"Prendre soin de ses fournisseurs est un gage de succès"

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  744  mots
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Dans un entretien accordé à La Tribune, Pierre Pelouzet, le tout nouveau médiateur des relations inter-entreprises présente sa feuille de route. Ses objectifs : renforcer les moyens de la médiation et améliorer sa notoriété. Il annonce la création imminente d'un label qui sera accordé aux entreprises signataires de la Charte des relations inter-entreprises ayant été particulièrement exemplaires dans leurs relations avec leurs fournisseurs.

La Tribune - Vous venez d'arriver à la tête de la médiation inter-entreprises. Quelle est votre feuille de route ?

Pierre Pelouzet - La médiation est un très bel outil mais il doit encore monter en puissance. En outre, parce que c'est un dispositif jeune, qui n'a que deux ans d'existence et il semble encore manquer de notoriété dans les entreprises. C'est le défaut de sa jeunesse. Renforcer la médiation, notamment sur les territoires, dans certaines branches industrielles pour renforcer la compétitivité de toutes les parties, développer la médiation pour qu'elle soit totalement ancrée dans les esprits des chefs d'entreprises, et ce quels que soient leur taille ou leur secteur d'activité, sont mes deux objectifs principaux.

La médiation est-elle en sous-effectif ?

Une chose est certaine : le nombre de dossiers de procédures individuelles et collectives reste élevé. Actuellement, l'équipe permanente à Paris compte une vingtaine de personnes et nous avons un réseau solide d'une trentaine de médiateurs délégués régionaux qui quadrille la France. Nous pourrions être davantage car le travail ne manque pas. Aujourd'hui, 227.000 entreprises ont bénéficié de l'action de la médiation inter-entreprises, et dans 8 cas sur 10 un accord est trouvé entre les parties.

L'industrie française va-t-elle si mal ?

Je ne dirai pas ça. Après la tempête de 2008-2009, la situation commençait à s'améliorer, en témoigne notamment la réduction des retards de paiement. Actuellement, ces retards accélèrent, on a atteint le seuil des 12 jours et le crédit inter-entreprises s'envole à 550 milliards d'euros. Ce n'est pas bon signe. Si cette situation perdure, les entreprises qui auront survécu à la crise, plus fragiles, seront menacées. Je tiens à préciser qu'il n'y a pas que les grandes entreprises qui peuvent mal se comporter. Dès qu'une entreprise peut exercer une pression quelconque sur son fournisseur, elle ne s'en prive pas. En cela, la crise révèle certains comportements primaires. Enfin, cette augmentation du nombre de dossiers s'explique peut-être par le fait que la Médiation Inter-entreprises est de plus en plus connue. J'ose l'espérer.

Les relations entre clients et fournisseurs sont-elles plus saines ?

Dans l'ensemble, il existe une vraie prise de conscience de la part des acteurs économiques quant à la nécessité de resserrer les rangs et de jouer la carte de la solidarité intelligente. Je compte bien amplifier cette dynamique et ?uvrer pour des performances responsables. Déjà plusieurs grandes entreprises ont emprunté ce chemin et je les encourage à poursuivre leurs efforts et à montrer l'exemple. Pour autant, il y aura toujours des canards boiteux qui ne comprendront jamais que prendre soin de ses fournisseurs est un gage de succès, que le développement responsable favorise la création d'écosystèmes performants. Ils vivent dans l'illusion qu'un modèle de développement quasiment féodal est profitable. En période de croissance, ce modèle peut marcher. Lorsque l'activité chute, tout le monde souffre : d'abord les plus petits, les plus grands ensuite.

Certaines branches, certains secteurs, sont-ils plus vertueux que d'autres ?

C'est délicat à dire. Ce sont les relations entre les hommes qui dictent les relations commerciales. Lorsque les gens prennent le temps de se parler et d'écouter, les litiges se règlent facilement. Lorsqu'un grand groupe traîne pour régler une facture de 50.000 euros à un fournisseur, il ne se rend pas forcément compte qu'il le fragilise. L'ordre des grandeurs est relatif.

Actuellement, 300 entreprises ont signé la Charte des relations inter-entreprises instaurée en février 2010. Comment s'assurer que les signataires respectent leurs engagements ?

Lorsqu'un PDG d'une grande entreprise signe notre charte, le message n'est pas anodin même si, il est vrai, celui-ci peut avoir du mal à se diffuser dans les services financiers, juridiques, les services achats. Toutefois, je remarque que les grands noms de certains secteurs comme le luxe et l'automobile n'ont pas pris cet engagement, du moins pas encore... Néanmoins, pour aller encore plus loin, nous allons lancer un label attestant que les entreprises signataires appliquent des politiques d'achats responsables, c'est-à-dire conformes aux dix engagements de la Charte des relations inter-entreprises. Les entreprises acceptant le challenge d'un regard extérieur sur leurs pratiques seront auditées par le cabinet Vigeo. Seules les entreprises signataires les mieux notées seront labellisées par la médiation inter-entreprises et la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France [CDAF].