Pourquoi les défaillances d'entreprises sont-elles si nombreuses en France ?

Par Fabien Piliu  |   |  479  mots
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Selon une étude comparative réalisée par le cabinet Taj, la France affiche un nombre de défaillances bien plus élevé que ses voisins européens. Pourtant, il existe un arsenal de dispositifs capables de limiter les dégâts, quelle que soit la conjoncture.

C'est vraiment rageant! Selon une étude réalisée par le cabinet Taj, la France se distingue assez tristement de ses voisins européens en affichant un nombre de défaillances particulièrement élevé. Précisément, le nombre de procédure collective s'est élevé à 59.614 en 2011 en France, contre 10.528 en Belgique, 12.094 en Italie, 18.044 en Angleterre et au Pays de Galles. En Allemagne, "30.099 demandes de procédure d'insolvabilité ont été formulées en 2011, mais 74% d'entre elles ont été ouvertes", explique l'étude. Pour mémoire, trois catégories de procédures collectives existent en France avec la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire et la procédure de liquidation judiciaire.

Comment expliquer cette "performance" singulière? "La pression fiscale, le niveau des charges sociales ainsi que la sous-capitalisation récurrente des entreprises françaises sont évidemment des éléments à prendre en compte", explique Stéphanie Chatelon, avocate associée chez Taj.

Attendre le dernier moment

Mais ces facteurs n'expliquent pas tout. Contrairement à ce que l'on observe dans les autres pays européens, les procédures à l'amiable sont très peu utilisées. Les chefs d'entreprises n'essaient de trouver une solution qu'au dernier moment, quand la situation est quasiment désespérée. En France, 3 .443 procédures de prévention ont été ouvertes sur ces cinq dernières années, soit une moyenne de 688 par an. Un chiffre à comparer aux 59.614 procédures collectives observées.

"Cette judiciarisation est traumatisante pour le chef d'entreprise. Même s'il veut simplement entamer une procédure amiable avec ces créanciers, il doit franchir le seuil du tribunal de commerce. Si à Paris, l'anonymat est préservé, ce n'est pas forcément le cas dans les villes de Province", avance Arnaud Pédron, également avocat chez Taj.

La procédure a l'amiable n'existe pas dans tous les pays

"C'est dommage car cette procédure à l'amiable permet réellement de prévenir les ennuis. Beaucoup de pays n'ont pas de dispositif de ce type et pourtant, paradoxalement, le nombre des défaillances y est moins important qu'en France", poursuit Stéphanie Chatelon.

Pour résoudre ce problème, le cabinet Taj avance plusieurs solutions. "Il faudrait que ces procédures soient moins judiciarisées", suggère Arnaud Pédron. Prêchant pour leur paroisse, les avocats plaident pour une ouverture de ce dispositif aux autres professions comme... les avocats mais aussi les professionnels du chiffre, notamment les experts-comptables.

Le rôle des banques pourrait aussi évoluer. Contrairement à ce que l'on observe dans les pays anglo-saxons, où les banquiers peuvent diligenter des audits sur la situation des entreprises, leurs homologues ne prennent pas cette responsabilité. "Ils redoutent de se voir reprocher une trop grande immixtion dans la conduite des affaires de l'entreprise. C'est dommage car ce sont eux qui peuvent détecter en premier les difficultés de leurs clients", avance Stéphanie Chatelon.