Transparence : et si les assistants parlementaires sortaient de l'ombre ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  628  mots
Copyright Reuters
Les députés devront peut-être bientôt dévoiler les noms ainsi que les activités professionnelles de leurs collaborateurs. C'est l'objet d'un amendement du projet de loi sur la transparence de la vie publique décortiqué par Médiapart.

Ce serait une première. Outre leurs activités ou rémunérations annexes, les parlementaires pourraient bientôt être tenus de dévoiler l'identité ainsi que les activités professionnelles de leurs collaborateurs. C'est en tout cas ce que préconise le dixième alinéa de l'un des amendements du projet de loi sur la transparence de la vie publique décortiqué par Médiapart et qui doit être discuté cette semaine à l'Assemblée nationale.

2.400 assistants et collaborateurs de l'Assemblée nationale

La question posée par Jean-Jacque Urvoas, rapporteur PS du texte sur la transparence, le 4 juin en commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République braque donc les projecteurs sur cet "objet caché de la République", ces 2.400 petites mains de l'ombre aussi indispensbales au quotidien qu'inexistantes aux yeux de l'institution:

J'attire votre attention sur le 10°, qui prévoit de mentionner dans la déclaration l'identité et les éventuelles activités professionnelles des collaborateurs du député concerné. En effet, les collaborateurs parlementaires, qui jouent un rôle indispensable au sein de cette maison, sont aujourd'hui dépourvus de statut. Or, selon le rapport remis par notre collègue Christophe Sirugue au Bureau de l'Assemblée nationale, certains d'entre eux, en raison de la précarité de leur situation - lorsqu'ils sont employés à temps partiel -, exercent une activité privée. Il me paraît donc important que les parlementaires fassent valoir leur responsabilité d'employeur et en soient informés.

Ces collaborateurs de l'ombre posent le problème d'éventuels conflits d'intérêts

La question du lobbying se pose. Selon René Dosière, 30 à 40% de collaborateurs parlementaires sont employés par des entreprises privées. "C'est certes leur droit mais dans la mesure où ils participent aussi à la rédaction d'amendements sur des sujets pouvant toucher à l'activité même des entreprises, on voit bien le risque de conflit d'intérêts: en reprenant à son compte les amendements que son collaborateur lui suggère, un parlementaire pourrait être amené à défendre à son insu les intérêts d'une société privée", explique le député PS de l'Aisne.

De son côté, le vice-président de l'Assemblée nationale Christophe Sirugue, également président de la délégation chargée des représentants d'intérêts et des groupes d'études, avait en effet soulevé le problème des conflits d'intérêts dans un rapport présenté fin février au Palais Bourbon : "la déontologie des personnes assistant les parlementaires, qu'ils soient collaborateurs ou fonctionnaires. Il peut ainsi arriver qu'un collaborateur exerce, à côté de son contrat de collaborateur, une fonction rémunérée par des représentants d'intérêts. De même, les collaborateurs, comme les fonctionnaires, sont parfois sollicités pour assister à des présentations par des lobbies, sans être suffisamment alertés de la teneur des intérêts qui y sont défendus".

Les parlementaires emploient parfois des proches voire des parents

Enfin, cet amendement permettrait de pointer du doigt l'indéniable précarité qui touche ces assistants. "Beaucoup d'entre eux sont dans une précarité imposée par l'employeur. "Depuis quarante ans que la fonction existe, il n'y a eu aucun progrès", déplore Jean-Jacques Urvoas. Et pour cause, chaque député dispose d'une enveloppe de 9 138 euros bruts. Sachant que ce "crédit collaborateurs", lui permet d'indemniser les personnes qui l'entourent (cinq collaborateurs maximum). Cet amendement permettrait donc de revoir la situation de ces assistants parfois payés au lance-pierre - certains gagnent le Smic - ou qui sont parfois des membres de la famille du député qui les emploie. Un pas de plus vers la transparence de la vie publique ?