CFDT - PS : connivence ou simple proximité idéologique ?

Par Romain Renier  |   |  714  mots
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Outre François Chérèque, les nominations d'anciens cédétistes par des membres du gouvernement à des postes politiques se succèdent. De quoi donner l'impression d'une alliance qui ne dit pas son nom entre le syndicat et le parti socialiste. Pourtant, la CFDT affirme son indépendance vis-à-vis du politique. La proximité entre le syndicat et le parti au pouvoir serait plus idéologique.

Les nominations d'anciens cédétistes à des postes politiques par des membres du gouvernement s'enchaînent. En tête de liste, François Chérèque, ancien leader de la CFDT, désormais président de Terra Nova - proche du PS idéologiquement - et qui vient d'être chargé du suivi du plan gouvernemental sur la pauvreté. De quoi alimenter l'image d'un syndicat proche du pouvoir, alors qu'il vient de signer l'accord sur l'emploi avec le patronat rejeté par la CGT et FO.

"La CFDT affirme tous les jours son autonomie"

Mais le syndicat réformiste entend couper court à ces interprétations. "La CFDT affirme tous les jours son autonomie vis-à-vis du politique, elle défend les salariés du mieux qu'elle peut et est autonome vis-à-vis de tout gouvernement quel qu'il soit", a affirmé Marcel Grignard, l'un de ses dirigeants. "On ne revendique aucune place privilégiée" auprès du gouvernement, ajoute-t-il en soulignant que la direction de la centrale a signé jeudi "en toute liberté et autonomie" l'accord sur l'emploi. Il est vrai que la centrale a déjà paraphé des accords sous Nicolas Sarkozy, comme en 2008 avec l'accord national interprofessionnel sur l'emploi.

Et Laurent Berger, le nouveau leader de la centrale, de prendre ses distances avec François Chérèque. Il "était fonctionnaire avant d'entrer à la CFDT (...), il est toujours fonctionnaire. Il a maintenant une vie professionnelle propre. Je ne suis pas concerné par ce qu'il fait. Mais chacun reconnaîtra ses compétences." Les choses sont dites, du moins en ce qui concerne une éventuelle allégeance de la CFDT vis à vis du gouvernement.

Des "passerelles idéologiques évidentes"

Il n'empêche qu'il existe des "passerelles idéologiques évidentes avec le syndicat réformiste", adepte du dialogue social cher au président François Hollande, explique un chercheur cité par l'AFP qui précise que "la CFDT a toujours été très proche de François Hollande, la source en est le delorisme et la référence à Jacques Delors auprès de qui François Hollande a fait ses classes". Edmond Maire, l'ancien leader de la CFDT ne cachait pas sa proximité idéologique avec Jacques Delors, avant et après l'élection de François Mitterrand en 1981.

Pour preuve, François Chérèque est loin d'être le seul à avoir emprunté la passerelle menant de la CFDT à une nomination par un membre du gouvernement à une fonction politique. Il y a aussi Nicole Notat, figure emblématique de la CFDT - qui a refusé de rentrer au gouvernement après 2007 alors que Nicoals Sarkozy en rêvait - , qui siège aux assises de l'entrepreneuriat 2013 et travaille à ce titre en relation avec la ministre de l'Économie numérique Fleur Pellerin. Ou encore Laurence Laigo, qui était jusqu'au mois dernier l'un des neuf dirigeants de la CFDT et qui a quitté ses fonctions pour rejoindre le cabinet de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, comme conseillère. Enfin Jacky Bontems, ex-numéro deux de la centrale et ex-conseiller social du candidat François Hollande, est pressenti au futur Commissariat général à la stratégie.

La CFDT, un laboratoire d'idées pour la gauche réformiste

En d'autres temps, on se souviendra aussi de Jacques Chérèque, le père de François Chérèque, qui après avoir été le numéro deux d'Edmond Maire à la CFDT, a été ministre de l'Aménagement du territoire sous la houlette du socialiste Michel Rocard entre 1988 et 1991. Il y a d'ailleurs toujours eu une proximité d'idées entre la CFDT et le mouvement deuxième gauche incarné par Michel Rocard. Et la CFDT a longtemps servi de laboratoire d'idées à ce mouvement sur la base d'une pensée : "mieux vaut un contrat qu'une loi". Conséquence, le rapprochement entre le syndicat et le pouvoir devient évident quand c'est cette gauche réformiste qui est au pouvoir. De fait, Laurent Berger et François Chérèque ont eu l'oreille de Michel Sapin pendant tout le temps de la négociation de l'accord sur la sécurisation de l'emploi. Ce qui avait fini par agacer les autres centrales, autant que certaines instances patronnales, qui accusaient le gouvernement de jouer double jeu.