L'Europe se mobilise contre la spéculation, Sarkozy joue les chefs d'orchestre

Par latribune.fr  |   |  1510  mots
"Lundi à l'ouverture des marchés, l'Europe sera prête à défendre l'euro." C'est le message qu'a martelé ce week-end le chef de l'Etat. Les attaques spéculatives contre le monnaie unique et les rumeurs qui font vaciller les marchés ont mobilisé le chef de l'Etat qui a évoqué le sujet au téléphone ce dimanche avec le président Obama. Retrouvez tous les détails du mécanisme prévu par la zone euro dans cet article. Ses ministres des finances se sont réunis ce dimanche pour le finaliser.

Après en avoir discuté au téléphone ce dimanche en début de soirée, Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont trouvé un accord sur la façon dont l'Europe va se mettre en ordre de bataille pour défendre l'euro. "Un accord complet sur les mesures qui seront annoncées" se contente d'annoncer l'Elysée. Mais selon des sources diplomatiques citées par l'Agence France Presse, le plan de soutien toujours en discussion à Bruxelles reposerait sur trois piliers: des prêts de l'Union européenne, des garanties apportées par des pays de la zone euro pour des emprunts supplémentaires et un geste de la Banque centrale européenne. Un fonds d'urgence d'un montant de 60 milliards d'euros serait créé auquel s'ajouterait une capacité d'intervention de 500 à 600 milliards d'euros sur la base d'emprunts garantis par les Etats membres de la zone euro voire de toute l'Union européenne (la Suède se dit ainsi mobilisée... mais pas la Grande-Bretagne pour l'instant).

Alors que la Grande-Bretagne se cherche toujours un nouveau Premier ministre et que la chancelière accuse le choc de la défaite de son parti dans le Land le plus peuplé d'Allemagne. Nicolas Sarkozy a donc retrouvé ce week-end les accents qui avaient contribué au succès de la présidence française de l'Union européenne en 2008, dans la dénonciation des spéculateurs et la défense d'une gouvernance économique européenne. Après huit heures de discussions bilatérales avec ses pairs des seize pays membres de la zone euro, le président français a reconnu que celle-ci traversait la crise "sans doute la plus grave" de son existence. Mais il a immédiatement a assuré que les spéculateurs en seraient "pour leurs frais", grâce aux décisions prises par les Seize lors de ce sommet extraordinaire consacré à la crise grecque et à ses retombées.

C'est cette même assurance qui a apparemment prévalu dans la conversation téléphonique que le chef de l'Etat a eu ce dimanche après-midi avec son homologue américain, Barack Obama.  "Ils ont évoqué la situation des marchés et les mesures indispensables et ils ont constaté un large accord sur la nécessité d'une réponse d'ampleur aux désordres actuels qui affectent les marchés" a fait savoir l'Elyssée dans un communiqué.

Vendredi vers minuit, dans une conférence de presse improvisée, Nicolas Sarkozy avait prévenu : "Nous sommes décidés à tout mettre en oeuvre, toutes les institutions européennes et tous les Etats membres de la zone euro, pour assurer la stabilité et l'unité de la zone euro. C'est donc une mobilisation absolument générale qui est décidée." Il a souligné que la stabilisation de l'euro était dans l'intérêt de tous les pays, y compris hors de la zone euro. "Si nous ne stabilisons pas la situation, c'est l'ensemble des autres places financières dans le monde qui seraient aussi impactées", avait-il ajouté.

Il avait insisté sur le fait que les décisions prises lors de ce Conseil européen étaient "d'application immédiate", dès la réouverture des marchés lundi : "Lundi à l'ouverture des marchés, l'Europe sera prête à défendre l'euro. C'est ça le message que nous voulons faire passer", a-t-il déclaré. Nicolas Sarkozy a assuré que les pays de la zone euro étaient décidés à combattre "sans merci" la spéculation, notamment par le biais d'un mécanisme européen d'intervention, dont il n'a cependant pas voulu révéler les modalités. "Je ne peux pas rentrer dans le détail car je n'ai pas l'intention de dévoiler l'ensemble de notre plan afin que celui-ci soit le plus efficace possible", a-t-il dit.

REUNION AU SOMMET CE DIMANCHE SOIR A L'ELYSEE 

Le Chef de l'Etat a aussi tenu ce dimanche une réunion interministérielle. Y participaient le Premier ministre François Fillon, mais aussi Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères et son collègue en charge du Budget, Francois Baroin. Le patron de la diplomatie française s'est longuement exprimé sur la crise qui secoue l'Europe dans un entretien acordé au Parisien. "C'est toujours comme ça, de crise en crise l'Europe s'invente. Nous ne pouvons demeurer à la merci des marchés, il faut donc bâtir un gouvernement économique, que la France propose depuis longtemps. (...) Nous aurions dû réagir plus vite tous ensemble, c'est vrai. Les Français, Nicolas Sarkozy le demandaient. Mais n'attendez pas de moi que je mette la moindre feuille de papier à cigarette entre la France et l'Allemagne. Non, non et non" a expliqué Bernard Kouchner .

La création du fonds de soutien, sans précédent pour les membres de la zone euro, avait été décidé dans la nuit de vendredi à samedi par les chefs d'Etat et de gouvernement des seize pays de la zone euro qui ont demandé qu'un tel fonds soit prêt avant l'ouverture des marchés lundi. La Commission européenne s'est réuni comme prévu ce dimanche pour "discuter et adopter" ce projet, qui a été présenté aux ministres des Finances des 27 pays de l'UE, réunis en urgence. Le ministre français du Budget, François Baroin, a juste évoqué dimanche la création d'un "mini-fonds monétaire européen" sans donner de précisions sur le mécanisme de gestion de crise en cours de discussion à Bruxelles.

Les inquiétudes sur les capacités de certains Etats européens surendettés à remettre en ordre leurs finances et à rembourser in fine leurs dettes ont provoqué des remous la semaine dernière sur l'ensemble des marchés et minent la confiance dans l'euro.

On sait cependant que ce mécanisme de gestion de crise inédit repose sur une garantie financière de l'ensemble des membres de la zone euro. Il permettra à la Commission européenne de s'endetter sur les marchés financiers, avec la garantie des Etats membres de l'UE et de la Banque centrale européenne, afin de prêter à un pays rencontrant des difficultés à se refinancer. Une mesure exclue à la création de l'euro en 1999 pour éviter qu'un pays ne soit tenté de laisser filer ses déficits publics en escomptant un soutien communautaire. En Allemagne, le pivot de la zone euro, la création d'une telle facilité a toujours été un tabou dans la mesure où Berlin considérait avoir déjà fait un compromis historique en permettant aux pays du "Club Med" (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) d'adopter la monnaie unique. Mais la gravité de la crise grecque et les risques de propagation à d'autres économies fragilisées ont conduit à une révision des concepts. Ce mécanisme de gestion de crise doit maintenant faire l'objet d'une discussion entre les ministres des Finances de l'ensemble de l'UE dimanche, qui en finaliseront les aspects techniques et le formaliseront.

CONTRIBUTION DU SECTEUR FINANCIER

Le président français s'est borné à expliquer que si les Seize activaient pour la Grèce des mécanismes bilatéraux, ils en étaient maintenant à des mécanismes communautaires pour défendre toute la zone euro. "Aujourd'hui, c'était l'heure de vérité pour la zone euro : soit nous laissions les marchés décider de l'avenir de l'euro à notre place, soit nous étions capables de prendre les mesures nécessaires pour faire échec à la spéculation et pour sortir de cette crise plus forts et plus unis", a-t-il expliqué. "Nous ne pouvons pas laisser aller l'euro au gré de la spéculation et des intérêts de quelques spéculateurs. L'euro c'est l'Europe, l'Europe c'est la paix sur ce continent. Nous ne pouvons pas laisser défaire ce que les générations précédentes ont construit. C'est ça qui est en cause", a-t-il ajouté.

Nicolas Sarkozy, qui avait proposé en vain pendant la présidence française de l'UE de réunir régulièrement les Seize au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, est revenu à la charge en proposant de renforcer la direction de l'Eurogroupe. Il a dit que les pays de la zone euro allaient travailler au niveau national et international à "une contribution significative du secteur financier au coût des crises".

Enfin, il a balayé des informations qui circulaient vendredi soir dans les couloirs du Conseil européen sur une prise de bec avec la chancelière allemande Angela Merkel. "Nous avons tout fait, Mme Merkel et moi, pour que l'axe franco-allemand soit un axe indestructible", a-t-il dit. "Mme Merkel et moi nous partageons la même analyse : cette crise est systémique, la réponse doit être systémique." "Je me suis donné beaucoup de mal pour qu'on rassemble tout le monde. Vous ne croyez pas que je vais dire un mot pour créer de la division en Europe alors qu'on a besoin d'unité", a ajouté le président français. "Il n'y a eu aucune division entre Mme Merkel et moi ce soir."