Supprimer des départements : bon courage, M.Hollande

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  1033  mots
En annonçant la suppression de départements, François Hollande a lancé son gouvernement dans un dossier complexe. Rien à voir avec la question des régions, beaucoup plus simple en comparaison

 François Hollande, essentiellement avec la suppression des départements dans les métropoles, a lancé son gouvernement dans un dossier d'une rare complexité technique. Mais il devait trouver le bon moment affirmer une volonté forte : le Conseil Constitutionnel menace en effet la loi sur les métropoles (en particulier à Lyon) et le débat parlementaire sur la deuxième partie de la décentralisation s'annonce difficile. Quitte à ce que rien ne soit fait avant longtemps, même dans la petite couronne parisienne

François Hollande a trouvé le bon moment médiatique

 Donc, en présentant ses vœux aux corps constitués le 7 janvier, il a soigneusement « trappé » la partie de son texte sur la suppression des départements dans les métropoles et la réduction du nombre de régions. L'annonce était prévue ce jour là, le Président a préféré, à la lecture, trouver un meilleur moment médiatique. La ministre en charge Marylise Lebranchu l'a donc appris, comme tout le monde, lors de la conférence de presse de mardi dernier. Elle ne s'y attendait pas pour ce jour là même si Jean Marc Ayrault lui en avait déjà parlé début décembre : en préparant la discussion à l'Assemblée Nationale sur la Métropole du Grand Paris, il lui avait en effet demandé de pas soutenir l'amendement du député Alexis Bachelay sur la suppression des 4 départements de Paris et de la petite couronne «mais, avait il rajouté, que la décision politique était prise, cela se ferait de toute façon».

 Pour les régions, un agenda techniquement simple

Et, depuis mardi, Marylise Lebranchu a hérité de la patate chaude. Pour les régions l'agenda est politiquement complexe mais techniquement simple. Une lettre modificative va être adressée au Conseil d'Etat pour modifier la discussion parlementaire sur le deuxième volet de l'acte de décentralisation qui, justement, porte sur les régions et va atterrir bientôt au Parlement. Ce seront donc les parlementaires qui vont discuter de l'annexion de la Picardie par l'Ile de France ou de celles du Poitou Charentes et du Limousin par l'Aquitaine (pour revenir à la grande région d'Aliénor d'Aquitaine, vieux rêve de Jean Pierre Raffarin !).

Les départements, un sujet beaucoup plus complexe

Pour les départements, c'est beaucoup plus compliqué car toute introduction d'un amendement parlementaire sur les départements dans un débat sur les régions serait probablement retoqué par le Conseil constitutionnel. Reste donc la construction probable d'une nouvelle usine à gaz dont Marylise Lebranchu devrait être la patronne.

A charge pour elle de consulter et élaborer un texte d'ici un an… ou peut être plus en ce qui concerne principalement les Hauts de Seine, le Val de Marne, Paris et la Seine Saint Denis. L'Elysée et Matignon sont en effet d'accord pour ne pas troubler les élections cantonales et sénatoriales de 2014 ou les socialistes risquent de perdre leur toute frêle majorité.

Rien avant le printemps 2015

Pas question non plus de troubler la mission de préfiguration de la Métropole du Grand Paris conduite, elle, par la préfecture et Paris Métropole. Donc, rien avant le printemps 2015, si ce n'est un an et demi de polémiques et de guéguerres politiciennes probables. Et au printemps on réunira le rapport Lebranchu sur la petite couronne et les résultats de la mission de préfiguration pour créer, au 1er janvier 2016, la Métropole de Paris.

Peu de compétences en dehors des questions nationales

 Car la suppression des départements n'est pas chose aisée: supprimer les 40 élus de chaque département cela prend deux secondes et ne rapporte rien ( 0.23% du budget des conseils généraux est consacré aux indemnités des élus). Mais le personnel c'est autre chose : d'abord parce que plus de 90% des budgets des conseils généraux sont des dépenses de politique publique (RSA et collèges) et que ces missions vont demeurer. Les départements ont peu de compétences en dehors des grandes politiques nationales.

Que faire des personnels?

Ensuite par ce que le statut des personnels n'est pas partout le même (même en petite couronne). Enfin parce ce que va forcément se poser la question : où vont aller, physiquement, ces personnels ? S'ils restent chacun où ils sont, la suppression des départements n'économise pas un centime. Si on les rassemble, la facture est colossale avant même que la chose fonctionne. Il n'est pas un spécialiste qui ne sache pas que le dossier technique est extraordinairement complexe, et qu'il l'est encore plus lorsque l'on se rend compte de capacité de nuisance des élus concernés par la disparition de leur département, de Jean Noël Guérini à Patrick Devedjian.

 Martine Aubry soutient Marylise Lebranchu

Martine Aubry ne s'y est pas trompé et, vraisemblablement pour soutenir son amie Marylise Lebranchu, elle a mis, dès la fin de la conférence de presse de François Hollande, le pied sur la pédale de freins : « regrouper quelques régions » pourquoi pas mais « pas supprimer les départements aujourd'hui ».

Dans les couloirs ministériels, on partage plutôt l'avis de Martine Aubry. Même si personne ne remet en cause le bien fondé de la déclaration présidentielle. Mais comme le dit un ministre : « il était vital que le Président affirme publiquement ces principes. Le Conseil Constitutionnel doit rendre le 23 janvier sa décision sur la loi Métropole. On sait que la métropole de Lyon est menacée, ce qui serait désastreux car elle constamment citée en exemple. Mais le Conseil ne peut laisser passer un texte ou Gérard Collomb va se retrouver patron de deux exécutifs, la mairie et la métropole.On sait aussi que beaucoup de choses ne plaisent pas forcément dans la Métropole de Paris. Mais le Conseil Constitutionnel, s'il statut en droit, apprécie aussi le dessein politique. Je suis sur que le Président parlait avant tout au Conseil Constitutionnel, il ne peut se permettre un accroc sur ce texte »