Le numérique embauche, mais manque de candidats

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  557  mots
Le numérique est dans une situation totalement atypique dans un marché de l'emploi français sinistré.
Les métiers du numérique ne sont pas assez attractifs. Cela apparaît dans le premier baromètre des métiers du numérique de Cap Digital : les offres d’emploi explosent, mais les candidatures ne suivent pas forcément.

« On a de la peine à vendre nos métiers, de la difficulté à attirer les jeunes. En fait, comme nous n'avons pas de vrais référentiels de métiers, personne ne comprend vraiment ce que l'on propose». Stéphane Distinguin, patron de Fabernovel et président de Cap Digital, révèle une situation totalement paradoxale : la demande de développeurs informatiques a progressé de 19% en 2014, ce sont des métiers bien payés dans un secteur en croissance où, dans la plupart des cas, on est contacté 4 mois avant même la sortie de sa formation. Et dans pratiquement tous les cas c'est un CDI.

Pourtant, on manque de candidats. On manque également d'administrateurs, alors que les offres ont progressé de 28% en un an. Seuls les métiers d'analyse de l'information, ceux du Big Data (30% de demandes en plus), arrivent à trouver suffisamment de candidats.

Ne pas laisser s'échapper les talents

C'est l'un des constats du premier « Baromètre des métiers du numérique » élaboré par le pôle de compétitivité Cap Digital avec la société de recrutement Multiposting. Ce baromètre trimestriel doit saisir le plus rapidement possible les tendances de l'emploi  numérique, comme l'explique Stéphane Distinguin:

«Il doit permettre à nos entreprises membres de recruter mieux et d'être en avance. L'essentiel dans le numérique c'est la recherche de talents : plus les entreprises sont dématérialisées, plus elles ont besoin de talents. Et dans certains métiers, il faut aller très très vite : un développeur qui aujourd'hui ne trouve pas un travail immédiatement en Île-de-France s'envole vers la Silicon Valley.  Là-bas les stages de pré-embauche sont au maximum de trois mois et ils sont rémunérés 10 000 $ ! Si les entreprises françaises ne vont pas très vite elles perdent les talents et nous ne pouvons plus nous le permettre ».

Le numérique ne sait pas se vendre

Le numérique est dans une situation totalement atypique dans un marché de l'emploi français sinistré. Simon Bouchez, le patron de Multiposting qui a diffusé plus d'un million d'offres d'emploi dans le numérique sur la seule année 2014, montre via ce baromètre que toutes les grandes familles de métiers du numérique sont en très forte croissance : la plus faible étant celle des chefs de projets avec quand même 15% d'un an sur l'autre. « Mais, ajoute-il, il y a un réel décalage, entre l'offre et la demande ».

Stéphane Natkin, titulaire de la chaire des systèmes multimédias au CNAM, connaît parfaitement tous les problèmes de formation, dont celui-ci :

« Pour amener des jeunes à ce métier, il faut s'y prendre  autrement, il faut sortir de la logique disciplinaire et expliquer aux ados qu'en choisissant cette voie ils vont participer à la création de la ville intelligente, de la santé connectée, de la silver économie ... Le numérique offre aujourd'hui les métiers où l'on peut participer le plus fortement à la transformation de la société, c'est cela qu'il faut vendre aux jeunes, pas les spécialisations dans des langages informatiques. Il faut repenser le problème : on à des jeunes qui cherchent et des métiers en très grande tension et on n'arrive pas à concilier les deux faces du problème ».