Nicolas Sarkozy et la stratégie du pendule

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  865  mots
Le candidat-président est parti à la (re)conquête de cet électorat qui se sent totalement exclu. Pour le séduire, Nicolas Sarkozy doit se débarrasser de son image de "président des riches", initiateur du bouclier fiscal et de la suppression de l'ISF.. Photo : Reuters
Démarrée très à droite pour séduire un électorat populaire exaspéré par les "élites" ou les "corps intermédiaires", la campagne de Nicolas Sarkozy va peu à peu revenir vers le centre. Dévoilées progressivement, les propositions économiques et sociales du candidat-président vont suivre ce mouvement.

La campagne électorale de Nicolas Sarkozy a ostensiblement démarré à droite toute ! Dans sa ligne de mire, la reconquête de l'électorat tenté par le vote Front National. D'où le leitmotiv du président-candidat  "il faut rendre la parole au peuple", via le recours au referendum. Mais l'actuel locataire de l'Elysée ne va pas en rester là.

Soucieux, voire obligé, de rassembler dès le premier tour un spectre le plus large possible d'électeurs, Nicolas Sarkozy, tel un pendule, va faire progressivement osciller sa posture de la droite vers la gauche afin de partir à la conquête des électeurs plus centristes déçus par le renoncement de Jean-Louis Borloo et par le désistement d'Hervé Morin. Avec, en ligne de mire également, le désir de mordre sur les électeurs potentiels de François Bayrou. Une stratégie qui va conduire Nicolas Sarkozy en cette fin février et durant tout le mois de mars à recourir au  "teasing" en dévoilant progressivement ses idées et ses annonces de nouvelles réformes.

La réforme de l'indemnisation du chômage et la lutte contre "l'assistanat"

Pour l'instant donc, phase 1, le candidat-président est parti à la (re)conquête de cet électorat qui en a « ras le bol », qui se sent totalement exclu. Pour le séduire, Nicolas Sarkozy doit se débarrasser de son image de "président des riches", initiateur du bouclier fiscal à 50% et de la suppression de l'ISF. Il parle donc de "s'adresser au peuple" et ne déteste pas se réfugier dans une forme de bonapartisme en fustigeant "les corps intermédiaires, politiques, économiques, syndicalistes" où  "l' on reste entre soi" . D'où le recours au référendum si nécessaire. Astucieusement, faisant d'une pierre deux coups, il propose q'un éventuel premier referendum soit consacré à l'indemnisation du chômage et à la formation. Car avec un taux de chômage flirtant avec les 10%, le candidat UMP sait pertinemment que la question du chômage et de l'emploi constitue la première préoccupation des Français. Il se pose ainsi en homme volontariste qui ose, loin de François Mitterrand et de sa fameuse phrase "sur le chômage, on a tout essayé". Et, dans la foulée, il continue de mener sa croisade contre " l'assistanat ". La deuxième pierre de l'édifice est en passe d'être posée par l'intermédiaire du secrétaire d'Etat au Commerce, Frédéric Lefebvre : proposer une extension drastique du travail du dimanche, via un" élargissement" des conditions d'ouverture des commerces, Nicolas Sarkozy devrait préciser ses intentions dimanche lors de son meeting marseillais. Sujet récurrent remis sur la table au nom de l'emploi et qui devrait séduire de nombreux commerçants. Un autre électorat à flatter.

Rigueur budgétaire et dérèglemenation sur la durée du travail


Dans la phase 2 de cette campagne éclair, Nicolas Sarkozy devrait aussi satisfaire et rassurer son électorat traditionnel en abordant le chapitre de la rigueur budgétaire et du modèle social français " qu'il convient d'adapter pour le sauver". Il relancera ainsi la bataille sur la durée du travail dans l'objectif de mettre fin à une référence légale, actuellement 35 heures. On connaît son souhait de laisser aux branches, voire aux entreprises, la possibilité de fixer une durée conventionnelle du travail par la négociation. Il pourra aussi s'appuyer sur sa proposition de voir les partenaires sociaux conclure des accords de compétitivité, associant temps de travail et/ ou réduction des salaires. Bien entendu, il insistera aussi dans cette séquence sur la nécessité de poursuivre la baisse des dépenses. L'on sait déjà, à cet égard, que la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux est d'ores et déjà reconduite jusqu'à la fin 2013.

Au soldat Fillon de jouer le rôle du "père la rigueur"

La réforme souhaitée de l'Education nationale s'inscrira aussi dans ce moment. Au menu, l'autonomie des établissements scolaires, le temps de travail des enseignants qui vont être appelés à consacre davantage d'heures à l'accompagnement des élèves et l'évaluation des professeurs.

Sur les questions économiques, le candidat-président voudrait éviter de trop entrer dans le détail. "Pas question de mener une campagne d'experts-comptables" dit-on dans son entourage. Surtout, Nicolas Sarkozy sait que sur ce terrain le bilan du premier quinquennat constitue un angle d'attaque fort pour ses concurrents. Il reviendra davantage au soldat Fillon de jouer le rôle du "père la rigueur".

La construction européenne pour séduire les centristes

Enfin la phase 3, celle où il conviendra de tenter de faire rentrer au bercail l'électorat centriste. La défense de l'Europe , la marche vers le fédéralisme, la nécessité de respecter les traités seront alors mises en avant. Tout comme pourrait ressurgir le dossier de la dépendance, quelque peu enterré, au nom de la solidarité entre les générations.
Trois phases, trois temps qui doivent permettre, du moins l'espère t-il, au candidat Sarkozy de ressouder son camp afin de se trouver dans la meilleure situation possible dans l'affrontement droite-gauche qu'il souhaite ardemment.