Auto-entrepreneurs : bientôt la fin des incertitudes ?

Par Fabien Piliu  |   |  877  mots
Sylvia Pinel devra bientôt trancher sur l'avenir de l'entreprise individuelle
Laurent Grandguillaume, le député PS de la Côte d’Or a rendu un rapport d'étape sur l'entrepreneuriat individuel au gouvernement. Il propose notamment d'harmoniser les nombreux statuts.

Ce serait dommage. Jusqu'ici, la création d'entreprises résistait tant bien que mal aux aléas de la conjoncture. Jusqu'ici ? Les statistiques publiées cette semaine par l'Insee témoignent d'un essoufflement de l'entrepreneuriat. En effet, selon les dernières données de l'Insee communiquées ce jeudi, les créations d'entreprises ont à nouveau reculé, de 0,7%, entre septembre et octobre. Sur les douze derniers mois, le repli est de 4,3 %. Les créations d'entreprises s'élèvent à 456.370 sur les dix premiers mois de 2013, dont 234.753 en auto-entreprises dont le nombre s'est effondré de 11,5% !

Plus de trois milliards de recettes fiscales pour l'Etat depuis 2009

Comment expliquer cette « panne » de l'auto-entrepreneuriat ? Le gouvernement a-t-il une responsabilité dans la désaffection de ce régime social qui a déjà séduit plus d'un million e Français, généré plus de 15 milliards de chiffres d'affaires et permis à l'Etat d'engranger plus 3 milliards de recettes fiscales supplémentaires ? Probablement. Dès le début de la campagne présidentielle, à la recherche des votes des artisans diront les mauvaises langues, le candidat Hollande s'était prononcé en faveur d'une remise en cause de ce régime simplifié en vigueur depuis le 1er janvier 2009 au motif qu'il entraînait des distorsions de concurrence.

Après son élection, ce fut au tour de Michel Sapin, le ministre du Travail et de Sylvia Pinel, la ministre de l'Artisanat de remettre en cause l'auto-entreprise. Pour y voir plus clair, cette dernière a commandé un rapport à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générales des affaires sociales (IGAS) dont les conclusions publiées en avril recommandaient le statu quo.

Volte-face de la ministre

Sous la pression des artisans, notamment dans le bâtiment, Sylvia Pinel a préféré laisser de côté les recommandations de l'IGAS-IGF pour élaborer son projet de loi qui fut présenté en août. Celui-ci prévoyait initialement de limiter les seuils de chiffre d'affaires pour contraindre les grosses auto-entreprises à changer de statut.

La révolte estivale des Poussins a obligé la ministre à revoir sa copie. Le texte prévoit désormais que les seuils de chiffre d'affaires seraient fixés par décret pour chaque catégorie d'activité. Ce seuils seraient fixés après l'adoption de la loi dont le vote est attendu en début d'année.

Un nouveau rapport

Le dossier est-il clos ? Pas encore, ce qui ajoute à la confusion des auto-entrepreneurs potentiels qui peuvent légitimement se demander à quelle sauce ils seront mangés s'ils optent pour ce régime. En effet, Matignon a demandé en septembre à Laurent Grandguillaume, le député PS de la Côte d'Or de rédiger un rapport sur l'entrepreneuriat individuel. Un rapport d'étape a été remis jeudi à Sylvia Pinel. Il recommande d'unifier les différents statuts qui coexistent aujourd'hui pour définir l'entreprise individuelle, c'est à dire l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), l'entreprise individuelle (EI) et la SARL à gérance majoritaire. Cette simplification permettrait aux cotisants au régime social des indépendants (RSI), qui regroupe aussi bien des professions libérales que des artisans ou des commerçants, de se retrouver dans la même catégorie. "Cette proposition est depuis longtemps réclamée par les artisans", rappelle le député à La Tribune.

Egalité de traitement devant l'impôt

Le député recommande également la fusion du régime fiscal et social de l'auto-entrepreneur et celui de la micro-entreprise. Aujourd'hui, les micro-entrepreneurs bénéficient d'un statut fiscal simplifié hors champ de TVA jusqu'à un certain seuil de chiffres d'affaires, 81.500 ou 35.600 euros selon le type d'activité."Si cette proposition est retenue, la question de la limitation des chiffres d'affaires et dans le temps, ne se pose plus", indique Laurent Granguillaume.

Restera alors à régler un autre problème. En effet, les microentrepreneurs cotisent au RSI et ce, même si leur chiffre d'affaires est nul. Ce qui n'est pas le cas des auto-entrepreneurs. Dans un souci de cohérence, le député juge logique que les micro et les auto-entrepreneurs ne cotisent qu'à partir du moment où ils réalisent un chiffre d'affaires.

Un dossier clos en décembre ?

Ce rapport d'étape évoque également la nécessité de distinguer les bénéfices du salaire. En effet, actuellement, les travailleurs indépendants sont soumis à l'impôt sur le revenu pour l'ensemble de leurs bénéfices, considérés comme du salaire. Même si une partie est réinvestie dans l'entreprise ! Cette partie réinvestie pourrait être imposée sur un barème plus favorable que celui de l'impôt sur le revenu. Alain Griset, le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) est plutôt favorable à ces mesures qui assurent un traitement équitable dans le domaine fiscal à tous les entrepreneurs individuels. "Tous les artisans doivent accéder au statut le plus simple possible, à l'image de celui dont bénéficient les auto-entrepreneurs", explique-t-il. "Mais ce n'est qu'un rapport d'étape. On ne sait pas ce que contiendra le rapport final, ni ce que retiendra la ministre", indique-t-il. Le rapport final du député sera remis au gouvernement en décembre. Viendra alors l'heure de trancher.