Anne Houtmann : "Les Français se méfient de tout ce qui touche au marché"

Par Propos recueillis par Robert Jules  |   |  554  mots
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La nouvelle patronne de la Représentation de la Commission européenne en France explique le rôle de cet organisme à La Tribune.

A quoi sert une Représentation de la Commission européenne à Paris ?

D'abord à donner un visage ! Depuis l'adoption du Traité de Lisbonne, la mission de la Représentation s'est renforcée dans un travail d'intelligence politique. Nos interlocuteurs se trouvent désormais dans les ministères, au Sénat, à l'Assemblée, dans les milieux économiques et sociaux ainsi que dans les différentes associations à vocation européenne.

Il s'agit non seulement d'expliquer le travail fait à Bruxelles mais également de cerner les sujets susceptibles de provoquer ici des blocages. De même, nous faisons remonter vers Bruxelles la teneur des débats sur l'Europe qui ont lieu en France.

La mission d'origine de la Représentation reste essentielle et consiste à travailler sur la communication, notamment auprès de la presse, pour expliquer le message en provenance de Bruxelles.

Comment approfondir cette intégration européenne ?

Plusieurs domaines d'action sont envisageables. Il y a ainsi la nécessité de favoriser le débat en France sur la définition des priorités dans le cadre du budget européen : quels sont les secteurs où une véritable valeur ajoutée européenne pourrait être apportée, où l'investissement d'un euro au niveau européen est plus avantageux pour un pays qu'un euro investi au niveau national, par exemple.

C'est aussi le cas de la recherche, où un programme mutuel européen serait plus efficace que l'addition de programmes nationaux. La Politique agricole commune (PAC), les transports ou encore l'énergie sont également des domaines où l'Europe peut devenir plus efficace. Ainsi, la nécessité de développer des infrastructures qui puissent offrir des interconnexions entre pays de l'UE pour l'énergie ou le transport, afin d'améliorer l'efficacité, doit être pensée sur un plan européen. De tels projets transfrontaliers, qui courent sur le long terme, requièrent d'importants investissements qu'il serait approprié de réaliser au niveau européen.

Je m'efforce, en essayant de créer des passerelles entre les divers acteurs publics et privés, de favoriser cette réflexion.

Pourquoi la communication est-elle si difficile ?

Parce que nous parlons différentes langues dans l'Union européenne, mais aussi parce que les mots, même traduits, revêtent une réalité différente selon les pays. Ainsi, la compréhension de la notion de "service public" diffère selon les pays. Les Français en ont une perception positive et se méfient de tout ce qui touche au marché.

D'autres Etats membres craignent plutôt que Bruxelles légifère, car les compétences en la matière y relèvent des régions, comme en Allemagne. D'autre pays encore aimeraient au contraire qu'au nom d'une meilleure efficacité de ces services, Bruxelles introduise une part de libéralisation. C'est pourquoi, dans le jargon européen, on préfère parler de "service d'intérêt général", comme un service rendu au public, dont les missions sont fixées par les autorités publiques mais peuvent être confiées à des entreprises privées.

Les problèmes de communication sont des problèmes de traduction, mais pas seulement.

Certains critiquent le coût élevé de la traduction...

Certes, mais maintenir cette diversité linguistique est également un acte démocratique, un enrichissement. Il est important que chaque pays puisse garder sa spécificité.