Oui, la décentralisation a un avenir !

30 ans après la loi Defferre du 2 mars 1982, l'Etat doit cesser d'avoir la décentralisation "honteuse". La campagne doit être l'occasion d'une vraie réflexion sur l'innovation territoriale dont la France a besoin pour le 21è siècle.
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La décentralisation "moderne" trouve son origine bien avant le premier septennat de François Mitterrand. Déjà , le général De Gaulle proposait, lors du référendum perdu de 1969, de mettre fin à "l'effort multiséculaire de centralisation administrative (qui) ne s'impose plus pour assurer la cohésion nationale". Valéry Giscard d'Estaing a également lancé de nombreux chantiers en ce sens, comme par exemple le rapport d'Olivier Guichard, "Vivre ensemble", qui jetait les bases d'un projet de loi sur les "responsabilités des collectivités locales" qui n'a pas pu être adopté avant l'échéance de mai 1981.
La loi Defferre du 2 mars 1981 - dont on célèbre avec discrétion ces jours-ci le trentième anniversaire -, a été le texte qui a véritablement bouleversé la carte institutionnelle. En conférant non seulement des compétences, mais surtout des pouvoirs, aux élus locaux, en supprimant la tutelle administrative, en créant des lieux indépendants de contrôle comme les chambres régionales des comptes, cette loi a donné un signal politique. Elle a été suivie de nombreux autres textes plus techniques, qui ont "organisé" les choses et ont permis aux territoires de se structurer et de s'équiper, à la province d'exister pleinement aux côtés de Paris, à une fonction publique territoriale de s'épanouir avec ses propres valeurs et compétences, à des élus locaux de gagner en autonomie et de devenir de vrais "animateurs de développement territorial". Les lois Chevènement sur l'intercommunalité en 1999, ou encore Raffarin sur de nouveaux transferts de compétences en 2004, ont poursuivi le mouvement. Ainsi, la décentralisation n'est-elle jusqu'en 2007 ni de gauche, ni de droite, et sa réussite est partagée et revendiquée par tous.

Les élus appliquent la règle d'or

Pourtant, ces dernières années, le pouvoir central a peu à peu fait des élus locaux - dont la majorité, il est vrai, milite dans l'opposition nationale - de commodes boucs émissaires des difficultés que rencontre le pays, tout spécialement en matière de finances publiques. C'est un comble lorsque l'on sait que les collectivités locales françaises appliquent depuis toujours la "règle d'or" - et même au-delà -, que leur dette ne représente que 8% de la dette publique totale alors qu'elles financent près des trois-quarts des investissements publics du pays. Mais la puissance de communication de l'Etat est sans commune mesure avec celle des élus locaux, et la décentralisation est en train de devenir un concept "honteux". C'est un mauvais coup porté au pays.
Il ne s'agit pas en effet de défendre telle ou telle position acquise, tel ou tel statut. Il s'agit de l'avenir de la nation et de la République. Il n'y a pas d'exemple dans le monde où la maturité politique ne s'accompagne pas du développement des libertés locales. Chacun doit le comprendre et l'accepter. Comment transformer la structure institutionnelle du pays et l'adapter aux enjeux du monde actuel ?

Libérer les territoires

D'abord, l'Etat doit apprendre à faire confiance aux autres acteurs publics du pays. C'est beaucoup moins facile qu'il y paraît, tant la culture de l'Etat s'est forgée autour de l'axiome selon lequel les hauts dirigeants de l'administration centrale étaient seuls fondés à définir l'intérêt général. C'est cette posture qui a empêché l'Etat de tirer toutes les conséquences de la décentralisation dans sa propre organisation, obsédée par la norme et le contrôle : les vrais doublons que l'on dénonce, ils sont entre l'Etat et les pouvoirs locaux, pas entre les pouvoirs locaux eux-mêmes. Ensuite, il faudra repenser la répartition des ressources publiques. Il n'est pas sain que l'Etat concentre désormais la quasi-totalité du pouvoir fiscal. En redonnant des marges de manoeuvre aux assemblées locales, on accroîtra en même temps leurs responsabilités face au contribuable.
En troisième lieu, il est urgent de libérer l'initiative de terrain, de donner de la souplesse et de l'adaptabilité. Par exemple, en matière d'organisation, laissons les territoires imaginer eux-mêmes les formes de collaboration et de répartition des tâches entre eux qu'ils souhaitent, quitte à mettre à mal la fameuse rationalité qui conduit à un égalitarisme dépassé. La décentralisation n'est pas un jardin à la française ! L'Alsace, qui s'engage dans la voie d'une fusion de la région et des deux départements qui la composent, donne le ton de l'innovation. Entre un fédéralisme inatteignable parce que trop éloigné de la culture nationale, et un centralisme qui étouffe les énergies et les volontés locales, la voie française est celle de la diversité organisée et assumée, permettant la réactivité indispensable à la nouvelle rapidité du monde.

Mettre fin au cumul des mandats

Enfin, il est indispensable de s'attaquer à l'une des plus tenaces des m?urs politiques françaises : le cumul des mandats. A la fois symbolique et source de clarté et de transparence, y compris pour les intéressés, l'interdiction stricte du cumul entre fonction parlementaire et fonction exécutive locale est la condition première d'un dialogue et d'une négociation équilibrés entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux. A chacun ses responsabilités !
 

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Commentaire 1
à écrit le 07/03/2012 à 17:10
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Augmentation exponentielle de personnel dans les départements et région, Mille feuille décisionnel, opacité, cumul fonction, contrôle ?, apparemment seul les alsaciens ont du courage et de la probité ...

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