Tony Blair admet des "regrets" sur l'Irak

Par Eric Albert, à Londres  |   |  690  mots
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Tony Blair témoignait ce vendredi pour la deuxième fois face à la commission d'enquête sur l'Irak. Il maintient son soutien inébranlable à George Bush.

Il aura fallu près de huit ans et plus de dix heures d'interrogation, mais Tony Blair a finalement avoué des "regrets" sur la guerre en Irak. Passant pour la deuxième fois face à la commission d'enquête sur l'Irak, l'ancien leader britannique a attendu dix minutes avant la fin de la session pour prendre la parole sur le sujet : "vous m'avez demandé la dernière fois si j'avais des regrets ? J'ai cru que vous me demandiez si je regrettais d'avoir lancé la guerre et j'ai répondu que non. Mais cela a été pris comme une déclaration concernant les pertes de vie. Je veux être clair : je regrette complètement et profondément la perte de vies."

Dans le public, quelques spectateurs, constitués en grande partie des familles des soldats britanniques décédés en Irak, se ont immédiatement crié : "c'est trop tard". En signe de protestation, deux femmes se sont levées et lui ont tournées le dos jusqu'à la fin de l'audition.

Pour le reste, l'ancien premier ministre britannique n'a guère accepté la moindre erreur. Tellement bronzé qu'il en est presque orange, les cheveux désormais presque complètement blancs, il a confirmé l'impression qu'il aurait été systématiquement aux côtés des Américains, quelque soit leur position pendant la préparation de la guerre en Irak.

Deux points en particulier démontrent sa détermination. Dès juillet 2002, presque un an avant la guerre qui début fin mars 2003, il déclare à George Bush : "vous pouvez compter sur nous". Malheureusement, ses paroles exactes, lors d'une conversation téléphonique avec le président américain, ne sont pas connues : les archives restent classées secrètes, et l'administration britannique vient une nouvelle fois de refuser de les déclasser (les membres de la commission d'enquête y ont eu accès, mais ne peuvent pas les dévoiler). Mais Tony Blair lui-même a confirmé ce vendredi que la teneur de ses propos était clair : "vous pouvez compter sur nous".

Il précise cependant que "ce n'était pas un chèque en blanc". "Ce que je disait (à George Bush) est que je ne retirerais pas mon soutien (...) simplement pour des raisons politiques. J'allais être un allié tenace (...), bien que je savais que ce serait politiquement difficile."

Un autre point, fondamental, indique la détermination de Tony Blair : la question de la légalité de la guerre. Non seulement l'ancien leader britannique a ignoré les conseils légaux de son propre procureur général, mais il a même délibérément évité d'en parler à George Bush, de perdre de l'inquiéter.

La question tourne autour de la résolution des Nations Unies qui n'a pas été votée, la France menaçant d'y opposer son veto : était-elle nécessaire pour rendre la guerre légal ? Oui, affirme le 14 janvier 2003 Lord Goldsmith, à l'époque procureur général, dans un mémo confidentiel à Tony Blair. Le lendemain, ce dernier n'en tient pas compte, déclarant à la chambre des communes qu'une résolution est "préférable" mais "pas nécessaire". Lord Goldsmith, sous une énorme pression, finira par accepter officiellement la légalité de la guerre sans nouvelle résolution juste avant l'invasion.

Celle semaine, Lord Goldsmith a tenu sa revanche. Dans des réponses écrites à des questions de la commission d'enquête, il affirme que les déclarations de Tony Blair en janvier "n'étaient pas compatibles" avec les conseils qu'il donnait.

Tony Blair a tenté de s'en expliquer ce vendredi : selon lui, les conseils de Lord Goldsmith en janvier était "provisoires" et n'avaient rien d'officiel. Pourquoi, cependant, ne pas avoir parlé de ce problème à George Bush ? Sa réponse est révélatrice. "Je n'allait pas en parler au président des Etats-Unis jusqu'à ce que ce soit inévitable. (...) George Bush savait que c'était difficile politiquement. Si j'avais aussi parlé du souci légal, je crois qu'il aurait été inquiet (de la solidité de notre soutien)." En d'autres termes, jamais Tony Blair n'aurait osé évoquer la moindre fissure dans son soutien.