Hollande, ce qu'il a fait, pas fait et ce qu'il lui reste à faire...

Par Service Economie, latribune.fr  |   |  1930  mots
Copyright Reuters
Le Président intervient ce soir sur France 2 pour expliquer sa politique. Politique européenne, fiscalité, mesures en faveur de la compétitivité des entreprises, politique sociale... Tour d'horizon sur les principaux domaines des actions menées par François Hollande depuis son arrivée à l'Elysée. Beaucoup a été fait, mais... encore plus reste à faire

Ce soir à 20h15 sur France 2, François Hollande va défendre son action depuis son entrée à l'Elysée il y a 10 mois. Surtout, alors que sa courbe de popularité est au plus bas et que les Français ressentent une sorte de flottement dans la gestion du pays, le Président va s'attacher à démontrer qu'il a une méthode et qu'il maintient  un cap... Ce n'est pas gagné. Pourtant,  des réformes il y en a eu, de nombreuses depuis 10 mois. Dans tous les domaines et notamment celui de la fiscalité. Mais assurément plus que d'autres auparavant, ce gouvernement pêche par un manque de pédagogie. Il est dans l'incapacité d'expliquer les finalités de son action. Trop souvent aussi, les Français ont l'impression d'une absence d'unité, parfaitement illustrée par le débat sur la nationalisation d'Arcelor Florange. Retour sur ce qui a été fait depuis 10 mois, sur les renoncements... Et aperçu de tout ce qu'il reste à faire

Un effort fiscal de de près de 30 milliards d'euros en 2013

Sur la fiscalité, François Hollande devrait préciser ce soir ce qu'il envisage concernant la taxation des très riches... Une promesse de campagne qui avait même surpris ses proches. Une taxation qui ne devrait pas dépasser, globalement, les 66,66%, après l'avis du Conseil d'Etat, qui a mis en garde contre les risques d'inconstitutionnalité.
Au-delà, le chef de l'Etat devra répondre aux attaques venues de la droite sur le thème du matraquage fiscal. Il est vrai que les hausses d'impôts atteignent un record, cette année : 10 milliards d'euros pour les entreprises, 10 milliards d'euros sur les ménages, dans la seule loi de finances pour 2013, à laquelle il faut ajouter la montée en puissance des mesures décidées auparavant, soit près d'une trentaine de milliards, au total.
En outre, l'argument selon lequel seuls les « riches » paieraient est battu en brèche par la droite : entre la fiscalisation des heures supplémentaires, le gel du barème de l'impôt sur le revenu  -maintenu, sauf pour les bas revenus, contre les promesses -, l'imposition accrue des travailleurs indépendants, la hausse des cotisations vieillesse, la taxation de l'épargne salariale, de la bière... nombreuses sont les mesures qui frappent au-delà des classes aisées. Sans parler de l'augmentation du taux normal et intermédiaire de la TVA. En revanche, pour l'instant en tout cas, François Hollande a renoncé à son projet de fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG.

Questions sociales : quelques réformes mais le plus dur reste à venir

Sur les questions sociales, François Hollande a très rapidement mangé son pain blanc. Il faut dire que, prudemment, parmi ses soixante propositions de candidat, très peu promettaient des lendemains qui chantent. Il n'y avait même carrément aucune mesure sociétale d'importance, en comparaison de ce que furent la réduction du temps de travail (gouvernement Jospin) ou la cinquième semaine de congés payés (élection de François Mitterrand). Soucieux d'afficher une image de socialiste responsable et conscient de la gravité de la crise, François Hollande avait donc renoncé à toute promesse sociale d'envergure.

Dès les premières semaines de son mandat, il a tenu parole sur les quelques mesures annoncées durant sa campagne : augmentation du Smic de 2% dès le 1er juillet (en vérité une sorte d'à valoir sur l'augmentation légale devant intervenir le 1er janvier) ; retour de la retraite à 60 ans pour les personnes ayant effectué des carrières longues ; hausse de 25% de l'allocation de rentrée scolaire.... C'est tout ou presque.
En revanche, dans la longue lutte qu'il savait devoir mener contre le chômage, le président a rapidement fait adopter les mesures prônées durant sa campagne, à savoir le contrat de génération (secteur marchand) et les contrats d'avenir (secteur non marchand). Mais, là, il s'agit davantage de traditionnelles armes contra cycliques pour tenter d'enrayer la courbe du chômage toujours à la hausse que de véritables inclinaisons de la politique de l'emploi.

Le président a aussi respecté la méthode de travail annoncée, basée sur la concertation. D'où la multiplication des conférences sociales et autres groupes de travail (réforme du financement de la protection sociale, réforme des retraites). A cet égard, il n'a pu que se féliciter de l'accord sur l'emploi, premier pas vers une réforme du marché du travail, conclu par les partenaires sociaux le 11 janvier dernier.
Reste que sur les questions sociales, François Hollande est au pied du mur... Toutes les réformes structurelles ou systémiques, maintes fois retardées en France, sont à faire. Vraie réformes des retraites concernant tous les régimes, sinon, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR) le déficit dépassera les 20 milliards d'euros à l'horizon 2020 ; réforme de la formation professionnelle ; réforme du financement de la protection sociale, prise en compte du risque dépendance... Sans parler de l'assurance chômage (de la compétence du patronat et des syndicats mais sous haute surveillance de l'Etat) qui devrait connaître un endettement cumulé de plus de 18 milliards à la fin de 2013. Autant de chantiers que le président s'est promis d'ouvrir dès cette année. Le tout, sous la contrainte de parvenir au « zéro » déficit public en 2017.

Politique économique

Dix mois après la victoire électorale de François Hollande, que peut-on retenir de l'action de l'exécutif dans le domaine économique ?
Elle a été méthodique. Dans un premier temps, le gouvernement a demandé à Louis Gallois, chef d'entreprise respecté, aujourd'hui à la tête du Grand emprunt en charge de réaliser les investissements d'avenir de la France, de faire un audit complet de la situation de l'industrie tricolore. A quoi a servi ce énième rapport, alors qu'une vingtaine de documents traitant du sujet ont déjà  été publiés ces dix dernières années?

Dire qu'il a été soigneusement rangé dans une armoire serait faux. Ses nombreuses recommandations pour redresser la compétitivité de l'industrie n'ont pas vraiment non plus été suivies à la lettre. Alors que Louis Gallois plaidait pour un véritable choc sur le coût de travail, estimé à 30 milliards d'euros, via une baisse des cotisations sociales et patronales, le gouvernement a préféré lancer en novembre le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la principale des 35 mesures du Pacte de compétivité. Doté d'une enveloppe budgétaire de 20 milliards d'euros, ce dispositif aux contours encore flous ne pourra pas être utilisé librement, des contreparties étant réclamées aux entreprises.

La première année du quinquennat de François Hollande a également été marquée par le lancement de la Banque publique d'investissement (BPI), l'autre mesure d'envergure du Pacte de compétitivité. Regroupant dans une même holding: Oseo, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) et CDC Entreprises, ce nouvel établissement possède une puissance de feu de 42 milliards d'euros. La BPI  est organisée en six métiers : la garantie, les prêts, le financement de l'innovation et les trois métiers d'investissement en fonds propres, c'est-à-dire les fonds de fonds, l'investissement direct dans les PME et les gros tickets.

Pour soutenir les PME en difficultés, la banque plaide pour la mise en place de fonds régionaux de retournement de 20 à 25 millions d'euros, gérés par la BPI mais dotés intégralement par les conseils régionaux. Mais pour l'instant, seule la Franche-Comté s'est dotée d'un tel fonds.

Actuellement, la BPI ne fonctionne que partiellement. Elle sera pleinement opérationnelle en mai, une fois finalisé l'échange de participation entre ses deux actionnaires, l'État et la Caisse des dépôts (CDC) qui seront actionnaires à parité. Pour l'instant donc, elle n'assume que le préfinancement du CICE. Un outil de fonds propres dédié à l'export a aussi été récemment lancé.

Dans ce contexte, au regard des urgences soulevées par les dirigeants de PME notamment dans le domaine de la trésorerie, les initiatives gouvernementales ont été accueillies froidement. Quand elle ne les a pas irrités, la polémique déclenchée par le mouvement des "Pigeons" cet automne en étant l'exemple le plus fameux. Interrogés ces derniers mois dans le cadre du baromètre LCL La Tribune, les dirigeants de PME  ne sont que 15% à se déclarer satisfait de l'accord sur la sécurisation de l'emploi. Ils ne sont que 23% à avoir l'intention d'utiliser le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et 21% à se dire prêt à embaucher via le contrat de génération.

Politique européenne : le poids de "l'ami » allemand

Depuis son arrivée à l'Elysée, la politique européenne de François Hollande peine à trouver une cohérence. La volonté affichée dans les premières semaines du quinquennat de s'imposer comme un contre-pouvoir à Angela Merkel, pour bien se différencier du « suivisme » de Nicolas Sarkozy a fait long feu. Dès la fin juin 2012, Jean-Marc Ayrault affirmait abandonner l'idée des euro-obligations. Au sommet suivant, le nouveau président français abandonnait l'idée d'une réécriture du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), appelé aussi « pacte budgétaire. » A l'automne, non sans pression de l'exécutif sur les élus de la majorité, ce pacte a été ratifié par le parlement. En échange, Paris a obtenu un « pacte sur la croissance » qui prévoyait l'injection de 120 milliards d'euros dans l'économie européenne. En réalité, ce pacte regroupait de nombreuses aides déjà prévues. Contrairement à ce qui alors était promis alors, il n'y a pas eu de « mesures immédiates » et ce pacte n'a pas empêché la zone euro de plonger dans la récession.

Dans les sursauts de la crise de la dette, la France de François Hollande a eu quelques velléités de résistance face à Berlin, notamment sur l'union bancaire. Mais avec de maigres résultats : même si le principe de cette union a été accepté, sa mise en place effective a été reportée à 2014 avec des modalités qui sont encore peu claires et sur lesquelles Berlin et Paris continuent à s'opposer.

Sur le budget européen, François Hollande a dû renoncer à l'essentiel de ses prétentions devant l'alliance entre Angela Merkel et David Cameron. Même si Pierre Moscovici ne cesse de répéter qu'il ne faut pas « rajouter de l'austérité à la récession », Paris n'agit pas pour infléchir la politique européenne. Sur les affaires grecques ou chypriotes, la France a été très discrète et plutôt favorable aux positions de Berlin. Globalement, la politique européenne de François Hollande semble manquer de détermination et de cohérence.

Il est vrai également que, depuis son arrivée à l'Elysée, François Hollande est sous la pression d'une opinion publique allemande prompte à se laisser aller au « french bashing » à la veille d'une élection fédérale et pour qui il est suspect de « keynésianisme », des agences de notation qui ont dégradé la France et d'une situation financière de la France qui reste dégradée à cause du manque de croissance. Paris a dû, malgré ses assurances passées, renoncer à l'objectif de déficit public de 3 % du PIB en 2013. La marge de man?uvre de l'Elysée est donc très étroite pour peser sur le débat européen.