"Made in local" : à chacun son label, et confusion pour tous

Par Odile Esposito  |   |  500  mots
Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, visitant le stand Toyota lors du premier Salon du Made in France, en novembre 2012. Reuters
Nationaux ou régionaux, généralistes ou spécialisés, les labels se multiplient, avec des cahiers des charges et des objectifs différents. Au risque de désorienter les consommateurs.

Quelques opérations de finition réalisées en France sur des articles importés et... hop! l'industriel peut apposer l'étiquette « made in France » sur son produit... C'est pour lutter contre cette règle officielle jugée trop laxiste, car fondée sur la notion floue de « dernière transformation substantielle » réalisée dans l'Hexagone, qu'ont été créés des labels nationaux ou régionaux, généralistes ou spécialisés : « Saveurs en'Or » pour l'alimentaire du Nord-Pas-de-Calais, « Sud-Ouest France » pour celui de l'Aquitaine et du Midi-Pyrénées... Les cahiers des charges imposés par ces labels sont plutôt draconiens. « L'obtention de "Produit en Bretagne" n'est pas simple, et il faut accepter des contraintes, raconte Bruno Degrenne, direc-teur commercial de la biscuiterie Kerfood, à Belle-Île-en-Mer, qui fabrique aussi la crème de caramel au beurre salé Carabreizh. Il nous a fallu mettre en place une traçabilité informatique. Mais cela nous a fait gagner en productivité et rencontrer des entreprises bien plus importantes que la nôtre. Commercialement, ce label est un moteur énorme. » L'association Produit en Bretagne a déjà labellisé 4000 produits de tous types.
Le label cherche à promouvoir l'emploi local et distingue les entreprises développant un véri-table savoir-faire, si possible avec des matières premières bretonnes, mais pas nécessairement. On peut trouver du café ou du jus d'orange porteurs du logo, car « il y a un vrai savoir-faire des entreprises concernées dans la torréfaction ou la sélection du concentré, précise Loïc Héna, PDG de l'entreprise qui porte son nom (215 salariés). Le consommateur est intelligent, il sait bien que le café ne pousse pas dans les monts d'Arrée. »

Les paradoxes de la certification

« Ridicule », estime Yves Jégo à propos de ce jus d'orange breton. L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy préside l'association Pro France, créatrice du label « Origine France Garantie » (OFG). « Nous avons déjà labellisé 400 gammes de produits et 600 autres sont en cours. Notre label certifie que 50% au moins de la valeur unitaire du produit est français. » La Toyota Yaris ou les bières Kronenbourg ont ainsi obtenu le logo. Mais aussi les lave-linge Electrolux fabriqués dans l'usine de Revin... que le géant suédois veut fermer en 2014.Les audits, réalisés par le bureau Veritas, donnent parfois du fil à retordre aux industriels. « Pour mes interrupteurs en verre, j'ai eu beaucoup de mal à obtenir le label, raconte André Bousquet, le PDG de Meljac. Le travail du verre représente plus de 50% de la valeur ajoutée de ce produit et je le faisais faire par une entreprise d'Eure-et-Loir. Mais le bureau Veritas a audité uniquement nos locaux, pas ceux de ce sous-traitant. Il rechignait donc à nous accorder le label, alors qu'avec un verre moins cher acheté en Chine nous l'aurions obtenu sans peine! J'ai donc décidé de rapatrier le travail du verre. »
L'ambition d'Yves Jégo? « Créer le grand catalogue des produits français. » Titanesque.