Haro sur les allocations familiales pour les riches

Par Frank Paul Weber  |   |  665  mots
Après Londres, Berlin va supprimer les allocations familiales aux ménages gagnant plus de 500.000 euros par an. Une mesure "cosmétique", selon l'opposition, qui ne permettrait d'économiser que 3,8 millions d'euros. En France la Commission Attali plaide pour placer ces allocations sous conditions de ressources.

L?idée de priver les riches des allocations familiales fait son chemin en Europe. Après la Grande-Bretagne la semaine dernière, c?est en effet au tour de l?Allemagne de supprimer les allocations familiales pour les ménages les plus aisés.

La majorité chrétienne-démocrate (CDU-CSU)- libérale (FDP) de la chancelière Merkel a présenté un amendement lors des discussions budgétaires en cours pour supprimer les allocations familiales aux couples gagnant plus de 500.000 euros par an ou plus de 250.000 euros pour un célibataire. Cet amendement devrait être voté par le Parlement ce jeudi. Il provoque d?ores et déjà une vive polémique outre-Rhin. La propre experte des questions familiales pour le groupe parlementaire conservateur (CDU-CSU), Dorothee Bär, reconnaît elle-même que "la faible somme d?économies réalisées ainsi sera plus qu?annulée par le trop grand coût administratif de cette mesure".

L?opposition en Allemagne cloue elle au pilori la mesure de la majorité de la chancelière Merkel comme purement symbolique, si ce n?est «cosmétique», seuls 3,8 millions d?euros devant être économisés par cette mesure. "On essaie de donner l?impression que les modifications dans les allocations familiales sont une mesure socialement équilibrée [entre riches et pauvres, Ndlr]" critiquent les députés sociaux-démocrates Bettina Hagedorn et Rolf Schwanitz.

Selon eux, il s?agirait plutôt d?un geste pour détourner l?attention de la suppression des 300 euros perçus mensuellement par les chômeurs de longue durée et RMIstes allemands au titre d?allocations familiales. Au total 400 millions d?euros seraient ainsi économisés sur le budget social.

Le plafond de 500.000 euros pour le bénéfice de ces allocations apparaît en tout cas bien timoré par rapport à la rigueur instaurée outre-Manche. Le gouvernement britannique a lui décidé la suppression de ces allocations pour ceux gagnant plus de 50 000 euros par an, soit dix fois moins qu?en Allemagne.

Il est vrai que le déficit budgétaire britannique est abyssal comparé à celui de Berlin?

En France, le bénéfice des allocations familiales n?est pas conditionné à un niveau maximum de revenus. Elles ne sont toutefois octroyées qu'à partir du deuxième enfant. 

Mais l'idée y fait aussi son chemin: la Commission de Jacques Attali "pour la libération de la croissance française" a proposé dans son rapport remis il y a quelques jours "la mise sous conditions de ressources de certaines prestations , comme les allocations familiales".

Pour la Commission Attali, cette mesure contriburait à économiser pour la sécurité sociale environ 11 millliards d'euros en trois ans, s'ajoutant "à la maîtrise des dépenses de retraites publiques" ou la réduction de certains dépenses médicales.

"En limitant les allocations familiales aux familles dont les revenus sont inférieurs à la 5ème tranche d?imposition sur le revenu, on exclut du dispositif 5,6% des bénéficiaires les plus aisés (l?économie est estimée à 613 M? par an) ; en relevant pour la prestation d?accueil du jeune enfant le plafond de ressources, on exclut 20% des bénéficiaires les plus aisés (l?économie est estimée à 243 M? par an)" précise le rapport Attali dans une note de bas de page.

"A défaut, il pourrait être envisagé, sur le modèle allemand, de ne pas cumuler quotient familial et allocations familiales à partir d?un certain seuil de revenu (le choix étant laissé aux familles)" proposent également les membres de cette Commission.

"Les allocations familiales sont universelles et ne sont pas octroyées en fonction des revenus" avait contré la secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, à la remise du rapport Attali à la mi-octobre.

"Nous sommes très attachés à cette politique familiale, donc il n'est pas question de prendre en compte cette préconisation" avait-elle ajouté, précisant "connaître la conviction du président de la République à ce sujet".