmes obligatoires dans la Haute Fonction Publique

Par Sophie Péters  |   |  786  mots
Après le monde des affaires, c'est au tour de la haute fonction publique de s'attaquer à l'égalité homme-femme. Mais malgré un arsenal législatif florissant en la matière, dans les entreprises, le plafond de verre reste encore bien épais pour les femmes.

L'Assemblée nationale a voté aujourd'hui, à l'initiative du gouvernement, l'instauration progressive d'ici 2018 d'un quota de 40% de femmes parmi les hauts fonctionnaires nommés chaque année, actuellement très majoritairement des hommes. La mesure, présentée par le ministre de la Fonction publique, François Sauvadet, a été adoptée à la quasi-unanimité de la vingtaine de députés présents. Elle prévoit de porter à un minimum de 20% les nominations de chaque sexe sur la période 2013-2015, 30% sur la période 2015-2017 et 40% à partir de 2018. Les femmes, qui représentent près de 60% des agents de la Fonction publique, ne sont que 14% à occuper des emplois de cadres dirigeants et 24% des emplois de cadres supérieurs. Dans de nombreuses administrations, comme la direction du Trésor à Bercy où une seule femme occupe le rang de chef de service, on est très très loin de ces objectifs. Des décrets fixeront les sanctions prévues en cas de non respect de la loi et la liste des emplois concernés. D'autres dispositions du projet de loi, introduites en commission, instaurent également des quotas de 40% de femmes dans les jurys de concours, dans les conseils supérieurs de la Fonction publique, ainsi que dans les conseils d'administration des établissements publics. L'ensemble du projet de loi sur la Fonction publique sera voté le 14 février par l'Assemblée.

"Un amendement historique"

Ces dispositions s'inspire donc du secteur privé, où la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 a su imposer un quota de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des grandes entreprises françaises : 20% dès 2014 pour les sociétés cotées et 40% dès 2017, y compris pour les sociétés de plus de 500 salariés et dont le bilan ou le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros. Marie-Jo Zimmermann (UMP), présidente de la délégation aux droits des femmes à l'Assemblée et co-auteur de la loi de 2011 avec Jean-François Copé, s'est félicitée d'un "amendement historique". Sa collègue Catherine Coutelle (PS) a approuvé "une grande avancée". "Nous serons le premier pays d'Europe à voter un tel objectif", a souligné François Guégot (UMP).

Des comités exécutifs majoritairement masculins

Il n'empêche. Dans le monde de l'entreprise, on avance sur ses sujets à un train de sénateur. Il semblerait que l'article 8 de la loi Copé-Zimmermann qui introduit pour les conseils de délibérer annuellement sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle soit passé à la trappe. Une étude du cabinet Deloitte souligne que si la part des femmes dans les conseils d'administration et de surveillance a doublé au cours des deux dernières années (20,8%) les femmes restent très peu présentes dans les comités exécutifs (7,5%) alors que leur présence au sein de l'effectif cadre (29,5%) est similaire à leur poids au sein de l'effectif global (31,8%). Ainsi les comités exécutifs du CAC 40 restent composé à plus de 92% d'hommes. Le plafond de verre perdure donc au niveau des plus hautes responsabilités des grandes entreprises relève Deloitte. "L'égalité réelle en termes de recrutement, rémunération, mobilité, promotion...se heurte ainsi encore souvent à une série de freins socio-culturels et managériaux forts et ce, à tous les échelons de l'entreprise. Or si l'entreprise doit s'adapter aux premiers, elle dispose d'une possibilité d'agir sur les seconds", souligne Carol Lambert, associée Ethique et Gouvernance chez Deloitte.

Un état des lieux en demi-teinte

La totalité des entreprises du CAC40 disposent d'un engagement formalisé : pour 33 d'entre elles la question de l'égalité professionnelle est présentée dans la partie "diversité" de leur rapport annuel, document de référence ou rapport de développement durable. L'étude Deloitte relève également que 29 sociétés du CAC40 ont émis un engagement formalisé par la signature d'une charte externe, 22 ont mis en place un programme dédié et encore seulement 8 d'entre elles une démarche vers l'obtention d'un label. A noter que 29 entreprises du CAC 40 ont adhéré à au moins une charte ou un code relatif aux enjeux de l'égalité professionnelle en entreprise. La signature de la charte de la diversité (2004) ou encore de la Charte de la parentalité en entreprise (2008) est souvent une étape qui marque une prise de conscience et le début de la formalisation d'une démarche de l'entreprise.
La loi votée aujourd'hui dans la fonction publique prouve s'il en était encore besoin que la pression législative et règlementaire s'accentue. Le processus étant en marche, les entreprises ont intérêt à anticiper si elles ne veulent pas subir ou considérer ces évolutions comme de pures contraintes.