Une annulation de la dette grecque n'aurait pas d'effet sur les impôts en France

Par Ivan Best  |   |  638  mots
Yanis Varoufakis, ministre grec des Finances, dimanche à Bercy
Des experts au plus haut niveau estiment qu'un effacement de la dette grecque provoquerait nécessairement une hausse des impôts, notamment en France. Une affirmation erronée, liée au mythe d'un remboursement de la dette publique par les contribuables

Si les Grecs effaçaient leur dette, chaque Français devrait payer 731 euros d'impôt en plus. Cette affirmation émane du quotidien financier l'Agefi. Ce calcul correspond aux conséquences de l'annulation des 40 milliards d'euros que la France a théoriquement prêtés à la Grèce, via différents canaux (FESF, MES...). Une perspective qui s'éloigne, le gouvernement grec proposant plutôt, désormais, la création d'obligations perpétuelles, et non l'effacement de la dette. Une décision liée, semble-t-il à la crainte de se mettre à dos les contribuables de nombreux pays européens.

Cette affirmation est-elle juste? L'idée qu'une une annulation de la dette grecque provoquerait, nécessairement, une hausse des impôts n'est pas seulement mise en avant par la presse. Un banquier central n'hésite pas à la défendre, face aux affirmations contraires de Matthieu Pigasse. Interrogé sur l'impact d'une telle restructuration pour les citoyens Français, ce banquier d'affaires a estimé qu'il serait "quasi-nul". Banquier chez Lazard,  missionné pour conseiller le gouvernement grec, cet ex haut fonctionnaire, bon connaisseur de la sphère publique, a récusé l'idée d'une hausse d'impôt obligatoire:

"Cette dette a déjà été émise donc elle est déjà incorporée dans les ratios dette sur PIB des pays européens. Vous pouvez annuler une partie de la dette grecque, une partie des créances françaises, cela n'impactera en rien la dette française" a-t-il déclaré le 30 janvier.

"Comme l'argent a déjà été sorti, cela n'aura aucun impact budgétaire réel (...) Le seul impact est un impact comptable", a-t-il poursuivi.

Pigasse est dans le vrai

Qui a raison? Ceux qui jugent inéluctable une hausse massive des impôts en cas d'effacement de la dette grecque, ou Matthieu Pigasse? C'est ce dernier qui est dans le vrai. De fait, pour prêter à la Grèce, le Trésor a déjà emprunté sur les marchés. Il a fallu s'endetter, et cette dette est déjà intégrée à la dette publique. Que se passerait-il si les 40 milliards de créance sur la Grèce étaient annulés? Comptablement, il faudrait augmenter le déficit public d'autant -soit deux points de PIB- l'année où l'annulation est actée. Mais un seul exercice budgétaire serait impacté, une seule année.

Bruxelles verrait cette augmentation comme temporaire, exceptionnelle, non récurrente. Elle ne changerait rien à la trajectoire de réduction du déficit public. Et en aucun cas, le gouvernement ne serait contraint d'augmenter les impôts.

Le mythe du remboursement de la dette par les contribuables

Certains politiques ont colporté l'idée selon laquelle, si les Grecs ne remboursent pas les fameux 40 milliards d'euros prêtés, ce serait aux contribuables français de le faire. Cette thèse traduit une méconnaissance du circuit de financement des Etats ayant accès aux marchés financiers (à la différence de la Grèce). En France comme ailleurs, les contribuables ne remboursent jamais la dette publique. Quand un emprunt obligataire ou autre arrive à échéance, l'Agence France Trésor (AFT) emprunte pour un montant équivalent sur les marchés, afin de le rembourser. Ainsi, en 2013, l'AFT a emprunté à moyen et long terme 186,3 milliards d'euros, qui ont servi, à hauteur de 106,7 milliards, à rembourser ("amortissement") des emprunts arrivant à échéance, le reste finançant, principalement, le déficit budgétaire.

Le budget de l'Etat ne comporte donc aucune ligne "remboursement de la dette". Ce qui figure au budget, ce sont les intérêts sur cette dette, et seulement les intérêts.

Le véritable impact d'une telle annulation serait la perte des recettes correspondant aux intérêts versés par l'Etat grec. Mais ces intérêts sont déjà très faibles, et pourraient être revus à la baisse.