Elections prud'homales : chronique d'une mort annoncée

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  706  mots
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Le ministère du Travail planche actuellement sur une réforme du scrutin prud'homal. L'actuelle élection au suffrage unviersel direct semble condamnée en raison de son coût élevé et de la réforme intervenue de la mesure d'audience de la représentativité syndicale. A l'avenir, les quelque 15.000 juges prud'homaux pourraient être élus par des "grands électeurs" ou désignés en fonction de l'importance de chaque organisation patronale et syndicale.

Le scrutin prud'homal est-il mort ? Sans doute, en tout cas dans sa forme actuelle, fondée sur le scrutin universel direct à la proportionnelle à un tour. Le ministère du Travail planche sur une évolution de cette « institution » qui a du plomb dans l'aile comme l'atteste l'évolution du taux d'abstention dans le collège « salariés » qui est passé de 37% en 1979 à ... 74,5% en 2008, année du dernier scrutin. Il apparaît que faire voter près de 20 millions de salariés du privé tous les cinq ans devient de plus en plus lourd à gérer.

Un coût de plus de 91 millions d'euros

Les communes, notamment, qui se doivent de mettre à disposition des locaux pour permette la consultation rechignent à exercer cette tâche. Et il y a aussi la question du coût du scrutin. En 2008, la dernière élection à coûté 91,5 millions d'euros pour 4.920.428 votants, soit 18,70 euros le suffrage !!! Par ces temps de disette budgétaire, il y a peut-être là quelques économies à réaliser.

L'impact de la réforme de la représentativité syndicale

Mais, il y a une autre raison, à ce futur changement : la réforme de la mesure d'audience de la représentativité syndicale et patronale. Celle-ci est quasi effective depuis le printemps dernier. Désormais, pour apprécier la représentativité syndicale, c'est-à-dire le « poids » de chaque syndicat, on tient compte des élections professionnelles intervenues dans les entreprises. Au niveau de la branche professionnelle, les résultats des élections dans les entreprises sont agglomérés et les syndicats qui ont dépassé un total de 10% des suffrages sont considérés représentatifs.

Au niveau national, ce seuil de représentativité a été fixé à 8% des suffrages. A noter qu'un scrutin spécifique pour mesurer l'audience syndicale (le premier s'est tenu fin 2012) est organisé dans les très petites entreprises qui n'ont pas de représentation du personnel.

Côté patronal, le gouvernement a laissé aux organisations professionnelles jusqu'à l'automne pour présenter leurs propres nouvelles règles d'appréciation de la représentativité. Faute de quoi, le ministère du travail reprendra la main.

Vers une élections par un collège de « grands électeurs »...

A la différence d'il y a encore quelques années donc, le scrutin prud'homal ne sert plus à mesurer l'audience syndicale au niveau national. Dans ces conditions, pourquoi le maintenir dans sa forme actuelle?

Mais il y a urgence à trouver un modèle alternatif. Normalement, le prochain scrutin pour élire les près de 15.000 juges prud'homaux (salariés et employeurs) aurait dû se tenir à la fin de cette année. Or, il y a plus de deux ans, déjà, l'échéance a été repoussée au plus tard au 31 janvier 2015. Or vu les délais nécessaires pour la préparation des opérations, le temps commence à presser.  Quelles pistes explore le gouvernement ? Sur la base d'un rapport commandé sous le quinquennat précédent, plusieurs scénarios sont à l'étude. Il pourrait s'agir d'organiser un scrutin au suffrage universel indirect, un peu sur le modèle existant pour élire les sénateurs. Concrètement, les juges prud'homaux serait élus par un collège de « grands électeurs », par exemple les délégués du personnel ou les élus des comités d'entreprise ou encore l'ensemble de ces élus, toutes instances confondues. Mais il serait plus difficile de déterminer un tel collège de grands électeurs dans le camp patronal.

... ou des juges nommés en fonction de la représentativité de chaque organisation ?

Autre piste, les conseils prud'homaux seraient nommés en fonction du « poids » de représentativité de chaque organisations professionnelles. Dans ce cas, la CGT nommerait 26,77% des juges prud'homaux, la CFDT 26%, FO 15,94%, la CFTC 9,30%, la CFE-CGC 9,43%, l'Unsa 4,56% et Solidaires (SUD) 3,47%. Dans le camp patronal, il conviendra d'attendre les résultats de la réforme de la représentativité, sachant que le régime d'élection entre les collèges salariés et employeurs doivent être le plus identique possible pour respecter le principe d'égalité.

Au ministère de trancher. Mais une chose est certaine, la justice prud'homale continuera d'être une justice non professionnelle au sens où elle ne sera pas exercée par des magistrats en titre.