« Les entreprises n'ont pas eu le temps de reconstituer leurs forces après la crise de 2008 »

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  529  mots
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Dans un entretien accordé à La Tribune, Jennifer Forest, économiste à la Coface constate un léger repli des défaillances. Mais le coût de celles-ci augmente en raison de l'augmentation de la sinistralité des ETI et des grands groupes. Certains secteurs, parmi lesquels la construction et les services à la personne sont particulièrement fragiles.

Quatre ans après la crise de 2008 et le pic de défaillances observé un an plus tard, les entreprises françaises sont-elles toujours vulnérables ?

C?est en effet le cas. Si le nombre de défaillances s?est quasiment stabilisé entre mai 2012 et avril 2013, affichant même un léger recul de 0,1%, le nombre de défaillances se maintient à un niveau élevé. Il s?élève à 59.630 cas, proche du sommet de 2009. Cette année-là, 63.204 entreprises avaient fermé leurs portes

Comment expliquez-vous cette sinistralité élevée ?

La dégradation de la conjoncture européenne explique beaucoup de choses en raison de l?interdépendance des économies de l?Union. Cette vulnérabilité s?explique aussi par la répétition rapide des chocs. Les entreprises qui ont survécu à la tempête de 2009 n?ont pas eu le temps de reconstituer leurs forces. Elles sont donc plus sensibles au moindre retournement conjoncturel défavorable.

Toutes les entreprises sont-elles touchées ?

Les TPE constituent le gros du bataillon, représentant 93% des défaillances. Toutefois, on constate une augmentation des défaillances des ETI et des grands groupes. C?est assez inédit. Résultat, les coûts financiers et sociaux progressent fortement. Ainsi, le coût financier a augmenté de 2,7% pour atteindre 4,3 milliards. Sur la période, 191.183 emplois ont été détruits, contre 213.665 en 2009.

Sur le plan sectoriel, que constatez-vous ?

La construction souffre particulièrement, comme en atteste la chute récente des mises en chantier. Celles-ci ont reculé de 11,2% au premier trimestre. Les entreprises du secteur concentrent un tiers des défaillances totales ! Le secteur des services et en particulier des services à la personne est aussi à la peine, avec pour symbole les redressements judiciaires de Domaliance et d?Amapa. La réduction des avantages fiscaux liés à l?aide à domicile explique en partie les difficultés du secteur.

Certains secteurs résistent-ils mieux que d?autres ?

Ils sont malheureusement peu nombreux. On peut citer le textile-habillement qui voit le nombre des défaillances baisser de 2,4% mais dont le coût augmente de 6,6%. Le secteur du papier-bois est également épargné. On ne constate que 1.607 défaillances, un chiffre en baisse de 15,1% sur un an. Toutefois, ce secteur doit être surveillé de près, la filière emballage anticipant un recul de ses ventes.

Ces statistiques ne sont pas très optimistes. Distinguez-vous quelques facteurs qui pourraient accélérer prochainement la sortie de crise ?

A court terme, seule une amélioration de la conjoncture européenne et mondiale pourrait redonner un peu d?air aux entreprises françaises, à condition qu?elles s?intègrent davantage au commerce mondial. La France compte trop peu d?entreprises exportatrices, à peine 115.000 sur 3 millions d?entreprises. En conséquence, leur activité dépend essentiellement du dynamisme de la consommation. Or, celle-ci pourrait baisser cette année, affectée notamment par la hausse du chômage.

A plus long terme, il faut continuer d?engager des réformes structurelles dans le domaine réglementaire et fiscal pour permettre aux entreprises tricolores de se développer plus rapidement qu?elles ne le font aujourd?hui. La compétitivité de l?économie française en dépend.