Patronat, syndicats et candidats se flinguent à tout va

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  693  mots
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Les syndicats et le patronat ont fait irruption dans la campagne électorale. Mais sur un drôle de ton. Laurence Parisot (Medef) s'en est pris violemment à Bernard Thibault., jugé trop proche de jean-Luc Mélenchon. Nicolas Sarkozy, lui, attaquant la CFDT d'ArcelorMittal. Pierre Moscovici (PS) reprochant à Laurence Parisot "son engagement extrêmement fort" pour le candidat-président". Ambiance...

Relativement discrets jusqu'ici, patronat et syndicats semblent entrer cette fois pleinement dans le débat électoral. Et ce sous deux formes. L'une, classique, passe par la rencontre avec les candidats ou par l'envoi de doléances. Ainsi, la CFTC a adressé ses principales demandes àux postulants. La CGPME, elle, a entamé une série de rendez-vous avec l'ensemble des candidats. Ce lundi, l'organisation patronale reçoit François Hollande. Du côté du Medef, depuis quelques semaines aussi, on a interpellé les uns et les autres, notamment à travers "les 23 axes pour une compétitivité équitables" développés dans le livre numérique "Besoin d'aire", rédigé sous la direction de la présidente Laurence Parisot. François Chérèque, le leader de la CFDT, rencontre, lui aussi, les principaux candidats - à l'exception de Nicolas Sarkozy qui a décliné - pour présenter les idées de sa confédération. Tout ceci obéit aux lois du genre.

Laurence Parisot charge Bernard Thibault et... loue Nicolas Sarkozy

En revanche, l'invective, et même parfois les attaques ad hominem ont aussi leur place. C'est nettement plus inhabituel et, surtout, inédit depuis longtemps. Ainsi, dimanche, sur I-télé et Europe 1, Laurence Parisot a vu dans Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) "un héritier d'une forme de Terreur" plutôt que "l'héritier des plus belles valeurs de la Révolution". Plus étonnant encore, la présidente du Medef a reproché à Bernard Thibault d'afficher une trop grande proximité avec les idées de Jean-luc Mélenchon : "Quand une organisation s'allie clairement avec un candidat, comme Bernard Thibault le fait avec Jean-Luc Mélenchon, si ce candidat, par exemple, devient plus tard ministre, quel sera le degré d'indépendance du secrétaire général de la CGT ?"... Or, la même venait de qualifier "d'extraordinaire" le bilan de Nicolas Sarkozy. Pour ne pas être en reste, Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, a demandé à Laurence Parisot de "respecter les forces de gauche" et a pointé ce qu'il a appelé "son engagement extrêmement fort" pour Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy: haro sur les syndicats


A cet égard, le candidat-président n'est pas resté extérieur à la polémique en dénonçant l'attitude de la CFDT d'ArcelorMittal à Florange (Moselle) qui "fait de la politique" au lieu de "défendre les intérêts des salariés" et d'ajouter qu'il ne "confond pas les salariés d'ArcelorMittal, que je ne laisserai pas tomber avec des syndicalistes qui trompent leurs adhérents en faisant de la politique"...
Au-delà des petites phrases, comment analyser cette polémique ? Pour Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l'association "Dialogues", espace de rencontre entre syndicats et entreprises, "certes, les propos du président sont étonnants mais ils sont destinés à son électorat ; ils s'inscrivent dans la droite ligne de sa dénonciation des corps intermédiaires qu'il juge responsables d'empêcher les réformes".

Le divorce remonte à la réforme des retraites

Une analyse reprise par Stéphane Sirot, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Cergy : "Il y a a des causes structurelles à ces échanges musclés. Il est évident que depuis la réforme des retraites de 2010, le climat s'est singulièrement détérioré entre les syndicats, notamment la CGT, et Nicolas Sarkozy. En outre, Nicolas Sarkozy a toujours aimé les attaques clivantes. C'est le cas avec sa dénonciation des corps intermédiaires, qui était générale il y a quelques semaines et, maintenant, qui vise spécifiquement les syndicats. C'est l'attitude du président-candidat qui rend les organisations syndicales moins précautionneuses que d'habitude en période électorale. Sarkozy les attaquant, elles répondent. J'ajouterai qu'il y a un enjeu spécifique à la CGT. Bernard Thibault, accusé par certains, en interne, d'avoir été un peu trop modéré, cherche à resserrer les rangs". Certes, mais Jean-Dominique Simonpoli s'inquiète déjà pour l'avenir : "Il est exact que l'attitude de Nicolas Sarkozy, hyperprésident s'occupant de tout, a conduit les syndicats a directement s'attaquer à lui. Mais s'il est réélu, il va être, dans ce contexte, très difficile de renouer le dialogue".