Conjoncture : un sale temps pour le nouveau président

Par Ivan Best  |   |  910  mots
AFP
Jamais un président arrivant au pouvoir n'avait eu à faire face à une conjoncture aussi maussade, avec une croissance zéro au premier trimestre. Et les mesures prises pour réduire le déficit public, sous la pression de l'Europe, ne contribueront pas à l'améliorer.

Croissance zéro, en France, au premier trimestre. Le chiffre, annoncé le jour de l'investiture de François Hollande, n'a pas provoqué plus d'émoi, tant cette mauvaise conjoncture était anticipée, annoncée. Fin décembre, l'Insee avait même prévu une récession début 2012, à savoir deux trimestres de baisse du PIB. Finalement, le PIB a stagné fin 2011 (+0,1%) comme au début de 2012 (zéro tout rond).
Pas de surprise, donc. Pour autant, cette situation n'a rien de banal, pour un nouveau président: jamais un chef de l'Etat prenant ses fonctions n'a dû affronter une conjoncture aussi dégradée. Cette affirmation peut surprendre. Valéry Giscard d'Estaing n'a-t-il pas été élu, en 1974, en plein choc pétrolier ? François Mitterrand n'est-il pas parvenu au pouvoir en raison de la crise ? Pourtant, à voir les chiffres de la croissance établis par l'Insee, ils bénéficiaient d'une conjoncture plus favorable qu'aujourd'hui. Au premier trimestre 1974, le PIB progresse de 1,9% par rapport aux trois mois précédents. Un rythme de croissance incroyable, dépassant les 8% l'an ! Une accalmie se déclare tout de même par la suite, ce qui n'empêcha pas la croissance d'atteindre 4,7% sur l'ensemble de 1974.

De la croissance, même début 1981
Début 1981, la situation est moins florissante. Mais, au premier trimestre, le PIB s'inscrit tout de même en hausse (+0,4%). Et sur, l'ensemble de l'année 1981, une petite croissance de 1% est tout de même enregistrée. Ce qui ne sera pas le cas en 2012, les plus optimistes espérant 0,7%.
Quant à Jacques Chirac, quand il parvient au pouvoir en 1995, ce n'est pas la franche reprise, le krach obligataire de fin 1994 fait déjà sentir ses effets, mais l'économie progresse tout de même (0,5% au premier trimestre). On accusera Alain Juppé d'avoir "cassé" la croissance avec les hausses d'impôts qu'il a faites voter, mais elles paraissent aujourd'hui anecdotiques, en regard des rafales de hausses de prélèvements obligatoires, depuis 2010 et surtout 2011 (+1,4 point de PIB cette année là).

1997, l'erreur de Chirac

Lionel Jospin n'a jamais été, lui, président de la République, mais son arrivée au pouvoir au printemps 1997, qui ouvre un nouvelle cohabitation, tient pour une bonne part à la conjoncture. C'est parce que Jacques Chirac pense que, faute de croissance, il sera difficile de ramener le déficit public à 3% du PIB, afin de qualifier la France pour la monnaie unique, qu'il dissout l'Assemblée nationale, soucieux de disposer d'une nouvelle majorité peut être moins nombreuse, mais plus soudée. La gauche l'emporte donc, fin mai, et l'on découvre alors, que la conjoncture est en fait sur la bonne pente depuis le début de l'année ! Le PIB augmente en effet de 0,5% au premier trimestre, et de 1% au deuxième, avant que le nouveau gouvernement n'ait pris la moindre mesure. L'annonce de ce deuxième trimestre florissant n'étant faite qu'à la fin du mois d'août, le gouvernement Jospin parvient à faire passer l'idée qu'il y est pour quelque chose... Enfin, Nicolas Sarkozy arrive au pouvoir, en 2007, dans un contexte de croissance modérée, mais qui paraît assurée (+0,6% au premier trimestre).

Hollande: une économie à l'arrêt, encore freinée par des hausses d'impôts
Rien à voir, donc, avec François Hollande. Aujourd'hui, l'économie fait du surplace, comme atteste cette croissance zéro du début de l'année. Bien sûr, le nouveau chef de l'Etat n'est pour rien dans cette situation. Et, dans un autre contexte, il pourrait décider de mesures de relance interne, susceptibles d'être mises à son crédit.
Le hic, c'est que non seulement le nouveau président arrive aux affaires dans une conjoncture plus que morose, mais, Europe oblige, il est contraint de conduire, quoi qu'il en dise, une politique restrictive, qui risque de ne pas améliorer les choses : comme s'il frenait encore une économie qui voudrait redémarrer cahin caha. Car les hausses d'impôt importantes annoncées dès la fin janvier par le candidat PS, anticipant avec justesse les estimations de la commission européenne (elle prévoit un surplus de déficit de 1,2 point en 2013, par rapport à l'objectif des 3%), font peser un risque non nul sur la croissance. 29 milliards d'euros de prélèvements nouveaux seront uniquement destinés à réduire le déficit, selon le projet de  François Hollande PS détaillé dès janvier.

Des mesure de croissance à effet sur le moyen terme
Les mesures dites de croissance, décidées au niveau européen (projets d'investissement...), ainsi que celles prises en interne (comme la banque publique au service des PME), pourraient contrebalancer cette politique fiscale. Mais leur effet pourrait être de plus long terme... Mais, ce qui frappe en regard des autres investitures présidentielles, et ce qui représente à coup sûr un avantage pour François Hollande, c'est à quel point l'économie française s'est adaptée à une faible croissance. Au début des années 80, plus de 100.000 emplois étaient perdus chaque année, alors que l'économie était malgré en tout en croissance (certes faible).
En 2012, avec une croissance zéro au premier trimestre, plus de 10.000 créations nettes d'emplois ont été enregistrées, dans le secteur privé. Du jamais vu ! Les politiques de baisse de charges sont passées par là, favorisant la création de nombreux jobs, souvent précaires, mais qui contribuent en tous à freiner la hausse du chômage.