L'automédication peut-elle sauver la Sécu ?

Par Fabien Piliu  |   |  691  mots
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Sur un an, les ventes du secteur ont progressé de 4,7% en septembre 2012 selon une étude du cabinet IMS Health. L'automédication représente désormais 6% du chiffre d'affaires des officines. Si cette tendance devait se poursuivre, la Sécu pourrait faire de belles économies. Les médecins sont vent debout.

Les Français sont-ils en train de se passer progressivement des médecins ? Selon une étude du cabinet IMS Health, le leader mondial des études et du conseil pour les industries du médicament et les acteurs de la santé, publiée ce vendredi, le secteur de l'automédication composé des médicaments achetés sans ordonnance a progressé de 4,7% sur un an en septembre pour dépasser légèrement les 2 milliards d?euros. Il atteindrait désormais 6% du chiffre d'affaires des officines.

Un levier de croissance économique pour les pharmaciens

"L'automédication décolle" et "commence à rentrer dans la culture française. Elle représente aujourd'hui, et encore plus demain, un véritable levier de croissance économique pour le pharmacien dans un contexte difficile ", a déclaré vendredi Pascal Voisin, le directeur OTC (pour over the counter) d?IMS Health lors d'une conférence de presse.
Selon lui, cette progression du marché s?explique en partie liée par les déremboursements des spécialités mais elle reposerait aussi sur "une vraie dynamique" des différents secteurs de l'automédication qui "joue à son échelle un rôle de protection économique"

Ce dynamisme du secteur intervient alors que "l'officine est aujourd'hui dans une situation économique assez difficile: son chiffre d'affaires stagne depuis trois ans et la marge brute stagne", a confirmé Claude Le Pen, professeur d'économie à Paris Dauphine. "L'officine fait face à un défi sans précédent avec un marché pharmaceutique en recul, des régulations plus strictes (...) et une concurrence accrue réelle de la parapharmacie", a poursuivi l?économie. Parmi les « blockbusters » du secteur, on peu citer Doliprane de Sanofi qui détient une part de marché de 4,3% ainsi que les marques ayant accès à la publicité grand public (Humex, Efferalgan, Oscilococcinnum, Strepsils).

Des économies pouvant aller jusqu?à 1,5 milliard d?euros par an

Selon des calculs récents de l?Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa), le principal lobby de ces secteur en plein essor, la Sécurité sociale pourrait économiser jusqu?à 1,5 milliard d?euros si elle permettait à 114 molécules aujourd?hui prescrites par un médecin dans le cadre d?une consultation payante pour soigner des pathologies courantes - migraines, rhinite, infections mineures? - d?être disponible sans ordonnance. Ceci dit, il faudrait que le nombre de médicaments disponibles sans ordonnance explose pour permettre un redressement des comptes de la Sécu. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2013 anticipe un déficit de 11,4 milliards d'euros du régime général l'année prochaine.

Qu?en pensent les médecins. A votre avis ? Sans surprise, ils sont vent debout contre cette pratique. « La CSMF rappelle que la consultation médicale et la délivrance de prescription relèvent des seuls médecins (...) La prescription de médicaments n'est jamais anodine et doit être précédée d'un examen médical permettant d'établir un diagnostic et donc une prescription. Les rôles des médecins et des pharmaciens sont définis et complémentaires, mais ne doivent pas être confondus. Si les pharmaciens ont naturellement vocation à jouer un rôle de conseil dans la délivrance des médicaments en vente libre afin d'éviter le développement d'une automédication sauvage et dangereuse, en revanche, il faut éviter l'amalgame entre conseil et consultation médicale », a récemment expliqué le syndicats de médecins dans un communiqué de presse après avoir décidé de?engager des poursuites contre une campagne de communication menée par un groupement d'officines qui présentait le pharmacien comme étant « le professionnel de santé le mieux placé pour apporter une solution adaptée ».

Les mentalités évoluent

Reste que les esprits évoluent. Un sondage TNS Sofres commandé par Mondial Assistance et dévoilé le 12 octobre indique que près d'un quart des Français auraient jugé après coup inutile un déplacement chez son médecin. autre enseignement, deux tiers d'entre eux considèrent qu'un service de conseil médical à distance pourrait, dans certains cas, remplacer une consultation chez un médecin.