Guillaume Sarkozy : mieux gérer les risques, le défi de la protection sociale

Par Ivan Best  |   |  996  mots
Guillaume Sarkozy, interrogé par Philippe Mabille dans le cadre du club Entreprises La Tribune-CCIP. Photo G. Brehinier/CCI Paris Idf
Face au déficit bientôt insoutenable, il y a urgence à réformer, souligne Guillaume Sarkozy, le Délégué général de Malakoff Médéric. Il préconise une protection sociale plus active donnant un rôle accru aux assureurs dans la gestion du risque, fondée sur la constitution de réseaux de soins et une véritable politique de prévention s’appuyant sur l’entreprise.

Il y a urgence. Et, cette fois, on ne pourra pas reculer. Notre modèle de protection sociale doit être profondément revu, sous la pression du vieillissement et d'une croissance plus faible. "Et pas dans cinq ans. Il faut agir dès 2014", estime Guillaume Sarkozy, Délégué général du groupe de protection sociale Malakoff Médéric. Invité vendredi 21 février du club Entreprises La Tribune-CCI Ile de France, l'ancien vice-président du Medef en charge de la protection sociale a répondu clairement aux interrogations sur un énième report des réformes.

Si, au début des années 2000, le maintien de la protection sociale en l'état pouvait être une option, la crise est passée par là : « le PIB de la France est aujourd'hui au niveau de celui de 2007 » souligne Guillaume Sarkozy. « Si la croissance avait été de 2,5% par an au cours des six dernières années, comme on l'attendait avant la crise, nous aurions aujourd'hui un PIB plus élevé de 17,5%, avec, à la clé, autant de recettes de cotisations sociales en plus pour les régimes sociaux. C'est donc l'équivalent de 17,5 points de cotisations qui ont été perdus ».

Deux points de PIB de déficits annuels en 2020

D'où des déficits, bientôt insupportables : selon les dernières projections financières du Conseil d'Orientation des Retraites, le besoin de financement annuel du système de retraite se situerait à l'horizon 2020 entre 20 à 22 milliards d'euros pour les régimes de retraite. Avec la réforme des retraites 2013-2014, ce déficit serait ramené à 13,5 milliards mais il faudra ajouter « une quinzaine de milliards pour la maladie », selon le Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance-maladie. Soit un déficit annuel de presque deux points de PIB au début des années 2020, au moment où la France prendra de plein fouet le choc du vieillissement. « Il est évident qu'on ne va pas relever les cotisations de 17,5 points pour combler le trou », relève Guillaume Sarkozy.

Il faut donc trouver des solutions sauf à voir le modèle social sombrer dans la faillite. Bien entendu, « la Sécurité Sociale ne sera pas privatisée, il ne faut pas le faire, elle est essentielle pour organiser une redistribution dans un esprit de solidarité », répond le Délégué général de Malakoff Médéric. « Mais il faut l'adapter ». Cela passera selon Guillaume Sarkozy par une reconfiguration du rôle de l'assurance maladie, et par une implication beaucoup plus grande des assurances complémentaires santé, alors que l'Accord National Interprofessionnel (ANI) de janvier 2013 veut justement les généraliser.

Développer des réseaux de soins

Problème, selon le patron de Malakoff-Médéric, le modèle qui a été bâti, sur lequel le système fonctionne encore majoritairement, est celui de complémentaires qui paient sans aucun droit de regard : la Sécurité Sociale décide ce qui est remboursé et les complémentaires… complètent, assumant ce qui ne l'a pas été par le système public.

Les complémentaires santé voudraient donc développer les réseaux de soins, ces accords avec les professionnels de santé reposant sur la contractualisation, qui permettent à l'assuré d'avoir accès à des soins de qualité à des prix négociés et donc de réaliser des économies substantielles. « Dans l'optique, notre réseau de soins, Kalivia, permet aux assurés de payer 30% de moins, ce n'est pas rien », relève Guillaume Sarkozy. Un modèle qui pourrait être étendu à bien d'autres domaines… « sauf que la loi nous l'interdit », déplore-t-il.

Sortir du paiement à l'aveugle

Les complémentaires santé remboursent à leurs assurés des dépassements d'honoraires médicaux qui vont jusqu'à cinq fois le tarif de la Sécurité Sociale, sans savoir en quoi ils se justifient. Plus généralement, « on assure un risque sans pouvoir calculer son coût »… ce qui est évidemment gênant pour un assureur.

Ce que revendique Guillaume Sarkozy, c'est donc une capacité à gérer ce risque : cela passe selon lui par une plus grande transparence de l'information, « dans le respect de l'anonymat des assurés » - « la Caisse Nationale d'Assurance Maladie conserve par devers elle nombre de données qui pourraient être utiles pour améliorer les dispositifs de prévention, elle ferait bien de les partager » - et par la possibilité de contractualiser, pour créer un ensemble de réseaux de soins. « Notre métier, demain, passera par la constitution de plateformes, qui nous permettront de coordonner des parcours de soins. Nous jouerons un rôle d'orientation pour les assurés qui le souhaitent ».

La responsabilité de l'individu et de l'entreprise

Dans ce modèle, la Sécurité Sociale s'occuperait davantage des risques de santé les plus lourds et de ceux qui ont le plus besoin de protection. « Il faut une protection sociale co-active » dans laquelle l'individu serait reconnu et le rôle de l'entreprise renforcé. L'individu pourrait, s'il le souhaite, se faire dépister ou suivre un véritable « coaching » santé. Ces services seraient proposés par l'assureur et l'assuré pourrait y avoir accès dans son entreprise. Une telle politique serait, selon lui, gagnante à la fois pour les particuliers, les entreprises et les complémentaires santé.

Dans le cadre de l'Accord National Interprofessionnel, qui prévoit la mise place d'une complémentaire santé pour tous les salariés à compter du 1er janvier 2016, les partenaires sociaux ne pourront plus, au nom d'une branche d'activité, désigner un seul assureur, mais pourront en recommander un ou plusieurs aux entreprises adhérentes. « Il faut savoir que la désignation d'un assureur par toute une branche permet de baisser les tarifs » souligne-t-il. « Tout simplement parce que cela enlève les coûts de prospection des entreprises. ». Mais au terme d'une longue bataille juridico-législative, ces clauses de désignation ont été interdites. Cette ouverture du marché n'inquiète pas outre mesure Guillaume Sarkozy : « nous avons des réseaux de distribution pour affronter la concurrence », assure-t-il.