Affaire Cahuzac : une enquête qualifiée a minima, une polémique qui enfle

Par Romain Renier  |   |  679  mots
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Jérôme Cahuzac le souhaitait, c'est arrivé. Le parquet de Paris vient d'ouvrir une enquête pour "blanchiment de fraude fiscale" afin de déterminer si le ministre du Budget a trempé dans une affaire de fraude au fisc. Il reste que pour l'heure, la qualification de l'enquête s'est faite a minima. Difficile donc, d'en tirer des conclusions. En revanche, politiquement, la situation se complique.

Les choses se corsent pour Jérôme Cahuzac. Accusé par le site Mediapart d'avoir détenu un compte en banque en Suisse dans les années 1990, le ministre du Budget fait désormais l'objet d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris pour "blanchiment de fraude fiscale".

Apprenant la nouvelle, il a salué l'ouverture de l'enquête. "Cette démarche permettra, comme il l'a toujours affirmé, de démontrer sa complète innocence", affirme un communiqué.

Une enquête qualifiée a minima

Sur la qualification de l'enquête, Jérôme Cahuzac s'en sort bien. Selon un avocat spécialiste de la question, le blanchiment est le plus petit dénominateur dans une affaire de fraude fiscale, derrière le recel ou la complicité. En l'espèce, s'il était convaincu de "blanchiment de fraude fiscale", cela signifierait qu'il a apporté son concours à la dissimulation des sommes frauduleusement soustraites à l'impôt. Pas qu'il a lui-même fraudé le fisc. Or, s'il s'avère être un vrai, l'enregistrement dévoilé par Mediapart va plus loin que le simple blanchiment : "ça me fait chier d?avoir un compte ouvert là-bas, l?UBS c?est quand même pas forcément la plus planquée des banques".

Quoiqu'il en soit, pour qu'il y ait blanchiment, il faut qu'il y ait eu une fraude au préalable. Ce sera à l'enquête de police judiciaire de le déterminer. Et d'en déterminer l'auteur. S'il s'agit bien de Jérôme Cahuzac l'affaire sera alors requalifiée en enquête pour fraude fiscale.

Pour l'heure, le parquet affirme dans son communiqué vouloir "procéder, sans attendre, aux vérifications relatives à la réalité et au contenu de l'enregistrement ainsi qu'à toutes auditions nécessaires à la manifestation de la vérité".

Des zones d'ombre demeurent

Difficile à ce stade d'en tirer des conclusions. Il reste que la défense du ministre du Budget, faite de démentis, ne permet pas de lever le doute. Jérôme Cahuzac pourrait pourtant mettre fin à la polémique en démontrant qu'il n'a pas détenu de compte à la banque UBS. Considérant que ce n'était pas à lui de prouver son innocence, il a refusé dans un premier temps.

Son avocat suisse, Maître Edmond Tavernier, avait par ailleurs envoyé un email afin de se renseigner sur les règles pratiquées par UBS en matière de secret bancaire et de "lettre de confirmation négative", le 11 décembre. Le correspondant de l'avocat avait refusé d'y répondre "par principe".

Jérôme Cahuzac a alors indiqué sur son blog ne pas vouloir en rester là, souhaitant obtenir une réponse de la banque "qui ne peut être que négative", le 20 décembre dernier. Depuis, pas de nouvelle.

Politiquement, la situation se complique

Pendant ce temps, la situation se complique politiquement. Si Jérôme Cahuzac se dit "satisfait" par l'ouverture de l'enquête, à Matignon, on se refuse fermement à tout commentaire quant à la gêne que cela pourrait susciter pour le gouvernement. Un membre de l'entourage du Premier ministre a toutefois confié à l'AFP que Matignon avait "pris acte", et estimé que c'était un "élément supplémentaire qui permettra d'établir la vérité que réclame" le ministre du Budget. A l'Elysée, on considère qu'il n'y a "pas d'éléments susceptibles de changer la situation" de Jérôme Cahuzac, selon une source proche du président de la République.

Certes, François Hollande s'était engagé à ce qu'aucun ministre n'ait été condamné, pas qu'aucun ministre ne fasse l'objet d'une enquête. Et Jérôme Cahuzac est un élément clé du dispositif gouvernemental. Mais alors que la côte de popularité du président de la République et de son premier ministre est au plus bas, et que les questions de justice fiscale font l'actualité, la question de l'avenir de Jérôme Cahuzac au sein du gouvernement reste en suspens.

>> Le communiqué du parquet de Paris dans son intégralité