Prime pour l'emploi, RSA...décryptage des idées du candidat Sarkozy

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  885  mots
La PPE a été créée par le gouvernement Jospin en 2001 afin d'offrir aux salariés faiblement rémunérés (à temps partiel notamment) un complément de revenu, de manière à rendre incitatif la reprise d'une activité professionnelle. Copyright Reuters
Nicolas Sarkozy propose de remplacer le dispositif complexe de la prime pour l'emploi par un allègement généralisé des cotisations sociales salariales sur les bas salaires. Un projet encore trop flou pour en mesurer les effets réels.

Mercredi soir, le candidat-président, intervenant sur France 2, a proposé de remplacer le dispositif de la prime pour l'emploi (PPE) par un mécanisme de suppression des cotisations sociales salariales pesant sur les salaires compris entre 1 et 1,2 Smic. Il a aussi avancé l'idée que les allocataires du Revenu de solidarité active (RSA) "socle" soient astreints à effectuer "sept heures de travail d'intérêt général" rémunérées au niveau du Smic horaire. Décryptage de ces mesures.

La PPE a été créée par le gouvernement Jospin en 2001 afin d'offrir aux salariés faiblement rémunérés (à temps partiel notamment) un complément de revenu, de manière à rendre incitatif la reprise d'une activité professionnelle. Initialement, plutôt qu'une PPE, Lionel Jospin avait songé à instituer une ristourne de CSG sur les bas salaires, mais le Conseil Constitutionnel avait recalé cette disposition pour maintenir « le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ».

La PPE profite à 8,2 millions de personnes pour un montant annuel moyen de 500 euros

Pour bénéficier de la PPE, l'un, au moins, des membres du foyer fiscal doit exercer une activité professionnelle, salariée ou non, à temps partiel ou complet. Le montant de la PPE est minoré des sommes perçues au titre du RSA au cours de l'année civile. Ces deux dispositifs ne sont donc, pas cumulables. Cependant, une condition de ressources est imposée. Le revenu fiscal du foyer ne doit pas dépasser 16.251 euros pour les personnes célibataires et 32.498 pour les couples. De surcroît, le montant du revenu d'activité doit être compris entre 3.743 euros annuels et 17.451 (célibataire) ou 26.572 euros (si la personne est en couple)
Selon le rapport de la Cour des comptes de 2011, très critique sur la PPE, sa diffusion dans la population est très large : elle a bénéficié en 2009 à 8,2 millions de personnes pour un montant moyen de 500 euros. Une moyenne qui cache, d'ailleurs, de grandes disparités : un bénéficiaire sur dix perçoit moins de 100 euros, un sur quatre moins de 220 euros et seuls 4% perçoivent une PPE "maximum" de 961 euros. Et ce pour un coût annuel atteignant 3,9 milliards d'euros pour les finances publiques.

Un dispositif très contesté par la Cour des comptes

Or, pour la Cour des comptes, la mesure est "ambiguë", hésitant entre deux objectifs : inciter à la reprise d'un emploi et redistribuer du pouvoir d'achat aux travailleurs à bas revenus. Manifestement, selon la Cour des comptes, la PPE n'est pas assez incitative pour remplir le premier objectif. Mais elle pêche aussi pour le second à cause "d' un effet faiblement redistributif ", dû au fait qu'elle est " mal familiarisée". Ainsi, une personne rémunérée au Smic touche la même PPE que son conjoint soit inactif ou perçoive un revenu pouvant aller jusqu'à deux fois le Smic...
En outre, depuis 2009, la PPE fait doublon avec le RSA. Ce dernier se divise en deux parties : un RSA "socle", qui assure un revenu minimum aux personnes démunies de ressources (475 euros mensuels pour une personne seule) et un RSA "activité ou chapeau" qui permet un complément de ressources aux personnes qui reprennent une activité.
En conséquence, parmi diverses solutions, la Cour des Comptes proposait en 2011 que le RSA "activité" soit absorbé par la PPE. Etant entendu que cette  "nouvelle" PPE devrait bénéficier également aux personnes percevant moins de 3.743 euros annuels, et à l'inverse, que le plafond supérieur de revenus pour y avoir droit soit revu à la baisse.

Incertitude sur le périmètre des allégements de cotisations

Nicolas Sarkozy semble parvenir à la même conclusion. Sauf que lui propose plutôt de garder le RSA et de supprimer la PPE, au profit d'une baisse généralisée des cotisations sociales salariales. Il estime le gain de pouvoir d'achat à près de "1000 euros par an". On manque de détails, à ce stade, pour entériner le calcul. Mais il faut garder à l'esprit que le revenu moyen de la PPE est déjà de 500 euros... A déduire donc, éventuellement, des fameux mille euros. Actuellement, un salarié rémunéré au Smic (9,22 euros brut de l'heure ; soit 1.398,37 euros mensuels) est soumis a très peu de cotisations salariales de sécurité sociale stricto sensu (0,75% au titre de la maladie et 6,65% au titre de la vieillesse). Toutes les autres cotisations obligatoires (assurance chômage, retraite complémentaire, etc.) sont hors Sécurité sociale... Sans parler de la CSG et de la CRDS (8%). Quelles cotisations visent Nicolas Sarkozy. Et, s'agit-il d'une suppression totale des cotisations ou d'un allégement ? On ne le sait pas.
En revanche, le public visé sera sensiblement différent de celui de la PPE. Celle-ci peut être cumulée avec un revenu allant jusqu'à 1,4 Smic. Alors que le dispositif de Nicolas Sarkozy semble s'arrêter à 1,2 Smic.

Hirsch contre le travail obligatoire

Quant à l'idée d'instituer 7 heures de travail obligatoire pour les titulaires du RSA "socle", la réponse est revenue au "père" du RSA, Martin Hirsch, l'ancien Haut commissaire aux solidarité actives : "la grande majorité des allocataires souhaitent travailler mais on ne leur propose pas de travail (...) Il est paradoxal de vouloir obliger les allocataires à travailler alors qu'on ne peut déjà satisfaire ceux qui cherchent un emploi, faute d'offres".