Portugal : après la crise économique, la crise politique

Par latribune.fr  |   |  678  mots
Le Parlement portugais a voté ce vendredi, contre l'avis du gouvernement minoritaire socialiste, une hausse des crédits aux régions autonomes des Açores et de Madère, alors que le pays est en pleine tourmente en raison de l'ampleur de ses déficits.

Au Portugal, les problèmes politiques viennent se greffer aux problèmes financiers. Alors que le pays est confronté à un lourd déficit public, l'opposition au Parlement a rejeté ce vendredi certaines mesures d'austérité proposées par le gouvernement socialiste, minoritaire.

Ainsi, l'ensemble de l'opposition, de droite comme de gauche, a décidé d'adopter sa propre proposition et d'augmenter, dans le cadre de la loi de finances régionales, les transferts financiers accordés aux régions autonomes des Açores et de Madère, qui ont également obtenu l'autorisation de s'endetter de 50 millions d'euros par an jusqu'en 2013.

Pour le Premier ministre, José Socrates, ce vote constitue un camouflet au moment où il tente de convaincre les marchés, les agences de notation et ses partenaires européens de sa capacité à redresser les finances publiques.

Jeudi, le ministre des Finances, Fernando Teixeira dos Santos, avait mis en garde contre les "implications graves" de cette modification à la loi sur "la crédibilité de la politique budgétaire" du Portugal. Il avait averti qu'il utiliserait "tous les instruments politiques et légaux" pour empêcher son application.

"Crise artificielle"

De son côté, l'opposition portugaise a accusé le gouvernement de vouloir créer une "crise artificielle pour fuir ses responsabilités", soulignant que la hausse de crédits votée représentait une "part infime" du déficit public, qui s'élevait en 2009 à 15,36 milliards d'euros, soit 9,3% du PIB, un record depuis l'avènement de la démocratie en 1974.

Le gouvernement - qui doit présenter dans les deux semaines un plan global d'austérité - s'est engagé à réduire son déficit à 8,3% du PIB en 2010 et à le faire passer sous la barre des 3% d'ici à 2013. Il s'est aussi engagé à "corriger la trajectoire prise par la dette publique", selon les termes de Fernando Teixeira dos Santos, dette qui s'est élevée en 2009 à 76,6% du PIB et devrait atteindre 85,4% du PIB en 2010.

Mais le Portugal peine à convaincre les investisseurs. Les craintes scénario à la grecque, dont les déficits et la dette publics sont si élevés que la Commission européenne a décidé mercredi de placer le pays sous une quasi-tutelle, ont fait plonger les marchés jeudi dans l'ensemble de la péninsule ibérique. La Bourse de Madrid a fini la séance en piqué, perdant 5,94%, tandis que Lisbonne dévissait de 4,98%, nettement plus que les autres places européennes.

La "proie" des marchés ?

Après la Grèce, le Portugal est devenu la nouvelle "proie" des marchés, a accusé Fernando Teixeira dos Santos, dénonçant le comportement "irrationnel" des investisseurs.

De même, le gouvernement a estimé que la pression exercée sur les emprunts d'Etat lusitaniens résultait avant tout de la "grande volatilité des marchés". L'organisme de gestion de la dette portugaise a renoncé à une émission de bons du Trésor mercredi, en raison de la hausse des coûts d'emprunt, ce que le marché obligataire n'a guère apprécié.  Par ailleurs, le parlement portugais avait à peine entamé les discussions sur la loi de finances régionales que le coût de l'assurance de la dette portugaise contre un défaut a fait un bond .

Les responsables économiques de la zone euro ont bien tenté ces derniers jours de rassurer sur les Etats du sud de l'Europe, appelés autrefois avec mépris "pays du Club Med" par l'Allemagne et les Pays-Bas, et regroupés désormais avec l'Irlande dans le club des "Pigs" (Portugal, Ireland, Greece, Spain).

L'Espagne et le Portugal ne présentent "pas de risque" pour la stabilité de la zone euro, a affirmé jeudi le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker. Les mesures d'économies budgétaires de la Grèce sont "des pas dans la bonne direction", a estimé mercredi le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.

Mais "les marchés semblent en être à un stade où les mots ne suffisent plus", ont analysé dans une note les économistes de la Royal Bank of Scotland.