Lutte anti-corruption : l'OCDE épingle à nouveau la France

Par Laura Fort  |   |  578  mots
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L'OCDE a publié son nouveau rapport de suivi des dispositifs de lutte anti-corruption en France. Celui-ci s'étonne en particulier du faible nombre d'enquêtes ouvertes, de sanctions trop peu dissuasives et reste prudent sur la question de l'indépendance du parquet.

Le rapport réalisé par le groupe de travail de l?OCDE est on ne peut plus clair : la France peut (et doit) beaucoup mieux faire en matière de lutte anti-corruption. C?est ce que révèle la troisième étape du rapport de suivi de l?OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur la mise en ?uvre de la convention de 1997 sur la lutte contre la corruption, signée à ce jour par 38 pays.
La première étape avait en effet consisté à vérifier la bonne transposition nationale de la convention, et la deuxième, à évaluer l?efficacité de sa mise en ?uvre. Cette troisième phase vise à s?assurer de la prise en compte des recommandations de la deuxième.
L?OCDE s?étonne tout particulièrement du faible nombre de procédures ouvertes : depuis l?adhésion de la France à la convention en 2000, seules 33 procédures ont été engagées, et cinq condamnations ont été prononcées, dont une seule, non définitive, concerne une personne morale, en l?occurrence Safran.

Relever le montant des amendes

Les peines encourues par les entreprises sont peu par ailleurs dissuasives. Le rapport affirme sans détour que "la France devrait relever le montant maximal des amendes et faire un plein usage de la confiscation et des peines complémentaires disponibles dans la loi, en particulier de l?exclusion des marchés publics". En France, au maximum, la corruption est punie de dix ans d?emprisonnement (cinq ans pour la corruption privée) et de 750 000 euros d?amende pour les entreprises. Les personnes physiques encourent la même peine d?emprisonnement et jusqu?à 150 000 euros d?amende.
L?indépendance et le monopole du parquet sont aussi montrés du doigt, car c?est lui qui déclenche et définit le champ des enquêtes dans le cas de la corruption d?agents publics étranger. L?OCDE a néanmoins assoupli sa position par rapport à son évaluation de 2009, considérant que les deux circulaires de la Garde des Sceaux (du 31 juillet 2012 et du 19 septembre 2012) vont dans le bon sens concernant l?indépendance du parquet.

Manque de moyens

Le manque de moyens mis à la disposition des enquêteurs a par ailleurs été déploré : "une fois les juges d?instruction chargés d?une information judiciaire, encore faut-il qu?ils aient les moyens humains et financiers de mener à bien leurs investigations. Or les moyens en enquêteurs spécialisés mis à la disposition des juges ont fortement diminué depuis la phase 2."
L?OCDE formule plusieurs recommandations pour améliorer l?efficacité de la lutte anti-corruption en France, comme la mise à l?écart des marchés publics des entreprises condamnées pour corruption étrangère, la mise en place de mécanismes au sein des tribunaux locaux permettant aux parquets d?identifier les dossiers susceptibles d?alimenter la juridiction de Paris, la clarification de l?encadrement du secret défense, ou encore l?allongement du délai de prescription (aujourd?hui trois ans) applicable à l?infraction de corruption d?agent public étranger.
La France devra rendre un rapport oral sur les nouvelles orientations de sa politique de lutte contre la corruption d?ici un an, et un rapport écrit sur l?ensemble des recommandations apportées par l?OCDE d?ici deux ans.

>>>Lire notre analyse détaillée sur le sujet : Pourquoi l?OCDE s?attarde sur le cas français