Vache folle : vers un non lieu ?

Par latribune.fr  |   |  588  mots
La crise de la vache folle avait généré la panique chez les consommateurs, avec ces images dérangeantes de bêtes incapables de tenir debout et de cheptels entiers abattus. Reuters
Au terme de seize ans d'investigations du pôle santé publique de Paris, le parquet a requis un non-lieu général dans un des plus grands scandales agroalimentaires français. Aux juges d'instruction de décider.

C'est maintenant aux juges d'instruction de prendre leur décision. Suivront-ils les réquisitions du ministère public? Ils vont devoir trancher dans cette affaire qui avait plombé l'industrie de la viande.

Bien au delà du scandale de la viande de cheval, la crise de la vache folle avait généré la panique chez les consommateurs, avec ces images dérangeantes de bêtes incapables de tenir debout et de cheptels entiers abattus.

Une information judiciaire lancée en 1997

Alors qu'une épidémie massive et sans précédent d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ravageait le cheptel bovin britannique, le gouvernement britannique avait reconnu pour la première fois en mars 1996 l'existence d'un "lien" possible entre la maladie bovine et l'apparition de cas d'une nouvelle forme de maladie humaine, la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), du nom des deux neurologues qui l'ont décrite presque simultanément en 1920 et 1921.

Une information judiciaire avait été lancée en 1997 après une série de plaintes, dont la première avait été déposée en juin 1996 par l'Union française des consommateurs (UFC) pour "tromperie sur la qualité substantielle d'un produit" et "falsification".

Des associations professionnelles agricoles s'étaient portées partie civile, de même que les familles de personnes décédées de la variante humaine de l'ESB.

Quatre personnes, des responsables d'usine de fabrication d'aliments pour bétail, avaient été mises en examen dans ce dossier, certaines pour tromperie ou falsification. Une des quatre est depuis décédée.

 "Déception pour les familles" 

L'enquête est désormais close. Et le parquet de Paris a requis le 19 novembre 2013 un non-lieu général, a indiqué une source judiciaire, confirmant une information du Parisien.

Pour le parquet, il n'a, d'une part, pas été démontré que les produits vendus par ces usines contenaient des protéines animales. D'autre part, aucune volonté de contourner les législations n'a pu être caractérisée chez les personnes mises en examen, selon la même source.

Sur le volet "homicides involontaires", l'un des avocats des parties civiles, Me Bernard Fau a expliqué à l'AFP : 

"Nous savions dès l'origine que ce serait très difficile car il fallait démontrer un lien de causalité certaine entre la consommation de certaines viandes et les décès. Mais l'enquête a démontré l'existence de dysfonctionnements dans les filières d'approvisionnement".

Si les juges prononçaient un non-lieu, "ce serait une déception pour les familles mais ce serait aussi se priver d'informations utiles sur des dérives dans les marchés de denrées alimentaires", a ajouté l'avocat.

"Tout ça pour ça... C'est décourageant", a estimé Alain Bazot, président d'UFC-Que Choisir, qui a fustigé "une lenteur coupable et inadmissible de la justice".

Pour le président d'Interbev (Interprofession du bétail et des viances), Dominique Langlois, "la filière a beaucoup évolué vers plus de traçabilité, de sécurité et d'identification de l'origine de la viande", même si le récent scandale de la viande de cheval dans les lasagnes au boeuf montre qu'"il faut rester vigilant".

Interrogée sur i-Télé, la magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui a longtemps instruit le dossier, a souligné la difficulté des investigations de santé publique dans des dossiers aux ramifications internationales. Elle a affirmé : 

"Ces affaires-là n'ont pas de frontières (...) Ce qu'il faudrait, c'est un procureur européen indépendant"

Elle souhaite par ailleurs la création d'un tribunal international de l'environnement et de la santé.