"Le monde patronal doit remettre l'intérêt général au-dessus de tout"

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  663  mots
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Chef d'entreprise, une première fois candidat à la présidence du MEDEF en 2010, Thibault Lanxade publie ce mercredi un ouvrage composé de dialogues sur le rôle économique et social du patronat. Articulé autour de quatorze points de vue d'experts - dont le sien - issus du monde politique, économique, patronal et syndical, « Un patronat, pour quoi faire » ouvre le débat à quelques semaines du lancement de la course à la présidence du MEDEF.

Quels sont les principaux enseignements de cet ouvrage ?

C'est une réflexion prospective, dans un contexte exceptionnel du à la crise économique, à un moment ou le paysage des corps intermédiaires est en train de muter. Il me semble que le moment est venu de poser un regard critique et constructif sur notre modèle paritaire qui n'a pas bougé depuis 1945.
Une idée fait consensus : la nécessité d'apporter des changements dans le fonctionnement du dialogue social et la représentativité des entreprises. Le patronat, dans son ensemble, n'est plus vraiment en phase avec une partie des attentes des entrepreneurs. Il gagnerait à être plus lisible et à centrer ses interventions sur des sujets qui relèvent de l'intérêt général des entreprises. Les questions qui sont posées dans ce livre sont déjà sur le bureau du prochain Président du MEDEF et des nouveaux acteurs syndicaux. Il faut maintenant poser le débat pour préparer l'avenir.

Comment expliquer cette situation ?

L'épisode dit des pigeons nous montre que les organisations patronales sont devenues des mille-feuilles complexes pour les chefs d'entreprise et entrepreneurs. Résultat : une perte de réactivité dans nos actions alors que l'urgence de la crise nous impose d'être efficace. En basant leur puissance, leur influence sur le principe du « je paye donc j'existe », elles ont donné la priorité aux grands. Résultat, elles se sont coupées de la base et se sont par conséquent éloignées de la réalité des entreprises. Il faut repenser nos organisations du patronat afin de remettre l'intérêt collectif au-dessus de tout.

Les organisations patronales ne se sont-elles pas trop dispersées ?

Je le pense. Le patronat doit aider les entreprises à être plus compétitive et ne pas se préoccuper de tous les sujets de sociétés ou environnementaux du moment. Qu'il se concentre, se recentre sur la priorité des entreprises : accroitre la compétitivité pour générer du profit. Ce n'est que si elle est rentable qu'une entreprise peut ensuite agir en faveur de la société civile !

L'Europe est un cap important à garder dans le viseur des organisations patronales, car nous pouvons y trouver un nouveau terrain de jeu pour l'exportation de notre production nationale. Les entreprises doivent aussi susciter les vocations en incitant les nouvelles générations à monter dans le train de l'entrepreneuriat. Pour le moment ceux sans le titre de transport du diplôme restent sur le quai.

Ces interrogations expliquent-elles la perte d'influence du patronat dans les entreprises, la chute du nombre d'adhérents ?

Evidemment. Mais c'est aussi le cas pour les syndicats. Dans ma société, il a fallu que j'explique et incite mes salariés à aller voter pour élire leurs représentants. Les plus jeunes ne voyaient pas l'intérêt de cette démarche. S'ils ont des questions à poser, des intérêts à défendre, il leur semble plus logique de venir directement me voir. Pourtant, le patronat mais aussi les syndicats sont essentiels pour le bon fonctionnement des entreprises car ils défendent l'intérêt général, celui de l'entreprise et des salariés.

En ouvrant ainsi le débat, êtes vous en train de vous positionner avant de vous porter une nouvelle fois candidat à la présidence du MEDEF ?

La question n'est absolument pas à l'ordre du jour et pour être très franc ce point n'intéresse pas les entrepreneurs. Nous attendons beaucoup des négociations actuelles et des mesures que va prendre le parlement dans les prochains jours pour mettre en ?uvre du pacte de compétitivité.

En cette fin d'année, nous devons concentrer nos efforts sur les négociations de la conférence sociale pour qu'elle puisse déboucher sur un accord historique. Quelques candidats sérieux se sont déjà déclarés. Pour l'heure, je propose d'ouvrir le débat. J'invite donc l'ensemble des chefs d'entreprise, entrepreneurs et acteurs de la cité à venir l'enrichir.