La bataille pour le pilotage de la décentralisation a commencé

Par Jean Pierre Gonguet  |   |  616  mots
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Le nouveau ministère de l'Égalité et des Territoires voulu par François Hollande est déjà sujet à polémique. Il pourrait en effet déposséder le ministère de l'Intérieur de certaines de ses prérogatives, dont la direction des collectivités locales, et réduire le rôle et les pouvoirs du corps préfectoral. Il semble qu'aucun des deux candidats à la place Beauvau, Manuel Valls et François Rebsamen ne soient enthousiasmés par l'idée.

Le débat est feutré. Feutré mais viril. Et, tradition française oblige, il oppose jacobins et girondins. Et, tradition française oblige également, les premiers avancent masqués, les seconds à découvert, fleur à la baïonnette. L'enjeu est le nouvel acte de la décentralisation qui, dans l'esprit de François Hollande, doit consacrer un pouvoir régional fort et autre pratique de la démocratie territoriale. Pour cela, il a prévu de créer le ministère de l'Egalité desTerritoires. Les girondins (emmenés comme il se doit par un bordelais, le président de la région Aquitaine, Alain Rousset) plaide pour un ministère regroupant au moins les transports, le logement et les collectivités locales. C'est le premier casus belli. Le ministère de l'Intérieur se verrait ainsi dépouillé de l'un de ses fleurons, la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL). Il ne lui resterait plus de facto que la sécurité et les libertés. Il se dit que François Rebsamen rechigne beaucoup mais Manuel Valls refuse tout net.

 Vers un quatuor Destot, Lebreton, Repentin, Duflot?

Du côté des girondins, on verrait bien l'actuel député maire de Grenoble, le rocardo strauss kahnien Michel Destot, à la tête de ce ministère de l'Egalité des Territoires. On verrait bien Claudy Lebreton, actuel président de l'association des départements de France à la tête des collectivités locales. Il connait le sujet, et, si Lionel Jospin avait été président en 2002, il aurait vraisemblablement eu ce maroquin. Marie Françoise Perol Dumont, actuelle députée et présidente du conseil général de la Haute Vienne, conviendrait également. Au logement, Thierry Repentin, le sénateur de la Savoie, semble inévitable  et Cécile Duflot (?) pourrait se voir proposer les Transports

La préfectorale traine les pieds

Mais il y a un deuxième motif de fâcherie : le rattachement de ce ministère de l'égalité des territoires à Matignon. Les préfets, par nature jacobins, protestent. Aussi bien Pierre René Lemas, actuel directeur de cabinet de Jean Pierre Bel et très probable secrétaire général de l'Elysée (il a beaucoup conseillé François Hollande) que Bernard Boucault, ex-directeur de cabinet de Daniel Vaillant, qui devrait retrouver de hautes responsabilités ont fait savoir leurs réticences. Des préfets nommés par Matignon ? Cela passe difficilement. Déjà François Mitterrand et Pierre Mauroy avaient voulu les supprimer et ils n'aimeraient pas que François Hollande suive la même pente. Le souci est que le corps préfectoral qui souvent s'illusionne de pouvoirs qu'il n'a pas vraiment, va très certainement perdre encore plus de son influence avec ce nouvel acte de la décentralisation et qu'il résiste. Ce sont eux qui demandent à ce que la réforme des territoires soit conduite par la place Beauvau, et les sénateurs (dont Yves Krattinger le conseiller de François Hollande sur le sujet) semblent suivre.

Hollande fera comme il l'a dit!

La résistance est d'autant plus forte que des socialistes plutôt «centralisateurs» comme Laurent Fabius ou Martine Aubry peuvent aussi peser. Le problème est  donc politique, comme le suggère un proche de François Hollande : « soit le Président dit « on fait comme on a dit » et à ce moment là on créera un grand ministère de l'Egalité des Territoires avec une super Datar et la DGCL. Soit il dit «on fait parce ce qu'on l'a dit » et à ce moment là, c'est le ministère de l'Intérieur. Connaissant François Hollande, je penche pour la première solution ».