Bercy serait réunifié, sous l'autorité de Michel Sapin

Par Ivan Best  |   |  747  mots
Michel Sapin serait le prochain ministre de l'Economie Copyright Reuters
Le probable futur ministre de l'Économie, Michel Sapin, se prononce pour la constitution d'un grand ministère, réunifié. C'en serait fini de la coupure entre comptes publics d'un côté et Économie de l'autre, instaurée par Nicolas Sarkozy

L'affaire est-elle entendue ? C'en serait bientôt fini d'un Bercy coupé en deux, avec, d'un côté, un ministre chargé du budget, et plus généralement des comptes publics, et, de l'autre, un ministre s'occupant des sujets macro-économiques, très accaparé par les questions internationales. C'est ce qu'a fortement suggéré le probable futur ministre de l'Economie et des Finances, Michel Sapin. Interrogé par Radio Classique et Public Sénat, sur l'opportunité de mettre en place un « ministère du redressement des comptes publics », parallèlement à un « ministère qui se consacrerait au redressement de la croissance », il s'est montré on ne peut plus clair : « mon sentiment, c'est que le redressement de nos comptes se fera par la croissance. On ne peut pas séparer le redressement des comptes et celui de la croissance. Ce sont les deux piliers. Il y a une priorité dans ce tout ce qu'a dit François Hollande, c'est le développement de notre industrie, de notre production. Cela mérite d'avoir un ministère avec une autorité et une capacité d'action importante ».

Renouer avec la configuration DSK
Michel Sapin veut à l'évidence renouer avec la configuration retenue par Dominique Strauss-Kahn, sous l'autorité de Lionel Jospin, en 1997: un puissant ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, disposant d'une autorité certaine, pour reprendre son expression, secondé par des secrétaires d'Etat (ou ministres délégués), chargés du Budget , de l'Industrie, et de la Consommation. Un dispositif qui n'avait pas fondamentalement bougé après 2002 et l'élection de Jacques Chirac. Même si l'autorité d'un Francis Mer, alors en charge de l'Economie et des Finances, sur son ministre délégué au Budget, Alain Lambert, a été pour le moins... vacillante. Ils en étaient arrivés au point de plus s'adresser la parole.

Une coupure entre Economie et Comptes publics voulue par Sarkozy
Cette coupure entre Budget et Economie, liée aux hommes, Nicolas Sarkozy l'a formalisée en 2007. Il voulait, à l'évidence, éviter la constitution d'un pôle Bercy trop puissant. Ainsi a-t-il nommé un ministre en charge de tous les comptes publics : le budget de l'Etat, bien sûr, mais aussi, c'était là une innovation, la sécurité sociale, et la surveillance des comptes des collectivités locales. Le choix s'est porté sur Eric Woerth. Coupé de ce dernier, sans lien hiérarchique , un ministre de l'Economie, de l'industrie, et de... l'emploi - c'était là une autre innovation- a été nommé au printemps 2007: Jean-Louis Borloo, qui n'a tardé pas à être évincé, ne rentrant décidément pas dans le moule de Bercy. D'où l'arrivée de Christine Lagarde, dont les relations avec le ministre du budget et des comptes publics n'ont jamais marquées par une chaleur extrême : c'est un euphémisme, tant l'animosité a pu être grande entre les deux cabinets, notamment quand François Baroin a été en charge du budget, à partir du printemps 2009. A la coupure institutionnelle, s'ajoutait donc l'animosité ou tout au moins la concurrence entre les personnes.

Le sort de l'industrie semblait scellé
Si l'on suit Michel Sapin, ce ne serait plus le cas à partir de la mi mai, quand sera formé le gouvernement à dominante socialiste. Les secrétaires d'Etat ou ministres délégués devront s'entendre avec leur ministre de tutelle, qui aura donc pour nom, probablement, Michel Sapin.
S'agissant de savoir si cet ami de 30 ans de François Hollande devait avoir autorité sur l'industrie, la question semble tranchée de longue date. En 1998, DSK a enlevé toute autonomie au ministère de l'industrie, en lui retirant son administration. Difficile de revenir en arrière. En revanche, concernant les comptes publics, le débat pouvait avoir lieu. Souvent, est même évoqué le rattachement du ministère du Budget à Matignon, puisqu'il est en ligne directe avec le chef du gouvernement, lorsqu'il s'agit d'arbitrer les lois de finances.
A entendre Michel Sapin, qui n'est pas du genre à donner son « sentiment » à la légère, la décision serait donc en passe d'être prise de mettre en place un grand ministère réunifié. Reste à savoir qui secondera celui qui fut déjà ministre de l'Economie, mais sans autorité sur le budget, en 1992. Jérôme Cahuzac est très bien placé pour prendre le budget. Mais une surprise est possible.
Pour l'industrie, le nom d'Alain Rousset circule, mais il se dit aussi qu'il n'accepterait pas un poste de secrétaire d'Etat et tiendrait à son autonomie...