Sécurisation de l'emploi : les syndicats abordent les négociations désunis

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  941  mots
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Vendredi 14 septembre, patronat et syndicat vont entamer la difficile négociation sur la réforme du marché du travail et la sécurisation de l'emploi, souhaitée par le gouvernement. Les organisations syndicales se divisent sur le fait de savoir s'il convient d'accepter, ou non, de négocier sur davantage de flexibilité comme le souhaite le Medef. Des bisbilles aggravées par la tenue, pour la première fois en France, d'une élection sur la représentativité syndicale dans les très petites entreprises qui exacerbe la concurrence entre les organisations.

Cette fois, c?est parti. Vendredi 14 septembre, les représentants des organisations patronales et syndicales se retrouveront au siège du Medef pour entamer la grande négociation sur le fonctionnement du marché du travail et la sécurisation de l'emploi, souhaitée par le gouvernement. Comme souvent dans ces circonstances, cette première réunion consistera surtout à fixer le calendrier et la méthode de travail. Car, en réalité, ce n?est pas une négociation mais au moins trois que doivent ouvrir les partenaires sociaux : outre le marché du travail, ils doivent aussi se pencher sur le contrat de génération et les institutions représentatives du personnel (IRP). Aux négociateus donc de trouver le moyen d?articuler au mieux ces différentes discussions.

Les syndicats divisés sur la flexibilité

Sur le fond, il est très loin d?être certain que les cinq organisations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) et les trois organisations patronales (Medef, CGPME et UPA) parviennent à un accord sur la sécurisation de l?emploi et le fonctionnement du marché du travail. A ce stade, les hiatus semblent en effet nombreux, non seulement entre patronat et syndicats mais, surtout, entre les organisations syndicales elles mêmes. Ainsi, à ce stade, la CGT et FO ne veulent pas entendre parler de flexibilité supplémentaire. Peu importe pour ces deux organisations que la nouvelle majorité aient renoncé à reprendre l?expression de Nicolas Sarkozy qui parlait "d?accord compétitivité-emploi". Pour Bernard Thibault et Jean-Claude Mailly, les leaders respectifs de la CGT et de FO, même s?il y a eu un effort sur la sémantique employée, en réalité, sur le fond, ils considèrent que les intentions du nouveau gouvernement sont les mêmes : parvenir à une plus grande souplesse pour les entreprises. Ceci dit, dans un entretien au quotidien "Le Monde" (daté du 13 septembre), Bernard Thibault ne ferme pas complètement la porte à la négociation d?un système de "flexisécurité". Dès lors qu?il s?agit "d?une Sécurité sociale professionnelle négociée au niveau interprofessionnel et dans les branches, alors que le Medef ne conçoit le droit que entreprise par entreprise"? François Chérèque (CFDT), lui, se dit d?accord pour négocier sur la flexibilité. Mais avec plusieurs idées en tête. D?abord, en contrepartie, en diminuant les recours aux emplois précaires (CDD et intérim) ; ensuite en construisant un modèle à trouver de "flexisécurité" qui permettrait à un salarié victime d?une restructuration de conserver un revenu et une protection sociale, tout en suivant une formation. Un dispositif qui pourrait passer dans un premier temps par une simplification et une amplification du mécanisme du chômage partiel. De son côté, le président de la CFE-CGC, Bernard Van Craeynest, qui tenait ce mercredi 12 septembre sa conférence de rentrée, s?est dit d?accord pour négocier des mesures d?adapation dans les entreprises. "Chez Sevelnord, à Air-France, nous avons prouvé que nous savions prendre nos responsabilités". Mais pas question, selon lui, qu?un salarié se fasse ainsi imposer une modification susbstantielle de son contrat de travail. Il faut que ce type d?accord soit approuvé par au moins 50% des salariés, qu?il soit à durée déterminée de deux ans maximum et qu?il y ait des clauses de revoyure". Surtout, insiste t-il, pour éviter de se retrouver dans de telles situations, "il faut que les représentants du personnel soient associés très en amont à toutes les décisions de l?entreprise".

La première élection de représentativité syndicale vient troubler le jeu

Bref, ce n?est pas gagné. D?autant plus qu?un élément conjoncturel va venir encore perturber des négociations déjà suffisamment ardues sur le fond. C?est en effet entre le 28 novembre et le 12 décembre que les 4,5 millions de salariés qui travaillent dans les entreprises de moins de onze salariés sont appelés, pour la premières fois, à participer à une "élection de représentativité" pour déterminer quels sont les syndicats les plus représentatifs. En fonction du résultat de cette élection, agrégé aux résultats des élections des délégués du personnel et des comités d?entreprise dans les plus grands établissements, en 2013, sera établie la liste des organisations syndicales jugées représentatives au niveau national. Les seules habilitées à conclure des accords interprofessionnels. Globalement, seuls  les syndicats ayant obtenu aux moins 8% des votes seront  les heureux élus. Si la CFDT et la CGT n?ont aucun souci à se faire, en revanche, les choses s?annoncent nettement moins confortables pour FO et la CFTC ? la CGC, syndicats catégoriel, devrait s?en sortir - qui jouent là, peut-être, leur survie comme organisation nationale. Un enjeu qui ne conduit pas forcément à accepter des compromis. Au contraire, il conduit plutôt à adopter une posture combative pour monter son utilité? Cette élection pousse ainsi à la concurrence entre syndicats. D?où la multiplication des petites phrases. Ainsi, Jean-Claude Mailly, dénonçant le "social libéralisme" de la CFDT ;où encore Bernard Thibault qualifiant de "nouveau duo de la rentrée, le Medef et la CFDT"?

Des bisbilles qui, paradoxalement, ne font pas vraiment la joie du Medef. En effet, l?organisation patronale préfèrerait encore parvenir à un compromis avec les syndicats plutôt que, en cas d?échec des négociations, se voir imposer par le gouvernement un texte de loi réformant le marché du travail.