Sarkozy peine à combattre Hollande sur le terrain économique

Par Ivan Best  |   |  748  mots
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François Hollande est jugé plus crédible sur le terrain économique devenu le principal thème de la campagne électorale. Nicolas Sarkozy voudrait déplacer le débat sur d'autres sujets, mais l'opération est risquée: les Français attendent surtout qu'on leur parle de la crise et de ses conséquences.

"Le candidat à la présidentielle donné gagnant par les sondages en mars a toujours été celui qui a été élu en mai". Cette remarque du directeur général délégué de l'institut Ipsos, Brice Teinturier, ne signifie pas que les jeux sont faits. "Je ne pense pas que ce soit le cas...", souligne l'expert. "Nicolas Sarkozy peut grignoter des points, petit à petit". Mais "ce n'est pas le plus probable". Eric Bonnet, directeur d'études de BVA Opinion, abonde : "le plus probable, de très loin, est la victoire de François Hollande".

L'économie, préoccupation première des électeurs
Sur quels thèmes le président sortant pourrait-il partir à la reconquête de ses électeurs perdus ?  L'économie occupe, assurément, le devant la scène dans cette campagne. "Normal : avec la crise, c'est ce qui préoccupe le plus les Français", souligne Eric Bonnet. Quand François Hollande lance l'idée de taxer à 75% la part des revenus se situant au-delà d'un million d'euros annuels, tout le débat se focalise autour de sa proposition.
A droite, on dénonce ce qui relève de"l'amateurisme", on souligne le risque quasi certain d'une fuite à l'étranger de grands patrons ou de sportifs. Le monde du football monte au créneau, avec la crainte d'une relégation des équipes françaises, faute de joueurs de talents, qui ne supporteraient pas de voir une grande part de leurs revenus taxés à 75%. Ce sera même à 83%, affirme Nicolas Sarkozy, puisqu'il faut ajouter 8% de CSG et CRDS. A gauche, François Hollande justifie cette mesure par l'indécence des augmentations de revenus des grands patrons (+34%, selon les dernières estimations de Proxinvest, entre 2009 et 2010).

Hollande jugé plus crébile sur la réduction du déficit
Le résultat ? Les électeurs approuvent la proposition Hollande. A hauteur de 61% selon un sondage TNS Sofres, et même de 65% selon l'institut BVA. "D'un point de vue électoral, François Hollande a eu raison d'oser cette proposition" estime Brice Teinturier. "Il a mobilisé son camp". De fait, les électeurs de gauche approuvent quasiment à l'unanimité cette idée de taxer les très riches. Et même au-delà : la moitié des sympathisants du Modem sont d'accord, selon BVA.
Nicolas Sarkozy pourrait mettre en avant d'autres thèmes économiques. La réduction de la dette, par exemple, qui préoccupe les Français beaucoup plus qu'auparavant. Le hic, c'est que, même sur cette thématique où la droite peut être considérée a priori plus crédible que la gauche, il ne l'est pas aujourd'hui. Selon un sondage BVA publié par Challenges, 50% des Français font confiance à François Hollande pour "lutter contre les déficits et la dette publique", contre seulement 38% jugeant Nicolas Sarkozy comme le plus crédible sur ce terrain. S'agissant de la lutte contre le chômage, qui préoccupe le plus les électeurs, le constat est encore plus net. 57% des Français font plutôt confiance au candidat PS, alors que 30% penchent pour le président sortant.

Une solution risquée pour Sarkozy
La solution, pour Nicolas Sarkozy, serait de déplacer le débat vers d'autres thèmes. C'est ce qu'il devrait faire ce samedi à Bordeaux, en parlant plutôt d'immigration. "Mais le risque, souligne Eric Bonnet, c'est de s'éloigner alors des préoccupations des électeurs. On l'a vu pendant les régionales de 2010, avec le débat sur l'identité nationale, qui n'a pas fonctionné".
A quelles conditions, le président sortant pourrait-il, alors, s'en sortir ? "C'est une situation de crise qui lui permettrait de rebondir", estime Eric Bonnet. Car, dans de domaine, François Hollande n'est pas jugé beaucoup plus crédible que lui. Et Nicolas Sarkozy a montré qu'il savait gérer les crises, tout en se mettant en avant. Mais, comme Nicolas Sarkozy l'a reconnu lui-même vendredi à Bruxelles, la crise de la dette, au sein de la zone euro, s'est apaisée, non pas vraiment grâce à l'action des gouvernements, mais sous l'effet des torrents de liquidité déversés par la Banque centrale européenne, qui permettent aux banques de se refinancer, tout en achetant des obligations émis par les Etats des pays à risques. D'une certaine manière, et ce n'est évidemment pas là sa préoccupation première, le président de la BCE, Mario Draghi, tout libéral qu'il est, partisan d'une forte austérité, joue en fait contre Sarkozy et pour Hollande, en calmant la crise...