Réquisitionner les logements vacants, c'est déjà possible

Par Mathias Thépot  |   |  593  mots
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Face au manque de logements, la ministre Cécile Duflot souhaite s'attaquer aux logements vacants. Pour cela, elle pourra s'appuyer sur des outils législatifs existants.

Les logements vacants sont dans le viseur du gouvernement. Après avoir proposé d?accroître leur taxation, la ministre du logement Cécile Duflot n?a pas exclu lors d?un point presse samedi d?en réquisitionner certains. "S'il est nécessaire, je ferai appel à l'ensemble des moyens disponibles, la réquisition fait partie de cette panoplie. Elle a déjà existé, elle a été mise en oeuvre notamment lorsque Jacques Chirac était président de la République parce que la crise était particulièrement difficile, chacun s'en souvient", a-t-elle déclaré suite à une rencontre avec des associations défendant les sans logis, notamment le DAL (Droit au Logement).
Au 1er janvier 2011, l?Insee dénombrait 2,3 millions de logements vacants en France. Un chiffre que le DAL met en perspective avec les 100 000 sans abris. Alors que selon la fondation Abbé Pierre, "3,6 millions de personnes sont non ou très mal logées".

Les outils législatifs existent

"Extrêmement convaincue de la gravité de la situation", Cécile Duflot déplore la présence en France de "bâtiments vides depuis des années qui ne servent à rien, quand des gens, des familles, sont à la rue". Elle estime du coup "qu'aucun moyen ne doit être négligé" pour remédier à la situation. En tout cas, si elle veut lancer une vague de réquisitions, elle le pourra, car aujourd?hui l?outil législatif pour réquisitionner un logement vacant existe, que les propriétaires soient des personnes morales ou physiques.
Il suffit en fait aux pouvoirs publics d?appliquer l?ordonnance émise sous le Conseil national de la Résistance en 1945 et reprise dans le Code de la construction et de l'habitation (art L641-1). Selon le texte, le préfet peut, "sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire (?) procéder (?) à la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d'habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés". Ce, pour les attribuer à des mal-logés, pour une durée maximale d?entre cinq et sept ans. Les bénéficiaires doivent s'acquitter d'une "indemnité d'occupation". Ils sont des "personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes" et celles "à l'encontre desquelles une décision judiciaire définitive ordonnant leur expulsion est intervenue".

Chirac en 1995, déjà?

En 1995, alors que la campagne présidentielle battait son plein dans un contexte tendu, sur fond de fracture sociale, entre le premier ministre de l?époque Edouard Baladur et le maire de Paris Jacques Chirac, ce dernier avait décidé d'engager plusieurs réquisitions à Paris. "Le fait qu'il y ait de nombreux logements libres est profondément choquant et provoquant", avait-il alors justifié. Elu président, il avait continué le processus, réquisitionnant au total 1200 logements selon le DAL.
Dans sa loi de lutte contre les exclusions du 31 juillet 1998, Martine Aubry avait ensuite tenté de moderniser l?ordonnance de 1945, sans succès, puisque la nouvelle loi prévoyait que les propriétaires puissent échapper à la réquisition "en présentant un devis de travaux d'aménagement du logement". Cet obstacle est en passe d?être supprimé par un amendement d?un député du front de gauche dans la récente loi Duflot.
Pour l?association DAL, l?idéal serait in fine de "banaliser l?outil" de réquisition de logements vacants dans l?Hexagone, indique son porte parole Jean-Baptiste Eyraud. Sans pour autant parler de "spoliation", car le DAL ne vise que "les personnes morales et les gros propriétaires".