Le procès Bettencourt en cinq points clés

Par latribune.fr  |   |  1191  mots
Dix personnes sont poursuivies pour "abus de faiblesse", "abus de confiance", "blanchiment" ou "recel" au détriment de Liliane Bettencourt, richissime héritière de L'Oréal âgée de 92 ans. (Crédits : reuters.com)
Dix prévenus, plusieurs centaines de millions d'euros qui auraient été extorqués. Remettez au clair avec "La Tribune" les enjeux du "premier" procès ouvert ce lundi dans le cadre de l'affaire Bettencourt.

Ouverte en 2007, l'affaire Bettencourt s'est transformée au fil des années en un imbroglio tentaculaire. La Tribune remet les points sur les i du procès principal qui s'ouvre le 26 janvier à Bordeaux.

  • Les faits reprochés

Dix personnes sont poursuivies pour "abus de faiblesse", "abus de confiance", "blanchiment" ou "recel" au détriment de Liliane Bettencourt. Âgée de 92 ans, la richissime héritière de L'Oréal, dont la fortune est estimée à plus de 30 milliards d'euros (34,5 milliards de dollars selon le magazine américain Forbes), souffrait d'après une expertise psychiatrique de sénilité depuis septembre 2006.

L'état de cette femme, qui n'a été formellement placée sous tutelle qu'en septembre 2011, fera sans doute l'objet d'intenses débats pendant le procès. La veuve sera représentée par un tuteur.

  • Les dix prévenus

Parmi les dix personnes jugées en correctionnelle, divers profils sont représentés: un artiste, un expert-comptable, un entrepreneur et un ancien ministre, ainsi que trois professionnels du droit, un gardien et un infirmier.

>> DIAPORAMA Procès Bettencourt : les protagonistes de l'affaire

  • Jugé pour "abus de faiblesse" et "blanchiment", le photographe (mais aussi peintre, dessinateur, écrivain et acteur) François-Marie Banier a bénéficié de plusieurs centaines de millions d'euros de largesses de Liliane Bettencourt, sous forme d'assurances-vie, donations, dons manuels et œuvres d'art. Pour chacun de ces délits, il risque au maximum trois ans de prison et 375.000 euros d'amende.
  • Martin d'Orgeval, avec qui François-Marie Banier est pacsé, a aussi reçu 1,7 million d'euros en tableaux et 1,4 millions d'euros en photos. Il est poursuivi pour les mêmes chefs d'accusation que son compagnon.
  • Le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, ex-expert comptable, qui était rémunéré 800.000 euros par an, a en plus profité d'une donation de 8 millions d'euros et aurait encore reçu 4 millions en espèce. Il est également accusé d'"abus de faiblesse" et de blanchiment".
  • L'ancien ministre du Budget puis du Travail Eric Woerth est poursuivi pour "recel" d'une somme qu'il aurait reçue en 2007, lorsqu'il était trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy, de Patrice de Maistre. On lui reproche d'avoir encaissé 50.000 euros et autres "montants indéterminés".
  • Stéphane Courbit, homme d'affaires de l'audiovisuel , aurait poussé la milliardaire à investir 143 millions d'euros dans son holding de jeux en ligne en décembre 2010. Il est poursuivi pour "abus de faiblesse".
  • Pascal Wilhem, avocat de Courbit et "mandataire de protection future" désigné  de la vieille dame, a facilité cette dernière transaction. Il est donc poursuivi pour "complicité d'abus de faiblesse".
  • Également renvoyé en correctionnel pour ce chef d'accusation, le notaire Patrice Bonduelle aurait contribué à la mise en place du mandat de protection future au profit de Pascal Wilhem en 2010.
  • L'infirmier à la retraite Alain Thurin entré au service de la vieille dame en 2009, non seulement recevait un salaire exorbitant, mais a aussi bénéficié d'une donation couchée sur testament de 10 millions d'euros. Poursuivi pour "abus de faiblesse", l'homme aurait tenté de se suicider la veille de l'ouverture du procès et est désormais "entre la vie et la mort", selon une source policière.
  • Carlos Vejarano, qui entretenait une île des Seychelles appartenant aux Bettencourt, aurait détourné 3,4 millions d'euros. Renvoyé pour "abus de faiblesse" et "abus de confiance", il encourt trois ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende pour chacun de ces délits.
  • Jean-Michel Normand est poursuivi pour "complicité d'abus de faiblesse". L'ancien notaire a enregistré plusieurs modifications du testament de Liliane Bettencourt ainsi que des dons, notamment au profit de François-Maria Banier.

Certains de ces prévenus ont déjà restitué une partie des libéralités reçues. François Maria-Banier a notamment renoncé à un contrat d'assurance-vie d'une valeur de 262 millions d'euros. Stéphane Courbit a restitué à la famille Bettencourt les fonds investis dans son holding. Ces gestes n'arrêtent toutefois pas les poursuites: ils pourront seulement diminuer l'éventuelle condamnation à payer des dommages et intérêts aux parties civiles, à savoir la fille et les deux petits-enfants de Liliane Bettencourt.

  • Les juges

Le procès, dont la durée prévue est de cinq semaines, se tient devant les trois juges du Tribunal de grande instance de Bordeaux.

La juridiction bordelaise a été désignée le 17 novembre 2010 par décision de la Cour de cassation dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Le transfert de l'ensemble des dossiers de l'affaire de Nanterre, où avait été déposée la première plainte, à Bordeaux avait été demandé en raison des dissensions entre les magistrats saisis du dossier.

  • Les dates principales

2007: L'affaire commence, sous la forme d'un conflit familial. Une plainte est déposée à Nanterre par Françoise Bettencourt-Meyers, fille unique de l'héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, contre le photographe François-Marie Banier avec à l'appui des enregistrements clandestins réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par le majordome, Pascal Bonnefoy.

2012: Eric Woerth est mis en examen et Patrice de Maistre en détention provisoire pendant trois mois.

2013: Le dossier prend un aspect politico-financier, avec la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour "abus de faiblesse", sur fond de soupçons de financement de campagne électorale. L'ancien chef de l'État bénéficie la même année d'un non-lieu, bien que les juges bordelais pointent son "comportement manifestement abusif". S'il aurait bien "sollicité un soutien financier illégal", le parquet n'est en effet pas parvenu à démontrer "de mises à disposition d'espèces". Dix des onze autres mis en examen sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bordeaux.

  • Les autres procès

  • De nombreuses contre-plaintes pour dénonciation calomnieuse ont été déposées dans le cadre de l'affaire. Celles de François Marie-Banier et de Patrick de Maistre ont abouti à la mise en examen en novembre 2014 de Claire Thibout, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, dans le cadre d'une procédure distincte pour faux témoignages. Cette dernière, qui est le principal témoin à charge par rapport aux accusations d'"abus de faiblesse", n'est donc plus à présent tenue de jurer et de dire la vérité. Cette procédure risque donc d'être invoquée lors du début du procès à Bordeaux pour demander le renvoi de ce dernier.
  • Un autre volet "trafic d'influence" de l'affaire Bettencourt sera jugé à Bordeaux du 23 au 25 mars. Il y sera discuté de la remise de la Légion d'honneur par Eric Woerth à celui qui était également l'employeur de sa femme, Patrice de Maistre.
  • Un volet "violation du secret professionnel" sera encore jugé dans la même ville les 8 et 9 juin, où comparaîtra la juge d'instruction de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez.
  • Dans un autre volet pour "atteinte à la vie privée", l'ex-majordome Pascal Bonnefoy et cinq journalistes comparaîtront à Bordeaux à une date encore indéterminée.
  • Les écoutes-pirates réalisées en 2009 et 2010 par le majordome Pascal Bonnefoy, en partie divulguées dans la presse, ont par ailleurs mis au jour des comptes en Suisse et des acquisitions de la milliardaire qui lui ont valu en 2011 un redressement fiscal de grande ampleur.