Medef : habemus Parisot pour 5 ans, voire plus ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1111  mots
Copyright Reuters
Le comité statutaire du Medef a enfin remis ses conclusions sur d'éventuelles modifications à apporter aux règles régissant l'élection à la présidence du mouvement. Ses propositions sont très favorables à la présidente sortante qui rêvait de briguer un troisème mandat. Le comité statutaire préconise que la durée du mandat soit uniformément de cinq ans (au lieu, actuellement, de cinq ans pour le premier et de deux ans pour le second) et, surtout, que leur nombre soit... illimité. Mieux encore, si l'assemblée générale du Medef la vote, cette réforme serait d'application immédiate, ce qui signifie que Laurence Parisot pourrait postuler à un nouveau mandat de cinq ans le 1er juillet prochain. Mais il reste encore à la présidente de convaincre ses troupes de la nécessité de changer les statuts.

Le compte à rebours commence réellement ce lundi pour le renouvellement de la présidence du Medef prévue pour le 1er juillet. C'est en effet ce 18 mars que le comité statutaire de l'organisation patronale a remis (après 8 réunions) ses conclusions au Conseil exécutif sur une éventuelle modification des statuts qui permettrait à Laurence Parisot de postuler pour un troisième mandat.


Des mandats de 5 ans en nombre illimité!

De fait, les recommandations du comité statutaire sont très favorables à l'actuelle présidente. Il préconise essentiellement que, désormais, la durée du mandat à la tête du Medef soit portée à cinq ans. Au lieu, actuellement, de cinq ans pour le premier mandat et de trois ans pour le second. Finie donc cette dichotomie, désormais ce serait cinq ans pour tous les mandats. Et, mieux encore, le comité statutaire propose qu'il n'y ait aucune limitation du nombre des mandats, contre deux mandats au plus actuellement. Encore mieux pour la présidente sortante, cette réforme serait d'application immédiate dès lors que l'assemblée générale du Medef (qui se réunira éventuellement début avril) approuve ces modifications. Ce qui signifie, dans ce cas de figure, que Laurence Parisot pourrait postuler pour un troisième mandat de cinq ans le 1er juillet prochain, date de la fin de ce qui devait être son dernier mandat.
Avant tout cela, un Conseil exécutif extraordinaire sera convoqué le 28 mars afin que ses 45 membres (représentants des fédérations patronales et des Medef territoriaux) entérinent (par un vote à la majorité) ces modifications.

L'assemblée générale du Medef devra trancher

Si c'est le cas, ensuite, dans les 15 jours, une Assemblée générale du Medef sera à son tour convoquée pour voter à la majorité des deux tiers des ses 560 votants les changements de statuts. Beaucoup d'obstacles encore à franchir donc pour Laurence Parisot. D'autant plus que pour l'un des candidats à sa succession, le président de Virgin Mobile, Geoffroy Roux de Bézieux, interrogé par La Tribune à la sortie du Conseil exécutif du Medef, a estimé « que cette réforme ne passerait pas le Conseil exécutif car des mandats de 5 ans c'est trop long pour un chef d'entreprise qui se coupe des réalités du terrain ». Certes, l'ancien président de l'Unedic prêche pour sa paroisse mais il en reste pas moins que, selon nos informations, les débats ont été assez houleux aujourd'hui lors de la réunion des instances du Medef et que la partie est loin d'être gagnée pour Laurence Parisot. En attendant, retour sur une pièce en 3 actes dont l'épilogue reste à écrire.


Premier acte : la préparation des esprits


En adepte de Gramsci pour qui la conquête du pouvoir passe d'abord par la conquête des esprits, Laurence Parisot, réélue pour un second et normalement dernier mandat de trois ans en 2010, laisse discrètement savoir, à la fin du printemps 2012 qu'elle briguerait bien un troisième mandat ou, à tout le moins, qu'elle prolongera bien son second mandat de deux ans, afin que celui-ci soit de la même durée que le premier : a savoir, cinq ans. Mais, pour cela, il faudrait une modification des statuts du Medef. Officiellement, ce n'est pas le moment d'en discuter. Il y a des problèmes plus importants à régler : un président socialiste vient d'être élu, une importante négociation sur l'emploi va s'ouvrir, le gouvernement prépare une sévère loi de finances 2013 pour les entreprises. Résultat, les candidats potentiels à la succession de Laurence Parisot, dans ce contexte, se font discrets de peur d'être accusés d'affaiblir le camp patronal.


Deuxième acte : le choix du moment opportun


L'encre de l'accord conclu sur l'emploi le 11 janvier n'est même pas encore sèche que Laurence Parisot envoie en pleine nuit aux 45 membres du Conseil exécutif un mail les avertissant de sa saisine du comité statutaire de l'organisation - présidé par l'un de ses proches, Georges Drouin, ancien président du Groupe des professions de services - pour qu'il étudie d'éventuelles modifications des statuts de l'organisation. Parmi les questions posées : est il opportun de limiter le nombre des mandats à la présidence ? la limite d'âge pour être président doit elle restée fixée à 65 ans ? les modifications éventuelles seront-elles immédiatement applicables ? etc.

Dès le Conseil exécutif du 15 janvier, de nombreuses voix s'élèvent, dont celles d'importants Medef territoriaux (Rhône-Alpes, Languedoc, Paca, etc) et de plusieurs fédérations professionnelles (métallurgie, bâtiment ) pour dire « niet » à Laurence Parisot. Mais celle-ci n'en a cure et déclare attendre les conclusions du comité statutaire. Et la présidente en place commence à faire entendre sa petite musique sur l'air du « on ne change pas un capitaine et son équipe en pleine tempête : à circonstances exceptionnelles (la crise économique), mesure exceptionnelle (la modification des statuts)". Les autres candidats déclarés ou potentiels (dont Pierre Gattaz, Thibault Lanxade, Jean-Claude Volot... ) ont beau hurler au « putsch », rien n'y fait : tout se focalise sur Laurence Parisot et son extraordinaire culot.


Troisième acte : la déclaration officielle


Le 2 mars, dans un entretien au quotidien « Le Monde », la présidente se lâche et déclare « oser briguer un troisième mandat à la tête du Medef ».. si elle le peut. Se disant « outrée » que l'on puisse la comparer à Poutine ou la traiter de putschiste. Au contraire, à l'entendre, c'est elle qui défend la démocratie interne au Medef en remettant sur la table des statuts jugés inadaptés. Du grand art ! Mais, surtout, la présidente joue la montre, plus le temps passe, plus la campagne sera courte pour son éventuelle succession.

Et comme le comité statuaire a tardé à remettre son avis, les candidats potentiels n'ont eu aucun moyen pour se faire entendre.. Pendant ce temps, Laurence Parisot, qui sait que son initiative ne passe pas très bien en interne, en profite pour faire la tournée des popotes en visitant de nombreux Medef territoriaux pour leur expliquer qu'elle est la meilleure par ces temps tumultueux. Objectif : obtenir cette fameuse majorité des deux tiers des voix, lors de l'assemblée générale du mois d'avril qui devra éventuellement se prononcer sur la modification des statuts. Si elle l'obtient -mais on n'en est pas encore là - c'est gagné pour Laurence Parisot. Les autres candidats n'auront aucune chance face à l'actuelle présidente qui pourra considérer avoir été plébiscitée. Elle briguera alors tranquillement un troisième mandat...de 5 ans.