L’auto-entrepreneuriat séduit-il encore ?

Par Fabien Piliu  |   |  752  mots
Sylvia Pinel, le ministre de l'Artisanat et du Commerce devra bientôt trancher sur le régime de l'auto-entreprise
Le nombre d’auto-entreprises a reculé de 8,1% entre septembre et novembre. Sur un an, il a chuté de 11,9%. Comment expliquer cette tendance ?

L'auto-entreprise a-t-elle encore la cote ? Au regard des statistiques dévoilées ce vendredi par l'Insee, la question semble légitime. Certes, les auto-entreprises constituent l'essentiel des bataillons d'entreprises individuelles nouvelles créées. Au cours des onze premiers mois de l'année 2013, 256.603 auto-entreprises ont été enregistrées, sur 353.241 entreprises individuelles. Ce chiffre est à comparer 497.955 entreprises nouvelles, toutes formes confondues, ayant vu le jour sur la période.

Mais le nombre d'auto-entreprises a reculé de 8,1% entre septembre en novembre. Sur un an, la chute est encore plus sévère puisqu'elle atteint 11,9% en novembre.

Un dispositif pour « travailler plus pour gagner plus »

Petit rappel, le régime social de l'auto-entreprise, dernier symbole du « travailler plus pour gagner plus » est un dispositif allégé en matière de règlementation sociale et fiscale, via une franchise de TVA et un calcul des impôts sur le montant du chiffre d'affaires. Il permet aux salariés, qu'ils appartiennent au secteur privé ou qu'ils soient fonctionnaires, aux chômeurs, aux retraités et aux étudiants, de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus.

Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel

Comment expliquer cette tendance ? Deux éléments peuvent être avancés. D'une part, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. Depuis la création de régime en 2011, les statistiques portant sur la création d'auto-entreprises sont fulgurantes. Mais cette croissance exponentielle ne peut se prolonger indéfiniment. Selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), 914.000 auto-entrepreneurs étaient recensés à la fin août 2013 en France, soit 90.000 de plus qu'en fin 2012.

Ce chiffre impressionnant doit toutefois être relativisé car, selon l'Agence, 53 % seulement des auto-entrepreneurs inscrits sont « économiquement actifs », soit 465.512 auto-entrepreneurs. Ils ne sont que 22 % à avoir facturé moins de 1.500 euros sur le deuxième trimestre 2013, soit moins de 500 euros par mois.

Un rapport aux oubliettes

Les atermoiements du gouvernement sur l'avenir de ce régime peuvent aussi expliquer ce renversement de tendance. Lors de la campagne présidentielle, le candidat Hollande avait estimé qu'étaient « apparues à l'expérience des limites voire des dérives ». Son objectif était de parvenir à une amélioration du régime permettant de limiter la concurrence jugée déloyale par les artisans, d'augmenter ses recettes fiscales et de favoriser la transformation des auto-entreprises en entreprises à part entière (SARL, EIRL…). Il avait toutefois précisé qu'il ne souhaitait pas sa suppression.

Depuis, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection des finances (IGF) qui plaidait pour le statu-quo a été jeté aux oubliettes, Sylvia Pinel, la ministre du Commerce et de l'Artisanat a dévoilé un projet de loi très discuté qui a provoqué la révolte des « Poussins ».

Le texte initial prévoyait de limiter les seuils de chiffre d'affaires pour contraindre les auto-entreprises les plus actives à changer de statut. La ministre ayant revu sa copie, le texte prévoit désormais que les seuils de chiffres d'affaires seront fixés par décret pour chaque catégorie d'activité. Ce seuils seraient fixés après l'adoption de la loi dont le vote est attendu en début d'année.

Sauf que cette loi pourrait être une nouvelle fois modifiée si les recommandations du rapport du député Laurent Grandguillaume sur l'entrepreneuriat individuel actuellement en cours d'élaboration sont retenues.

Unifier les statuts

Son rapport d'étape, remis le 14 novembre, recommande notamment d'unifier les différents statuts qui coexistent aujourd'hui pour définir l'entreprise individuelle, c'est-à-dire l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), l'entreprise individuelle (EI) et la SARL à gérance majoritaire.

Cette simplification permettrait aux cotisants au régime social des indépendants (RSI), qui regroupe aussi bien des professions libérales que des artisans ou des commerçants, de se retrouver dans la même catégorie. Le député recommande également la fusion du régime fiscal et social de l'auto-entrepreneur et celui de la micro-entreprise.

Actuellement, les micro-entrepreneurs bénéficient d'un statut fiscal simplifié hors champ de TVA jusqu'à un certain seuil de chiffres d'affaires, 81.500 ou 35.600 euros selon le type d'activité. Si cette proposition est retenue, la question de la limitation des chiffres d'affaires et dans le temps, ne se posera donc plus.

Le rapport final sera rendu le 17 décembre

Reste une question : quelles seront les propositions formulées par le député qui seront retenues. Selon nos informations, Laurent Grandguillaume rendra son rapport final mardi prochain, le 17 décembre, à Sylvia Pinel.