Le cri d'alarme de Mario Monti pour le marché unique

Par Eric Albert, à Londres  |   |  573  mots
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Mario Monti, ancien commissaire européen, critique la rhétorique politique anti-européenne. Il souhaite aussi le retour d'une directive Bolkestein sur les services et une meilleure harmonisation fiscale.

Mario Monti s?inquiète pour le marché unique européen. "La dynamique électorale, avec l?émergence de nombreux petits partis qui s?éloignent du centre-gauche ou du centre-droit, risque de le mettre en danger", expliquait-il ce lundi, lors d?une conférence à Londres.

Lui-même ancien commissaire européen en charge du marché unique, et auteur d?un rapport remis à la commission européenne en mai 2010 sur la façon d?approfondir ce projet, il reconnaît que le danger n?est pas immédiat. Mais il s?inquiète de l?émergence d?une rhétorique anti-européenne comme celle de Marine Le Pen, même s?il ne la cite pas directement. Il estime aussi que les leaders politiques européens ont oublié ce sujet essentiel à croissance économique. "Le marché unique est plus nécessaire que jamais, pour l?économie Internet, le marché des services, l?énergie?", affirme-t-il.

Malcolm Harbour, député européen conservateur, également présent à cette conférence organisée par Business for New Europe, lobby pro-entreprises en Europe, va dans le même sens. "Actuellement, de nombreux "e-commerces" refusent de vendre dans d?autres pays européens que celui où ils sont implantées. C?est pour des raisons fiscales, mais aussi administratives, qui rendent trop compliqué la vente à travers l?Europe."

Leon Brittan, ancien commissaire européen à la concurrence, également présent à cette conférence, ne cache pas non plus un certain agacement. "4.600 professions sont encore régulées en Europe : l?encadrement des prix des architectes en Allemagne ou en Grèce, mais aussi la distance entre le logement et l?école des professeurs de danse en Grèce?"

Pour accélérer la mise en place complète du marché unique, Mario Monti estime qu?un front Londres-Berlin-Varsovie pourrait être créé. Les trois capitales plaident toutes pour une plus grande dérégulation et pourraient créer une dynamique commune. "Pour avancer, il faudra accepter de faire des concessions, estime Mario Monti. Cela peut être des concessions mineures, par exemple sur les aides d?Etat aux intérêts économiques stratégiques." La France, qui aime à défendre ses champions industriels, est clairement visée?

Un parachèvement du marché unique suppose cependant d?aborder deux sujets très délicats. Le premier est une harmonisation des services, sur le modèle de la fameuse directive Bolkestein, qui avait provoqué une vaste polémique en France. Celle-ci prévoyait que les Européens pourraient travailler partout en Europe aux conditions prévues dans leur pays d?origine, d?où une crainte d?un déferlement des désormais légendaires "plombiers polonais". "C?était un concept excellent mais politiquement trop ambitieux", estime Malcolm Harbour. Avec Mario Monti et Leon Brittan, il souhaite la réintroduction d?une directive allant dans ce sens.

Le deuxième sujet délicat est l?harmonisation fiscale européenne, dont le Royaume-Uni ou l?Irlande ne veulent pas entendre parler. Mario Monti préconise pour cela une stratégie masquée : "il faut laisser aux Etats l?impression qu?ils conservent la souveraineté fiscale, tout en apportant progressivement une convergence." Il est par exemple favorable à une série d?accords bilatéraux, qui éviteraient les grandes déclarations européennes sur le sujet. Une telle stratégie risquerait cependant de renforcer un peu plus la rhétorique anti-européenne des petits partis dénoncée par Mario Monti?