Transmission d’entreprise aux salariés : et si Benoît Hamon avait raison ?

Par Fabien Piliu  |   |  642  mots
Benoît Hamon souhaite favoriser le rachat des entreprises par leurs salariés
Une étude économétrique du Trésor dévoilée ce vendredi indique que les transmissions d’entreprises aux salariés auraient de nombreuses vertus. Ce ne serait pas toujours le cas des transmissions réalisées dans le cadre familial.

Le Trésor donnerait-il raison à Benoît Hamon, le ministre de l'Economie sociale et solidaire (ESS) ? Son étude est en effet une pierre dans le jardin du patronat qui se déchaîne contre les articles 14 et 15 du projet de loi sur l'Economie sociale  voté la semaine dernière en première lecture par le Sénat. Ceux-ci prévoient d'imposer un délai de deux mois avant la cession d'une petite entreprise afin que les salariés puissent déposer une offre de reprise.

Après avoir compulsé la littérature sur le sujet de la transmission d'entreprises, une étude publiée ce vendredi par le Trésor conclut en effet que

"la participation accrue des salariés [aux projets de reprise] pourrait être bénéfique à l'entreprise sur les plans économique et organisationnel puisqu'elle constituerait un moyen efficace de réconcilier, d'une part, le souhait des salariés de pouvoir influer sur la vie de leur entreprise dans un environnement incertain et instable et, d'autre part, la mission de l'employeur qui fait face à une pression continuelle pour rester compétitif, réduire les coûts et optimiser le processus de production tout en devant attirer, déployer et retenir une main d'œuvre qualifiée".

Un « gâchis de talent »

En revanche, les transmissions dans le cadre familial seraient moins heureuses. Il existerait en effet un effet négatif évident du management héréditaire sur la profitabilité de l'entreprise. Citant l'ouvrage de Thomas Philippon publié en 2007, le Trésor avance que

"le contrôle familial de l'actionnariat n'a pas de conséquences économiques trop néfastes, et peut même s'avérer globalement positif, le moindre dynamisme des entreprises familiales étant compensé par un contrôle efficace sur le dirigeant et une plus grande stabilité de l'emploi. En revanche, la transmission héréditaire du management serait beaucoup plus dommageable sur le plan économique, car elle entraînerait un gâchis de talent préjudiciable à la performance et au développement de l'entreprise, ainsi que des guerres de succession paralysant la prise de décision au sein de l'entreprise".

La reprise d'entreprise ne suscite guère l'enthousiasme

Ce sujet est majeur. Selon le Trésor,

"de 700.000 à 900.000 entreprises pourraient avoir à changer de main entre 2000 et 2020. Or, la transmission d'entreprises semble une pratique en déclin. Le taux de reprise observé dans les statistiques de créations d'entreprises a baissé tendanciellement dans la plupart des secteurs de l'économie, alors que les créations pures ont connu une progression dynamique. Les entrepreneurs seraient donc de plus en plus tentés par la création d'une nouvelle entreprise plutôt que par la reprise d'une entreprise existante. Pourtant, les projets de reprise demeurent moins risqués, leur taux de survie à cinq ans s'élevant à 60 % environ contre seulement 50 % pour les projets de création pure".

Chaque année, 50.000 emplois seraient détruits selon le ministre

 

Pour mémoire , le dispositif Hamon concerne les entreprises de moins de 50 salariés, qui représentent 98% des 2,5 millions d'entreprises du pays. Les ETI de plus de 250 salariés et les grandes entreprises ne sont pas concernées. Les entreprises dont les ayants droit peuvent prétendre au rachat et celles qui se trouvent en redressement ou liquidation judiciaire sont également exclues de ce dispositif.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés où existe un comité d'entreprise (CE), la loi prévoit de créer une obligation d'information de tous les salariés parallèlement à la transmission au comité d'entreprise du projet de cession.

"Chaque année, 50.000 emplois sont détruits dans des entreprises qui ne trouvent pas de repreneurs alors qu'elles sont en bonne santé, on ne peut pas se permettre de gaspiller un tel potentiel", avait déclaré Benoît Hamon en juillet dans la foulée de la présentation du texte en Conseil des ministres.